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Arnaud DUDEK
Lettre ouverte à Monsieur Dudek Beaucoup plus âgée que vous, je me permets de vous écrire (avec le poids des ans, on ose plus) et de partager ce courrier avec les visiteurs d’Encres Vagabondes, m’économisant ainsi un papier, d’abord parce que vous avez eu la gentillesse de me dédicacer votre livre et que je voulais vous en remercier et aussi, et surtout, parce que comme je l’aime beaucoup, (ouf, ça tombe bien) j’aimerais que d’autres lecteurs partagent mon enthousiasme. Ceci dit, je me permets de vous écrire aussi pour vous mettre en garde. Vous voyez ce que mon enthousiasme est capable de faire, j’ai peur que vous ne crouliez très vite sous un flot de messages d’admiratrices plus que sexagénaires que votre histoire entre une veuve âgée et un jeune divorcé vont faire rêver tant nous avons tendance à mélanger réalité et fiction ! Vous avez donc bien fait, après le point final, de bien préciser : J’aime raconter les histoires de gens qui n’existent pas parce que, comme à Christiane, un autre personnage de votre livre, il me vient à l’idée parfois, qu’un jour ou l’autre, je devrais affronter seule le monde, les religieuses au café et tout le reste si l’homme que j’aime venait à mourir avant moi et qu’en lisant votre livre je n’ai pu m’empêcher de me consoler en pensant qu’un Jean-Claude pourrait par hasard venir boire le thé chez moi et plus si affinités… Non, non, qu’on se le dise bien, Jean-Claude ne donnera des cours d’informatique qu’à Françoise – indigne vieille dame qui reprend goût à la vie, après dix ans de veuvage tout de même – et ne sirotera du porto qu’avec elle. Un autre salon, une autre brioche, dix ans plus tard […] elle recommençait tout juste à vivre. […] et même d’envisager un avenir. Oui, à son âge. Elle avait […] des écrivains à découvrir, des vêtements à essayer, elle ne se sentait pas encore prête à renoncer à tout. Jean-Claude est un personnage de papier. Est-il aussi improbable que les personnages que dessine son meilleur copain : des créatures à onze bras, des spectres bioniques, des guerriers courageux ? Pas sûr. En tout cas, votre écriture, bien réelle, m’a rappelé celle de Truffaut, légère, pétillante, bouleversante. Pouf un petit tour de manivelle et on retourne en arrière, dans l’enfance du héros ou dans un moment de sa vie, pouf, encore un petit coup de manivelle, et le temps a passé, tout s’est arrangé ou pas. Marquons une pause. Quand un personnage commence à prendre de l’importance, il est bon de s’attarder sur son passé, son œuvre, son parcours. Quelques détails, trois fois rien, l’essentiel. Un concentré de vie, comme une goutte de parfum derrière une oreille. Votre écriture a aussi quelque chose des chansons de Trenet, l’enfance, la jeunesse, la fantaisie mais pas seulement, la nostalgie, mais pas seulement. Je suis une inconditionnelle des chansons de Trenet alors je suis d’accord avec vous, parce que là, il me semble que c’est le narrateur-auteur qui le dit et pas seulement Jean-Claude (qui malgré son prénom démodé est très jeune, enfin beaucoup plus jeune que Françoise qu’il rêve d’emmener à Narbonne sur la tombe de Charles Trenet) : derrière les chansons duquel, messieurs-dames, il y a plus de noirceur qu’on le croit. Comme derrière les rides de vos personnages. C’est le problème avec les vieilles personnes. Elles ont peut-être commis les pires atrocités dans leur passé, volé des sacs à main, détroussé des handicapés, préparé des attentats, eh bien, c’est comme si leur grand âge les absolvait de tous leurs péchés. C’est fou, les plages du Nord, on n’y pense pas pour se réchauffer, eh bien on a tort. En tout cas, sur celle-ci, il faut aller y faire un tour, ça fait tellement de bien ! Sylvie Lansade |
Sommaire Lectures Alma éditeur (Janvier 2015) 168 pages - 16 €
Bio-bibliographie sur Wikipédia Découvrir sur notre site un autre roman du même auteur : Les fuyants |
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