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Jean-Pierre BROUILLAUD

Les petites rébellions


À cinquante-cinq ans, Henri Brunovilliers, notaire de son état, sis à Neuilly, a beau se retourner, chercher au fin fond de sa mémoire, jamais il n'a enfreint la loi, ni une règle, ni une recommandation. Notaire respectueux de la légalité, il l’a été depuis le berceau. Dans son tableau des infractions possibles, il note : « Bavarder pendant les cours. Une fois en première licence de droit lors du cours Politiques économiques contemporaines [...] Mentir à ses professeurs (sur le motif d’un retard, d’une absence, d’une interrogation, ratée).Néant. […] Braver l'autorité. Néant. Braver quelqu'un. Néant. Ad lib... »

Même dans ses jeux d'enfants, il restait respectueux : « Henri se souvient qu'il jouait sur la terrasse de la maison de Bretagne avec ses cousins... Il se souvient aussi du jour où l'un des cousins à dit "Et si on sautait ?", en se mettant sur la rambarde de la terrasse. [...] Ils avaient évidemment l'interdiction formelle de s'y essayer [...] Ils avaient tous sauté. Sauf Henri. » Aussi en cherchant bien dans le code pénal qui lui est peu familier, pour ne pas risquer une peine trop sévère, – on pense à Neuilly Blues de Gilbert Lafaille – il décide de commettre une infraction. Ce sera de prendre le métro et le RER sans titre de transport ! C'est cette épopée, cette titanesque audace qui forme la trame du roman.

Le même jour, le vendredi, Frank Milena, vieux chanteur qui a toujours ses fans, prépare son ultime concert au Zénith et décide de reprendre le contre-ut à la fin de son célèbre tube Je ne reviendrai pas. Contre-ut qu’il ne peut plus faire depuis longtemps avec sa voix usée. C'est sa manière de se rebeller contre la nature, contre sa vie qu'il estime ratée malgré son succès dans la variété.

Ce même vendredi, Charlotte, Anne-Laure, Berthelin de la Garde, Michel et le président de la République lui-même (dont le face-à-face avec son premier ministre n'est pas sans rappeler celui de François Mitterrand et Jacques Chirac) empruntent tous la ligne n°1 puis la 7 pour se rendre au concert de Milena. Tous mènent une rébellion contre eux-mêmes comme Henri, contre leur conjoint, contre le train-train quotidien, contre leur vie qu’ils ne voyaient pas comme ça comme le dit Alain Souchon.

Toutes ces révoltes qui sont l'ordinaire de bien des gens ont un aspect ridicule mais rendent les personnages attendrissants, finalement bien fragiles, minés par les traumatismes quotidiens. À quoi aboutiront leurs révoltes ? Ils sont tous dans la rame conduite par Évelyne !

Un roman drôle dont les courts chapitres (parfois une page et demie) lui donnent la vitesse du métro. À savourer, aux heures creuses, entre Pont de Neuilly et Porte de La Villette.

Michel Lansade 
(05/11/15)    



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Buchet-Chastel

(Octobre 2015)
176 pages - 14 €






Jean-Pierre Brouillaud,
né en 1969,
est professeur de droit.
Les petites rébellions
est son troisième roman
chez le même éditeur.


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