Vincent Calvino, détective privé à Bangkog, se voit confier
une mission pour le moins louche. En échange de 5000 dollars, il doit
aller demander des renseignements au gros Stuart Leblanc sur un type dénommé
Mike Hatch à qui son employeur doit 50000 dollars.
A court d'argent, Calvino accepte la mission mais Stuart Leblanc est assassiné
en sa présence, sur un champ de courses, par un cookie empoisonné.
Et sa mort ne semble pas passer inaperçue car Calvino reçoit, immédiatement
après, la visite d'une femme travaillant pour les services secrets canadiens,
le pays d'origine de Stuart Leblanc.
La femme s'installa doucement dans le fauteuil qui l'attendait en se présentant
de nouveau, les yeux toujours rivés à l'arme. Le détective
avait un air italien, mais avec autre chose aussi. La peau mate, les cheveux
noirs lissés en arrière et les yeux sombres, piquants comme des
aiguilles, toujours occupés à examiner des endroits qui exigeaient
pourtant la discrétion.
L'affaire se complique et, afin d'en savoir plus, Calvino se lance sur les traces
de Mike Hatch. Il se retrouve à Phnom Penh avec son vieil ami de toujours,
le colonel Pratt qui, lui aussi, enquête sur ce meurtre mais leur amitié
est mise à dure épreuve car Pratt ne lui dévoile que des
informations partielles et Calvino, vraie tête brûlée, provoque
tous les dangers.
Il se retrouve, cheminant la nuit, dans les rues, sous les tirs d'armes automatiques,
au bras de prostituées qui fuient la guerre. Vision d'apocalypse.
Dans ce pays dévasté, il n'y a plus que la violence pure et la
lutte pour survivre qui compte.
Passé minuit, les rues de Phnom Penh étaient vides. Totalement.
Peu importe la direction où l'on regardait, il n'y avait pas âme
qui vive, pas une lumière ne fusait de l'enchevêtrement des maisons
[...] Les bandits pouvaient être où ils le voulaient, quand ils
le voulaient et personne n'était assez naïf pour penser que la police
était capable de contrôler les voleurs ou les meurtriers. D'autant
plus que la police locale était elle-même un acteur engagé
de l'univers criminel de la capitale cambodgienne sans que personne n'ait encore
trouvé la bonne méthode pour forcer les flics à faire leur
véritable travail. Pas plus qu'il n'y avait de moyens réels pour
que les flics honnêtes se mettent à arrêter leurs confrères
corrompus. Tous ceux qui se trouvaient dans la rue représentaient un danger.
Tous ceux qui étaient dans la rue étaient un danger. Personne
ne s'y aventurait le soir. Sauf que Calvino venait d'arriver à Phnom
Penh et qu'il avait oublié de se renseigner.
Christopher Moore nous immerge dans un roman policier, noir à souhait
mais non dénué d'humour. Il dresse des personnages hauts en couleurs
: un vendeur de bijoux tellement adipeux qu'on ne saurait dire s'il est juste
immonde ou profondément ridicule, un détective solitaire aux propos
misogynes mais au cur tendre autour duquel gravitent des femmes vénéneuses,
intéressées, ou touchantes comme cette prostituée vietnamienne
qui ne le quitte plus ou cette femme médecin si mystérieuse qu'on
ne sait quoi en penser.
Ce qui fait, cependant, toute la réussite de ce polar, c'est la description
de Phnom Penh à la sortie de la guerre et là, l'auteur maîtrise
parfaitement son sujet. Derrière le crime individuel se cachent les milliers
de morts du quotidien, oubliés, camouflés, dans un Cambodge
qui s'achemine difficilement vers des élections libres.
Un bon polar noir, très noir, d'autant plus qu'il est écrit sur
fond de réalité.
Enora Bayec
(07/04/12)