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Alain ABSIRE

Mon sommeil sera paisible



Robespierre amoureux… Pourquoi pas ? Mais pas seulement… Robespierre s'interrogeant sur l'image qu'il laissera à la postérité. Robespierre et le rôle de l'art dans la Révolution : édification des foules ou manifestation de la sensibilité de l'artiste. Robespierre et l'Être suprême. Robespierre et la mort…

Alain Absire aborde sous un angle très original et personnel un personnage essentiel et redouté dans une période troublée, violente et fondatrice, sans éluder les questions universelles qui animent un acteur de l'Histoire dans le quotidien de l'action militante au moment décisif de choix cruciaux susceptibles d'entraîner de profonds bouleversements.

Ce roman se situe au confluent des diverses veines qui alimentent l'univers littéraire de l'auteur. Alain Absire a déjà situé plusieurs de ses romans dans des contextes historiques (la Rome antique pour Sulpicia, le moyen âge pour L'égal de Dieu, Naples au XIXe siècle pour Les noces fatales…), religieux (Lazare ou le grand sommeil, Jo ou la nuit du monde, François d'Assise et le sultan) et artistiques (Botticelli dans Alessandro ou la guerre des chiens, Molière dans Baptiste ou la dernière saison, Chet Baker dans L'Enfant-Lune, Bacon dans Deux personnages sur un lit avec témoins…) pour ne citer que quelques titres parmi les dizaines qui constituent l'œuvre de cet écrivain profondément inscrit dans un territoire à la fois vaste et cohérent. C'est tout cela que nous retrouvons ici : un contexte historique, une figure majeure de la vie politique en prise avec ses questionnements essentiels, une artiste confrontée à la place de l'art dans la société, à la relation entre l'art et le pouvoir…

Tout commence ici par la rencontre en juillet 1789 de Robespierre et Marie Curtius. Le premier on le connaît (plus ou moins) mais la seconde, qui est-elle ? Une céroplasticienne, une "cirière"… Une artiste du modelage en cire, la nièce du célèbre Philippe Curtius, propriétaire du Cabinet de curiosités et autres figures de cire, véritable préfiguration des musées Grévin ou Tussaud.
Le comte de Lorges, libéré par la prise de la Bastille, est un vieil homme à l'aspect presque cadavérique que Robespierre conduit chez Curtius pour que soit moulé « le portrait de ce martyr dans l'état où il est. A vous de le montrer avec exactitude et le peuple n'oubliera jamais l'injustice dont il a été victime. » Mais Curtius préfère confier cette tâche à sa nièce, et Robespierre assiste au travail de la jeune femme. « Incapable d'en détacher son regard, il observa les mouvements de ses mains souples et vives, à la fois caressantes et fermes, fines et solides tout comme ses épaules… »
Et voilà Maximilien très intéressé par le modelage et la modeleuse…

Le travail ne va pas manquer pour la jeune femme qui, après son Mirabeau à la tribune, se lance dans une Galerie des grands révolutionnaires avec Desmoulins, Billaud-Varenne, Pétion, Collot d'Herbois, Barnave, Brissot, Saint-Just, Danton… Robespierre résiste mais finit par accepter que les mains de la jeune femme prennent l'empreinte de son visage. Il est étonné et déçu par le résultat. « Qui était donc cet inconnu presque effacé nommé Robespierre dont le regard pourtant aigu ne montrait ni passion flagrante ni amour passionné pour la nation française ? » Comment pouvait-elle le montrer si vulnérable ?

Marie refuse de se faire imposer l'expression qu'elle donne à ses modelages. Ainsi pour la reine et le dauphin au Champ-de-Mars, pour le retour de la famille royale après la fuite de Varennes, ou Marat assassiné par Charlotte Corday…

Le peintre David, "Grand ordonnateur des arts et des fêtes civiques et révolutionnaires", la poursuit de ses foudres comme une ennemie de la patrie et Robespierre a bien du mal à la protéger à la fois de la justice et d'elle-même. Elle s'entête à défendre sa liberté de créatrice et les émotions qu'elle veut faire jaillir de ses œuvres. « Nul ne peut décider à notre place, Maximilien. A nous de savoir si le but est de rester vivant ou de rester humain. »

Sans partager ses idées sur l'art, Robespierre va pourtant continuer à l'accompagner, y compris dans les charniers où ils errent la nuit pour récupérer les têtes des décapités que Marie emporte dans son atelier afin de prendre l'empreinte de leur visage.

Etrange relation et superbe roman qui nous conduit du 14 juillet 89 jusqu'à l'été 1794 où Robespierre monte à son tour sur l'échafaud. Tous les thèmes chers à Alain Absire agitent ce livre qui restera comme un ouvrage majeur d'une œuvre hors du commun.

Serge Cabrol 
(18/06/14)    



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Gallimard

(Mai 2014)
224 pages - 16,90 €







Alain Absire,
romancier, nouvelliste, auteur pour la jeunesse et essayiste, a publié une trentaine de livres et
obtenu le Prix Femina
pour L'égal de Dieu.
Il est président de la Sofia et vice-président du
Prix du Jeune Écrivain.




Vous pouvez lire
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