Jean-Louis RAMBOUR

Clore le monde




Clore le monde est dédicacé au Santerre et à ses survivants. Le Santerre (sana terra) qui, au XXème siècle, est devenu terre de sang, terre des morts. Quel que soit l’endroit vers lequel on regarde reste prégnante la mort qui s’affiche de tout ses cimetières, monuments et autres marques de son passage. Pourtant, en ce territoire, la vie tant bien que mal a repris. C’est bien ce que vient nous dire, dès la première page du recueil, Jean-Louis Rambour :

C’était le jour de fête des rats : il fallait être enfant pour oser parader, oser regarder vos futures femmes, leur promettre toute la longueur de la vie, éclater vos crânes en étoiles blanches quand on était mort tant et partout, quand la science de la mort avait à ce point été de toutes les noces.


Quand le monde s’enfonce dans la guerre, quand l’avenir se voile de tant de voiles, de terreurs, de boucherie entre humain. Il suffit de visiter le Mémorial de Péronne pour saisir toute l’horreur qui s’abattit sur la région du Santerre. Alors oui, comme l’écrit Jean-Louis Rambour : il fallait être enfant... pour se projeter dans un avenir. Mais comme le dit Francis Chenot, en quatrième de couverture : Pour éviter l’enfermement, il appartient au poète de Clore le monde, non comme on clôt une discussion, mais ainsi que se clôturent des espaces de mémoire dans la beauté des hésitations de carrefour, pour célébrer les survivants. De toute manière, tout reste à dire, à inventorier, à inventer, puisque, au bout du compte, Le perpétuel désastre du temps promet la paix. Il s’agit bien de cela et ce Clore le monde nous entraîne dans une revisite de cette mémoire, de ce qui s’est déroulé en 1914-18, entre la première et la deuxième guerre mondiale, ce monde qui croyait en l’avenir alors que cette seconde guerre était déjà inscrite dans l’armistice de 1918. Et, en conséquence rapide, on vient revisiter aussi cette longue période de paix qui s’ensuivit et transforma l’espace topologique :

Les quatre bêtes, les quatre rois : il ne reste plus du carré que la croix. En d’autres termes (petite alchimie interne de vos corps et petites manigances de vos cerveaux), vous dessinez l’éternité quand du bout du pied dans le sable vous sculptez un carrefour, une fourche, une patte d’oie. Et que se forment des lettres d’un hébreu particulier où l’extrême fin de la mer s’allonge en moussant dans un bruit simple de champagne ; des lettres qui traduiraient le mot homme dans une autre langue.

En cette éternité de moins en moins l’on croit, pourtant vos astres sont les deux meules du pressoir, vos astres génitaux tournent ainsi que deux beaux galets habilement projetés au ciel.

Et tout cela n’est pas près de perdre sa voix, son éclatant écho, sa limpidité polaire. Comme il est hors de vraisemblance que les baguettes n’éprouvent plus les tambours, le pilon ne réveille plus les morts de ses odeurs d’épices ou que de vos sexes ne jaillisse plus le sperme. Il ne reste plus du carré que la croix et le mot
homme en guise de verbe.


L’écriture est puissante, évocatrice et si pertinente. Tout le recueil serait à citer, le mieux est de le lire, tant la beauté cruelle du dire nous transporte. Merci à Jean-Louis Rambour d’avoir su, avec une telle force, Clore le monde

Gilbert Desmée 
(19/02/09)    



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L'Arbre à Paroles


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