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Olivier TRUC Le prologue relate un évènement datant de 1693 et nous amène à penser que l'histoire contemporaine qui va suivre trouve son origine dans un passé de luttes, de haine, d'obscurantisme : Le cri d'Aslak pétrifia le jeune garçon lapon dans sa barque. Il reconnut, fasciné, terrifié, la voix de gorge d'un chant lapon. Il était le seul ici à pouvoir en saisir les paroles. Le chant lancinant, guttural, l'emmenait hors de ce monde. Le joïk devenait de plus en plus haché, précipité. Le Lapon condamné aux feux de l'enfer voulait dans un dernier élan transmettre ce qu'il devait transmettre. Le roman commence un dix janvier, le premier jour où le soleil apparaît
quelques minutes. Demain entre 10 h 14 et 11 h 41, Klemet allait redevenir
un homme, avec une ombre. Et le jour d'après il conserverait son ombre
quarante-deux minutes de plus. Quand le soleil s'y mettait cela allait vite. A Kautekeino, village de Laponie centrale, le centre culturel va exposer pour
la première fois un authentique tambour chaman offert par un Français,
ancien compagnon de route de Paul-Émile Victor. Ce tambour lui avait
été remis par un guide Sami lors de leur dernière expédition.
Il semble authentique et d'une grande valeur. Tout en parcourant la toundra avec leurs motoneiges Klemet et Nina vont commencer à enquêter et lorsque l'éleveur de rennes, Mattis, est retrouvé assassiné et son gumpi saccagé, les policiers se demandent si ces deux affaires ne sont pas liées. Un homme seul, en quelque sorte, un pauvre type sans le sou, alcoolo, à qui on a coupé les oreilles pour on ne sait quelle raison avant de le poignarder. Et tout ça à peine plus de vingt-quatre heures seulement après le vol du tambour. Ça ne te parait pas étrange ? C'est ainsi que commence dans ce roman, une énigme qui va être de plus en plus complexe avec la présence de protagonistes aux mobiles cachés. Ainsi ce géologue français, au passé louche et aux murs douteuses, dont on va découvrir la duplicité. Racagnal reconnaissait la complexité des terrains, propre à cette région écrasée par les glaciers pendant des millénaires. Le géologue observait les légendes de la carte, mais rien de fait, ne permettait de situer précisément ces relevés. Que cherche-t-il ? Le tambour recelait-il un message ? Le territoire lapon a longtemps fait l'objet de recherches, il a été exploité en partie, mais le minerai qu'il renferme et contient encore, est souvent convoité. Et si la réglementation, quant aux demandes de fouilles et d'exploitations, est strictement réglementée, elle ne suffit pas toujours pour contrôler les manipulations ni même les possibilités de corruption éventuelle dans ses rangs. Qu'en est-il de cette sourde rivalité entre la police des rennes et celle de Kautokeino ? L'auteur nous présente des personnages attachants, dont le caractère
va s'approfondir au fil de l'intrigue. Ainsi Berit Kursi : "Elle savait
où était sa place. Bérit avait quitté l'école
à onze ans à peine [
] Elle avait tout juste appris le norvégien.
Quand elle en avait su assez pour se débrouiller, elle avait quitté
l'école, tout simplement. [
] Mais quand elle pensa à ce
qu'elle savait, Bérit frissonna. Elle s'arrêta un instant de traire
les vaches. Elle alla se laver les mains, s'essuya le visage et se glissa dans
le fond de l'étable où un petit recoin accueillait ses instants
de recueillement. Elle se signa, et elle pria pour le salut des âmes faibles
et des âmes pures du vidda." Mais ce qui va nous passionner en suivant ces pistes croisées, en rencontrant ces personnages et ce territoire lapon, plus que le suspens ou les intrigues croisées, c'est cette façon qu'a Olivier Truc de nous emmener sur ces espaces grandioses, glacés. Ces paysages nous sont décrits par une plume vraie, une plume qui regarde et nous transmet ce qu'elle voit d'une façon à la fois poétique et juste. Nous voyons ces étendues, ces forêts et nous sentons le froid dans nos gants, le vent s'engouffrer dans nos combinaisons. Nous voyons la lumière particulière de cette région selon les moments de la journée. L'écriture d'Olivier Truc est nette, précise et pas seulement riche des observations et des réflexions que l'auteur met dans la psychologie et les dialogues des personnages. La tradition, donc, mais aussi l'actualité, le monde moderne qui côtoie l'ancien. Et la tendresse que l'auteur éprouve pour certains de ses protagonistes. Ainsi Nina, qui n'apprécie pas toujours la façon qu'a Klemet de la traiter : Il y a un cours spécial pour les élèves enquêtrices à l'école de police d'Oslo, tu ne savais pas ? Ça s'appelle "comment aider votre collègue mâle à résoudre les enquêtes trop difficiles pour vous". On apprend à faire le café, à sourire, à être encourageante, à jouer la débile lors des interrogatoires pour mettre en valeur les questions de son collègue Tu vois ? Ce roman est dense, et il nous tient en haleine, parce que l'intrigue est complexe,
subtilement ancrée dans le passé. Mais c'est aussi un document
vivant sur une culture, sur une région très vaste la Laponie,
et sur son peuple. Anne-Marie Boisson (07/12/12) |
Sommaire Noir & polar Métailié Noir (Septembre 2012) 456 pages - 22 €
Lien vers Les Samis sur Wikipédia |
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