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Les Editions des Vanneaux par le biais de Laurent Albarracin nous offrent là un magnifique ouvrage pour qui veut découvrir l'univers poétique de Pierre Peuchmaurd. La présentation, le choix des textes, les entretiens et les témoignages, soulignent à juste titre l'importance de ce poète prématurément disparu en avril 2009. Les poèmes sont donnés dans l'ordre chronologique de leur parution en livres ou plaquettes. Cela permet de suivre une trajectoire ou des traces d'incendie – lui qui n'a jamais compté l'or et le temps où sera privilégiée la foudre plutôt que le lendemain de foudre. Pierre Peuchmaurd se souciait peu de son image et de ce que l'on pourrait appeler
son installation dans le paysage poétique. Quel besoin de s'asseoir,
de figurer dans une quelconque anthologie ? Nul dédain mais la poésie
était ailleurs, au cur de la vie, et donc en dehors de l'orgueil
des biographies ronronnantes et passives. Ce qui explique en partie un cruel
silence autour de son uvre qui débute avec Plus vivants que
jamais chez Robert Laffont en 1968 et semble se clore, peut-être provisoirement,
avec L'Ivre mort de lierre chez Pierre Meinard en 2010. Sans doute faut-il
relever ce qu'il écrivait dans les Poètes d'aujourd'hui
à propos de Maurice Blanchard et l'on constatera que le portrait d'un
autre peut se transformer en un autoportrait tardif et éclairant : Il convient de changer les dates. D'emblée, la poésie de Pierre Peuchmaurd apparaît comme une poésie de l'insurrection même si celle-ci n'est pas recherchée car il faut la comprendre comme une évidence, une façon d'être au monde, sachant que l'on vit dans la permanence de l'éclair et non dans une rationalité morte. D'emblée aussi, il semble que la lenteur ne fasse pas partie de la connaissance comme l'affirmait Picabia et qu'attendre s'entende comme la promesse d'un mentir. La poésie va plus vite que l'Histoire. Elle mesure le degré d'aliénation et de désaliénation, un court-circuit qui se produirait entre l'étonnement et la dévastation. Le titre alchimique L'ange cannibale prend en compte ces deux évènements paradoxaux : la dévoration et l'éblouissement. Il cristallise à la fois leur corrélation rigoureuse et leur point d'achoppement. Cette brièveté étonnée ne sera pas circonscrite, cette fois-ci, dans des poèmes courts. Elle établit d'autres lois, celles de la fracture et de la permanence, une sorte de narration visible à travers des éclats de verre. Pourtant, il est toujours question de rapidité ou plus exactement d'immédiateté, de cet instant précis et inaugural où Tout fait bouche à la source. Quelle étrangeté de l'évidence quand elle contient l'absolu et qu'elle se cache sous les signes les plus communs. Elle semble là à ne rien faire juste recomposer devant nos yeux les prémisses du monde. Parfois On faisait ça L'homme est en contradiction avec le monde. Le monde se dénude et l'homme le vêt d'autre chose que de lui-même, l'envahit, ne lui laisse ni silence ni parole. Voilà pourquoi l'évidence est la physique ou pourquoi pas la métaphysique du merveilleux, une réalité supérieure qui se situe donc bien au-delà du rôle qu'on lui assigne. Il y a un monde pour chaque erreur Dans le texte de présentation, Laurent Albarracin montre très
bien qu'il existe chez Pierre Peuchmaurd, un éclat de l'évidence
qu'il ne faut pas opposer au surprenant qui va de soi. Il existe une dialectique du vif chez ce poète, bouillonnante, urgente,
une déflagration qui nourrit et détruit, une juste mesure pour
le monde qui nous est accordé. Cela ne va pas sans un véritable
effroi qui s'affirme comme la première bête sauvage au cur
d'un bestiaire particulièrement riche que l'on découvre tout au
long de son uvre. Mais l'effroi comme la Beauté est une charge
du réel et Pierre Peuchmaurd l'oppose à cette terrible négation
que représente le vide : Si l'on devait parodier Picasso, Pierre Peuchmaurd ne cherche pas, il trouve.
Chez lui, la poésie se révèle plus qu'elle ne se construit.
Le travail alors consiste à ne point falsifier les preuves émouvantes,
à les polir. La brutalité a son mot à dire. La forme du
surgissement du poème ne se dissoudra pas dans un quelconque esthétisme.
Au contraire, les conditions de la captation du poème garantissent son
authenticité. Tout est là et nous ne devons rien trahir. Le poème
porte en lui sa propre moralité, son ordre et son désordre, sa
lisière lumineuse. L'image peuchmardienne admet la fusion et la profusion
pour arriver à la netteté : Pierre Peuchmaurd, témoin élégant tel nous le présente Laurent Albarracin. Pour qui le connaissait et pour ceux qui vont découvrir son uvre, Pierre Peuchmaurd demeurera ce témoin élégant et magique, un être passionné, fidèle à la beauté qu'il savait convulsive. Christian Viguié |
sommaire Poésie Éditions des Vanneaux 18 € |
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