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Stéphane FIÈRE
Wang Desheng, vice-ministre du commerce de la République populaire de Chine est en déplacement en France pour visiter des usines de haute technologie, des forêts, des exploitations vinicoles, des hôtels, bref des secteurs et des entreprises dont le potentiel lucratif ou symbolique pour son pays et surtout ses affaires ont été repérés par le conglomérat dont il est PDG. « Un groupe de 40 000 personnes qui pèse trente milliards d'euros ». Pourtant, s'ils sont nombreux à se laisser éblouir par la richesse et le charisme de Wang (et bien-sûr, par la beauté de son harem) quelques-uns, du propriétaire du cru bordelais aux forestiers auvergnats, sont choqués par son attitude conquérante et son arrogance et le considèrent avec défiance voire mépris : ne pourraient-ils pas finir à terme maîtres du pays si on les laisse tout acheter, ces Chinois richissimes ? Le traducteur, Thibault Marsan, par ailleurs époux d'une des nièces du Patron, est un rouage essentiel pour faciliter les échanges et aider à la transaction attendue par son employeur. Il a aussi en charge le rapport avec les autochtones pour l'intendance et l'organisation du séjour. Un job qui n'est pas de tout repos et qu'il semble assurer avec une certaine sérénité jusqu'à ce que le hasard lui mette dans les pattes Sandrine Roynac. Patron Wang semble avoir été immédiatement séduit par cette belle trentenaire ayant étudié le chinois classique et la civilisation de Song au XIe siècle. L'auteur, spécialiste depuis vingt ans du monde chinois, se livre ici à une satire sur des sujets fort contemporains comme la génétique, la spéculation financière, la technologie ou le tourisme avec une drôlerie qui vient tempérer mais non masquer sa virulence. La « cour » de Wang, assistants mais surtout gynécée, leur agitation et attitudes sont dépeintes de façon joyeusement superficielle et exotique, comme un dérivatif aux pages consacrées à l'économie et aux transactions commerciales. Des problématiques éthiques, environnementales, humaines se font parfois sentir de façon sous-jacente dans ces rendez-vous d'affaires à la férocité à peine masquée par la courtoisie et les rituels d'usage dans ce type de négociation. Mais c'est véritablement chez les deux interprètes, seuls à appréhender totalement le dessous des cartes et le vrai rapport de force qui se joue derrière les mots prononcés, qu'intérieurement ces questions prennent toute leur place. Entre frissons, révolte, rire et stupéfaction, le lecteur se laisse prendre à cette fable philosophique enlevée et foisonnante qui pourrait être une alerte à prendre très au sérieux sur cette nouvelle forme d'impérialisme économique des temps modernes. Dominique Baillon-Lalande (07/01/16) |
Sommaire Lectures Phébus (Janvier 2016) 288 pages - 19 €
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