Le petit marchand de citations derrière son comptoir refusait de me fournir un certificat d’authenticité : c’était un faussaire honnête de ceux qui mentent de bonne foi – ainsi que s’est dépeint un ministre-escroc ou un escroc-ministre je ne sais plus très bien.
Il lui arriva même et plus d’une fois d’inventer tel ou tel poète, tel ou tel politicien, pour les besoins de la commande car, rappelait-il, qui paie mérite d’être payé en retour et le client est toujours le roi des concubins du commerce.

C’est ainsi qu’à Pol-Jean Mervillon, par exemple, il prêta cette phrase qu’un Président de Conseil Général fit ensuite graver sur un horrible cuivre censé représenter l’horrible Château-Nouille de son horrible lieu de canton : « Les hommes : sans eux qui regarderaient Quoi ? »

Et plus loin :

C’est encore grâce à lui qu’on put entendre, un matin de première pierre, un évêque en vert proclamer que le Pape Pie Lule avait urbi et orbi décrété que, tous les gamètes et tous les ovules étant frères, c’est sur cette fraternité cellulaire que Dieu bâtissait sa Maison de Joie. Le vert évêque brandit le certificat d’authenticité que lui avait fourni mon petit marchand de citations et il fallut l’interrompre lorsqu’il se mit à réciter une prière mêlant versets de Bible, sourates du Coran et même quelques phrases du Manifeste du Communisme – tout cela certifié conforme aux Écritures, évidemment.

Roland Nadaus manie l’ironie avec dextérité, sans méchanceté, mais la pertinence de cette ironie est bien là. Nous sommes dans l’univers de l’écrivain qui ne supporte pas la bêtise et qui va, à certains moments, jusqu’au pamphlet.
Dans l’ensemble de ces nouvelles, Roland Nadaus nous dresse des portraits sans concessions de nos contemporains. Cela va de l’écrivain qui se fait passer pour mort, pour savoir ce que l’on dira de lui ; de celui qui s’enferme dans un sac de voyage pour s’éclipser incognito ; de celui qui se tue sans le vouloir par la croix qu’il porte au cou ou comme nous venons de le voir, celui qui vend de fausses citations et qui fait fortune sur le dos des gens, etc. Je ne vais pas vous énumérer tout ce qui est écrit dans les nouvelles. Comme tout recueil de nouvelles, cela peut se lire à la suite, ou de façon aléatoire, chaque nouvelle tenant pour elle-même. Mais l’ensemble des fausses confessions est absolument jubilatoire. Roland Nadaus sait si bien traduire l’humanité de ses personnages que l’être est là, vivant devant nous, avec ses failles, ses faiblesses, ses rodomontades, ses amours, ses passions. Ce n’est pas un jugement qui est fait, mais une mise en perspective des travers de notre société. Je ne peux que remercier l’écrivain qui m’a permis de passer un moment aussi riche à la lecture des Confessions d’un whiskymane français.

Gilbert Desmée 
(24/08/08)