C’est avec joie que je viens vous chroniquer ce recueil de Jean Métellus, une des grandes voix de la poésie francophone d’aujourd’hui. Ce recueil, Éléments, est composé de deux suites. La première suite nous parle des éléments : la terre, l’air, l’eau et le feu ; la deuxième suite aborde les couleurs : le noir, le jaune, le rouge, le vert, le violet, l’orange, le bleu, l’indigo et pour finir : le blanc. Ces deux suites sont de même facture, nous y retrouvons tous les ingrédients d’une cosmologie.

La première suite est composée de quatre grands poèmes, chacun abordant un élément. Chacun des poèmes est une longue prosopée, c’est-à-dire que Jean Métellus donne une voix à l’élément et cela nous donne :
Source, berceau, tombeau de nos actions
La terre nourrit tout l’univers
Alimente nos paroles et nos prières
Le serpent s’y glisse telle la tendresse adoucissant les gestes
L’infiniment petit pullule et circule dans ses grottes
Elle forge et façonne l’outil
Anime et modèle la nature
Potager prodigue en tubercules
Vergers aux mille fruits
[...] Refuge de nos rêves
Labyrinthe de nos passions
Telle la gardienne d’un temple
Elle nous protège, nous élève
De ses rochers et de ses montagnes
Nous contemplons l’horizon, demeure des dieux
La terre tisse pour nous tous des toiles talismaniques…

Jean Métellus nous emmène dans cette cosmologie poétique qui s’abstrait des considérations scientifiques, sans les ignorer totalement. Il y revisite l’histoire des hommes dans leurs rapports aux éléments et nous rappelle l’essence d’Haïti. Mais la puissance jubilatoire s’exprime en plein lorsque dans le poème LE NOIR, Jean Métellus donne la parole à la couleur dans la deuxième suite, la couleur se présente elle-même :
Dans ma pureté hiératique
À moi seul
Je représente un temple

Je suis l’ardeur inconnue
C’est pourquoi je me réveille toutes les nuits constellé d’or
Gardé par moi-même
Me répétant à travers les siècles et continents
Avec l’impassible chromatisme du conquérant victorieux et glorieux
Manifestation suprême du secret
J’initie tout être à la métamorphose…

Au fur et à mesure de ma lecture de ces poèmes, une forte envie de me les mettre en bouche grandissait. Je l’ai fait et cela est une merveille. On se sent pris par l’écriture de Jean Métellus, tel un long fleuve qui se déverserait de notre bouche. La jubilation ressentie à la lecture vient galvaniser le verbe dit, c’est un vrai bonheur. Lire et dire les poèmes de ce recueil est d’une étonnante jouissance qui imprime en tête ce qui fut lu. Longtemps, l’envie d’y retourner vous tient. Comme le dit Claude Mouchard en quatrième de couverture : « Une jubilation sensuelle et langagière règne dans tout ce livre ». Merci à Jean Métellus pour ce recueil que je n’arrête pas de lire, de relire, de…

Gilbert Desmée 
(17/09/08)    

PS : Jean Métellus a reçu le Grand prix de Poésie de langue française Léopold-Sédar-Senghor en 2006