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Maryse VANNIER

Manipulations


Les nouvelles de Maryse Vannier sont courtes et percutantes, violentes parfois, autour du thème des injustices sociales, des souffrances de la vie et du fonctionnement de la société qui ne voit pas toujours la valeur de l’humain. Comment exister et ne pas être transparent dans le regard des autres ?
C’est le problème d’un clandestin qui dépend complètement de sa patronne pour qu’elle ne le dénonce pas même si elle n’envoie pas l’argent qu’elle lui doit dans son pays.
C’est le problème aussi d’un balayeur : « Il croise la vieille femme qui boite. Il la connaît. Chaque matin, elle sort de la porte verte, elle remonte la rue jusque chez le boulanger. Elle achète une baguette et elle retourne chez elle. Il aimerait lui parler, elle lui rappelle sa mère. Pas la même couleur de peau mais la même démarche douloureuse, les mêmes rides, les mêmes mains noueuses. Il n'ose pas lui dire bonjour. Elle ne le voit pas. D'ailleurs, personne ne le voit à Paris. À croire qu'il est devenu transparent ! Jamais un regard, jamais un sourire, jamais une engueulade non plus. Ici, les gens marchent vite. Ils ont les yeux vides, comme les morts. Ils ne se parlent pas. »

Maryse Vannier ne fait pas la politique de l’autruche. Elle parle de cette clandestine qui accouche dans une barque, de ce jeune de banlieue qui ne trouve pas de travail à cause de son nom, va trafiquer et préparer un attentat, de cet homme à la retraite qui a fait la guerre d’Algérie et va retrouver une femme algérienne dont le mari a été torturé et son chien tué par des militaires. Il faisait partie de ce groupe et n’avait pas approuvé ce qui s’était passé mais le passé ne s’efface jamais.

Certains ont du mal à vivre le présent comme cette femme qui a toujours râlé contre son mari ; elle perd la tête après sa mort et reste envahie par ses souvenirs : « Ses mains gardent la mémoire du torchon qu’elle tenait au moment de l’accident. »

Des nouvelles abordent le problème de la filiation, de l’escroquerie, de la vengeance, de la rivalité entre un homme et une femme astronaute, de l’amour fort entre un homme sourd et une femme aveugle, de l’action des céréales génétiquement modifiée sur la fertilité, du rapt d’une fillette par un homme, de la manipulation…

Une écriture efficace et sobre pour ce recueil préfacé par Marie-Hélène Lafon – dont nous suivons le parcours littéraire – passionnée par les mots et experte d’une écriture sans fioriture : « On n'est à l'abri de rien. On ne sera ni consolé, ni dorloté fût-ce au creux des familles, surtout, peut-être, au creux des familles. Rien n'est simple sous la craquelure des apparences. »

Brigitte Aubonnet 
(19/12/09)    



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Éditions de Janus

162 pages – 15 €