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François COUPRY

Le fou rire de Jésus
suivi de
Je suis mon propre père

Cet ouvrage comprend deux textes d’une bonne centaine de pages chacun, deux textes très différents, l’un nous immergeant dans l’antiquité romaine et l’autre beaucoup plus contemporain, mais deux textes au cousinage évident par la nature insaisissable du personnage central et le rapport complexe à la notion de temps. Deux textes pleins de surprises et de rebondissements, deux enquêtes portant sur l’identité réelle des personnages.

Le fou rire de Jésus
Ici, le narrateur est Ponce Pilate mais un Ponce Pilate que la mort a oublié, qui est toujours vivant en ce début de XXIe siècle et qui écrit la façon dont il a traversé les siècles avec en tête une question fondamentale à laquelle les diverses époques n’ont pas apporté de réponse.
La scène fondatrice, qui l’obsède, sur laquelle il ne va cesser de revenir, c’est sa rencontre avec  Jésus. Les autorités religieuses ont condamné à mort un étrange Galiléen qui se dit être le Messie. Les grands-prêtres peuvent condamner mais n’ont pas le pouvoir d’exécuter. Ils viennent donc demander au représentent de l’empereur  romain de réaliser leur condamnation. Ponce Pilate n’a pas trop envie de se mêler de cette affaire.
« – C’est une affaire religieuse. Pour l’heure, ce Galiléen n’a point enfreint les lois de Rome. Mais il est déjà arrivé, par le passé, que vous exécutiez de vos mains quelqu’un qui, selon vos règles et votre foi, avait péché. Et Rome avait fermé les yeux, n’est-ce pas, Caïphe ? [...]
– Je croyais que tu avais compris : certes, nous te l’envoyons pour que tu confirmes notre condamnation, mais toi tu es intelligent, tu es fluctuant, tu ne t’engages pas, tu ne le sens pas coupable, et tu le laisses partir libre, ce Jésus. Et l’on n’entendra plus jamais parler du Galiléen. »
Ponce Pilate a demandé qu’on lui amène ce Galiléen et ils ont eu un entretien, seul à seul, pendant deux heures. Jésus lui demande de le condamner. Pourquoi ? Que se sont-ils dit ? C’est la nature de cet échange qui va nous être distillé peu à peu au fil du texte.
Ponce Pilate, pour être bien clair dans son récit, raconte son enfance, ses secrets, ce qui l’a conduit à ce poste de représentant de l’empereur Tibère en Judée. Mais il explique aussi comment les paroles de Jésus l’ont poursuivi au fil des siècles, comment les diverses époques et les divers peuples ont interprété son message, y ajoutant notamment une notion de morale dont Jésus se moquait bien.
François Coupry parvient à maintenir l’intérêt tout au fil du récit par les questions qu’il pose et la façon dont son Ponce Pilate confronte la parole originelle dont il est détenteur à l’image qui se construit à mesure que le temps passe...

Je suis mon propre père
Le deuxième texte fonctionne comme une enquête policière avec de multiples rebondissements.
Ici, la scène fondatrice ressemble à du théâtre. Octavien Hart est un enfant malade (on apprendra plus tard de quelle maladie) dont le père a été assassiné. Sa mère a réuni dans une villa sur une île, sept personnes dont l’une est l’assassin de son père. Cachés dans une pièce du sous-sol, derrière un écran, l’enfant et sa mère suivent la scène qui se joue dans le salon. On pourrait se croire chez Agatha Christie. Chaque personnage a un mobile et pourrait être l’assassin.
Mais, évidemment, avec François Coupry, tout est beaucoup plus complexe. La scène va déraper complètement, les comédiens vont cesser de jouer leur rôle... ou en interpréter d’autres...
L’histoire va se dérouler sur un demi-siècle. La scène fondatrice, sur laquelle on reviendra au fil du récit, s’est jouée en 1958 quand Octavien avait onze ans, mais il va continuer à rencontrer les personnages (enfin ceux qui ne meurent pas tout de suite) à diverses reprises jusqu’en 2010. Qui est ce mystérieux Octavien Hart qui porte le même prénom que son père ? Son père a-t-il vraiment été assassiné ? Pourquoi cette mise en scène par la mère sur l’île ? Qui sont vraiment les personnes qui interprétaient un rôle ce soir-là ? Qui manipule qui ?

Dans ces deux textes, François Coupry pose la question du rapport au père. Jésus et Octavien Hart sont-ils les enfants de leur père où sont-ils le père lui-même ? Comment est-ce possible ? C’est la nature du talent de l’auteur que de pouvoir rendre plausibles les réponses à ces questions.

Une postface de Christine Bini resitue ces deux textes dans l’œuvre de l’auteur, en explicite la genèse et les filiations, les liens qui les rattache à la Nouvelle Fiction, ce groupe d’auteurs qui se jouent du rapport ambigu entre le « réel » et la fiction. « Chez tous ces écrivains, la réalité n’est pas le réalisme, et l’imagination est première. » Cette postface permet d’apprécier plus encore la profondeur et la complexité du travail de l’auteur.

Un livre étonnant, dérangeant, passionnant, construit sur du mystère et des questions avec une redoutable virtuosité.

Serge Cabrol 
(18/08/16)    



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Grand West
(Avril 2016)
Collection "Le K"
260 pages - 21,90 €


Postface de
Christine Bini :
François Coupry,
l'ogre baroque









François Coupry,
né en 1947, a été journaliste, éditeur et rédacteur en chef de la revue Roman. Essayiste, conteur, romancier, il a écrit une trentaine d'ouvrages.










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