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Paul Katrakilis, docteur en médecine, s'est expatrié pour vivre de sa passion : la chistera (variante de la pelote basque) dont il est tombé amoureux tout jeune et qu’il pratique en professionnel. Suivant la phrase préférée de son oncle, « Il ne faut jamais se tromper de vie. Il n'existe pas de marche arrière », il a fui Toulouse où il vivait avec une famille dépressive et suicidaire dont il ne reste que son père. Son grand-père, ancien médecin de Staline ayant conservé dans le formol une lamelle du cerveau du dictateur dérobée après son autopsie et exposée dans sa chambre, s'est tiré une balle dans la tête en 1974, son oncle Jules vivant sous leur toit a choisi sept ans plus tard de jeter sa moto contre un mur à 130 km/h, ce qui a amené Anna, inconsolable mère de Paul, à opter peu après pour l’intoxication au monoxyde de carbone avec sa Triumph dans le garage de la maison familiale. Mais un jour, l’appel du consulat de France lui annonçant le suicide de son père rappelle à son bon souvenir cette famille dangereuse pour son équilibre qu’il a tenté d'oublier et cette fatalité qui semble tous les rattraper les uns après les autres. C'est du huitième étage que le médecin généraliste toulousain a sauté avec une mise en scène macabre, la bouche bâillonnée avec du scotch pour ne pas crier. C'est en vidant la maison de son enfance pour la vendre qu'il trouvera deux énigmatiques carnets noirs remplis de noms de patients et de la date de leur mort. De son côté, l'étrange Zigby, un chirurgien esthétique proche du défunt, prétentieux, alcoolique et bavard, venu lui rendre visite, saura semer le doute sur la personnalité d'un père que seul caractérisait, du moins aux yeux de Paul, l'indifférence aux autres.
Tout d'abord léger et cocasse, rempli d'humour et fantaisiste à souhait, le roman se fait de plus en plus grave, nous faisant glisser progressivement du rire à des questions et des émotions plus profondes. La mort rôde ici constamment, celle à laquelle le chien échappe alors que le zèbre blanc du zoo, dernier de sa race, n'aura pas cette chance, celle que les Katrakilis avec une pathétique constance choisissent de se donner, celle qui se fait attendre aussi parfois ou que l'on donne. Et pour dire l'ombre, la souffrance ou l'incompréhensible désespoir qui l'accompagnent, le soulagement ou la provocation qui la caractérisent, Jean-Paul Dubois, en parfait funambule, jamais ne bascule dans le pathos ou le sensationnel. Jamais il ne se départit de son humour doux-amer et de cette élégance qui est sa patte de livre en livre. À travers Paul (personnage récurent mais protéiforme dans l’œuvre de l'auteur), malgré sa solitude et le poids que constitue son héritage, c'est aussi la beauté de l'instant, les petits plaisirs et les grandes joies de la vie qui frappent à la porte. D'autres portraits, parmi les personnages secondaires comme l'ami cubain, le gardien du zoo ou la compagne d'un malade, offrent un visage solaire ou lumineux et, de manière fugace, chassent le malheur autour d'eux ou l'apaisent. Un beau livre, entre émotion et distance, sur la transmission, la vie et la mort, traitées avec mélancolie, élégance et humour noir. Dominique Baillon-Lalande (19/09/16) |
Sommaire Lectures L'Olivier (Août 2016) 240 pages – 19 € Points Seuil (Octobre 2017) 240 pages – 7,40 €
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