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Irène COHEN-JANCA


demander l'impossible.com



"Petit tas tombé
Petit a sans petit b
Au pied du piéton
Une âme est sous ces cartons
Petit tas tombé
A quoi as-tu succombé ?
"
( Petit Tas Tombé, chanson d'Alain Souchon)

C'est ce que se demande Antonin à propos du SDF, en tas, sur le trottoir, juste devant chez lui. Qui peut vivre ainsi, dans une léthargie crasseuse et repoussante ? Comment en arrive-t-on là ? Pourquoi ce clochard ne boit pas comme les autres pour avoir chaud, pour oublier ? Pourquoi sert-il sur son cœur, un livre ?

Antonin non seulement va résoudre cette énigme mais dans le même temps, prendre conscience que la grande sœur parfaite qu'on lui cite en exemple et qui lui tape sur les nerfs est en train de se suicider à force d'exigence envers elle-même. En découvrant par hasard le passé de ses parents, Antonin va lui aussi faire sa révolution et secouer le train-train bourgeois dans lequel toute sa famille s'enlise. Il va apprendre qu'en amour, aussi, le conformisme ne fait pas bon ménage avec le bonheur.

Antonin – qui doit peut-être son prénom au poète Antonin Artaud, souvenir des frasques soixante-huitardes que sa mère renie mais que son oncle rabâche – n'est pas un héros. Mais il a hérité, avec le prénom peut-être, d'un peu de l'acuité du poète, de son anticonformisme, de son sens de la dérision et surtout de sa sensibilité. Son goût pour les autres et son humour pointent du doigt les travers de son temps, tout en ne s'en excluant pas.
Voici quelques unes de ces réflexions :

Avoir des relations aux autres mais virtuelles :
"Le réseau, pour ne pas crever en chien solitaire, pour parler, sans devoir sonner à aucune porte, à celui qui veille devant son écran allumé dans la nuit… Peinard derrière l'écran. Seul et connecté."

Ne jamais vraiment vivre pleinement l'instant :
"Soudain, une voix mâle ose briser le silence religieux :
– Je suis à la bibliothèque, je viens de rendre mes bouquins !
Bande-son ordinaire du portable. On s'en tape mon vieux que tu viennes rendre tes bouquins !
A croire que l'engin a été inventé seulement pour qu'à toute heure du jour et de la nuit un abruti puisse poser cette question vitale : T'es où
?"

Être connecté à la diversité du monde et n'entendre qu'un son de cloche :
"Autour de moi tous les visages sont fermés. Quelques-uns lisent le journal, ils lisent tous le même. Un revenant qui aurait quitté le pays il y a vingt ans, pourrait croire qu'une dictature s'est installée, interdisant toute la presse libre, censurant les journaux, au profit d'un ou deux, ces canards basses calories que tous tiennent ouverts devant leur visage fermé. Vingt minutes ou Métro… C'est gratuit et ce qu'il y a dedans est triste et mou."

Faire passer le paraître avant l'être :
"En face de moi vient s'installer un couple. Ils ont notre âge. Le mien et celui de Léa. Hélas, ils ne lisent pas Métro ou Vingt Minutes. Ils ont autre chose à faire : montrer qu'ils s'aiment. A tous les coups, ces deux-là passent une moitié de leur vie à vivre, et l'autre, à balancer des photos sur Internet pour montrer comment ils vivent."

Alors si en Mai, cela fera 45 ans qu'un grand souffle est passé et qui, l'espace d'un printemps, dit-on, a éteint les télés et ouvert les yeux, les piqûres de rappel font toujours du bien. On rit et on pleure avec Antonin et on se surprend à demander, comme lui, l'impossible, sur le mur virtuel du web, puisque les murs de nos villes sont devenus aveugles et sourds. L'impossible ou simplement relever le menton ? Car "ce n'est pas de la merde les étoiles !"

Sylvie Lansade 
(27/01/13)    



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Jeunesse








Éditions du Rouergue

Collection doAdo
202 pages - 13,20 €

À partir de 13 ans














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