Henry PORTER


Brandebourg



Il y a plusieurs façons d’aborder le monde de l’espionnage : celui du roman de gare, façon SAS ; celui du romanesque débridé et non dénué d’humour, façon James Bond ; celui, froid et désenchanté où les hommes sont des pions sur le damier de la géopolitique, façon John Le Carré.

Henry Porter, romancier londonien né en 1953, a choisi une ligne médiane. Sans rien céder au romanesque, il nous offre dans ses romans des enquêtes époustouflantes dont le cadre se situe dans notre monde d’aujourd’hui.

Une vie d’espion met en scène son personnage fétiche, Robert Harland, ancien du SIS (Secret Intelligence Service) et rattaché par ses fonctions au secrétariat général de l’ONU. A la suite d’un crash aérien dont il est le seul survivant, Harland va mener son enquête et découvrir une sombre affaire qui a quelque chose à voir avec les crimes de guerre commis en Serbie.

Empire State, autre roman, traite du terrorisme islamiste et de ses soldats perdus. Mais les méchants ne sont pas ceux que l’on croit ; il se pourrait bien qu’ils se cachent à New York, vivent dans de superbes buildings et boursicotent comme des golden boys.

Brandebourg, quant à lui, se situe quelques mois avant la chute du mur de Berlin. Rudi Rosenharte, ancien agent de la Stasi, doit retrouver Annalise à Trieste, une femme morte sous ses yeux… vingt ans plus tôt. Mais qui est Rudi au juste ? Un agent double ? Triple ? Le fils d’une famille nazie, comme le prétend la Stasi qui le manipule ? Que va-t-il découvrir à l’issue de son enquête, sinon son vrai visage et celui d’un pays – l’ancienne RDA – où l’on pratiquait le communisme à coups de schlague ?

Brandebourg est sans doute le roman le plus abouti de Henry Porter. D’une part, par sa précision documentaire sur le fonctionnement des différents services d’espionnage, à l’Est comme à l’Ouest ; d’autre part, sur cette façon subtile de construire une intrigue en multipliant les points de vue, l’histoire de Rudi étant constamment réfractée par le regard des différents intervenants, agents secrets, femmes aimées, citoyens de l’ex-RDA, etc. Ce questionnement sur l’identité fait la force des romans de Henry Porter, loin des pirouettes d’un James Bond, d’autant que ses personnages ont une épaisseur psychologique complexe, si bien qu’on se demande parfois si la vraie quête de l’espion ne doit pas se résumer à cette question fondamentale : qu’est-ce qu’un homme ?

Pascal Hérault 
(19/02/09)    



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Noir & polar










Editions Calmann-Lévy

480 pages - 20,90 €

Traduit de l'anglais par Jean-François Chaix