On s’immerge progressivement dans l’ambiance mystérieuse de ce roman. Les secrets sont omniprésents et hantent les personnages. Dans les eaux profondes du souvenir, le passé se révèle. On flotte entre réalité et imaginaire comme le réussit toujours si bien Dominique Mainard. Où se situent les frontières de la vérité ? Il est difficile de répondre ? Où est le bien, où est le mal ? Qui peut répondre ?

Lena vit avec Adem, qui l’entoure de son amour, et leur fils Melih. Elle s’occupe aussi de leur voisin peintre et aveugle. Elle lui prête ses mots pour qu’il peigne ce qu’il ne voit pas mais elle lui donne beaucoup plus puisqu’elle traduit pour lui les sensations du monde, elle qui a tant de mal à parler de son passé, de ce frère disparu un jour, à la mort de leur père. Elle l’avait toujours protégé de son affection profonde, lui l’enfant différent de ceux de son âge, atteint d’un trouble compliqué à définir : « Bien sûr, un jour les autres ont fini par l'apprendre. Ils ont fini par comprendre à quel point tu étais différent, combien leur monde t'était étranger finalement, et dès lors cela n'a pu rester entre nous. Tu t'étais mis à faire des choses qui te trahissaient, te laissaient nu et tremblant sous les regards ; j'avais beau essayer de te protéger, je t'aurais bien attaché les mains comme mes parents le faisaient autrefois lorsque j'enroulais les manches de mes pulls autour de mon cou, mais cela n'aurait pas suffi, cela ne suffisait plus, tu étais en marche vers quelque chose d'indicible et je n'avais pas suffisamment de force pour t'arrêter. ».

Un jour, elle le retrouve dans un parc. Il vit comme un vagabond, fuyant la société, fuyant sa vie mais voulant retrouver l’amour de sa sœur. Ces retrouvailles vont bouleverser l’équilibre que Lena avait créé mais elle pourra enfin aboutir à de nouvelles vérités.

Beaucoup de délicatesse dans ce roman chargé de tendresses.

Brigitte Aubonnet