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Hervé LESAGE

Dans l'ordre des choses


Qu’arrive-t-il à une personne qui lors d’un accident frôle la mort de trop près ? De si près que la vie qui vient après n’est pas du même temps, ne fait pas jouer les mêmes ressorts, les mêmes désirs. Comme si, d’un coup des besoins assouvis avant, ou que l’on tentait d’assouvir, deviennent obsolètes. Comme si le regard porté sur ce qui nous entoure avait changé : plus pénétrant sur les évènements de la vie de tous les jours, plus acérés sur les petites manies. Le temps se vit autrement. Hervé Lesage vient nous dire cela dans une écriture profonde, sans concession et poétique. Le recueil commence avec une sorte d’avant-poème :

Je me taisais
trop de maux entravaient
la fleur noire de la phrase
nouant la gorge et la main
en un bouquet de barbelés

Je n’avais rien à dire
sinon l’ombre qui grandissait
sur le visage des hommes
obscurcissant leur regard
dressant entre eux
et l’innocence si lointaine déjà
toute la distance que convoque
la flèche d’un premier deuil


Le recueil ensuite se divise en neuf parties. La première semble commencer par un accident : et le soit couché tôt/en travers de la route//où personne aussi bien/ne passait plus. Suivent des considérations de la vie telles que : Il ne se passe pas grand-chose//En vérité/il ne se passe rien//Il se passera longtemps/avant que quelque fétu d’orage/ne vienne troubler l’eau morte/de nos lentes agonies. La deuxième partie traite de la mémoire : Tu parles de mémoire/comme on parle d’expérience//Tu parles/alors qu’absent à ton propre nom/tu n’habites plus même tes désirs/leur sang et leur sève… La troisième partie aborde la question de vieillir : Au bout de la route/le cul-de-sac du monde/…/Près de lui un panneau/à l’inscription effacée/indique la fin du jour/la fin des choses/la fin de tout. La quatrième partie continue sur le même registre : Le vent n’écrit plus/désormais/que quelques rares parenthèses. Dans la cinquième partie la notion de bilan de vie se précise : Aussi bien/nous n’aurons jamais su/que mesurer nos échecs/les offrir en pâture/au regard des enfants/en nourrir nos albums/pour les dimanches de pluie/et refermer sur eux/avec la vie/le terrible sarcophage/de nos impuissances. La partie suivante vient visiter les gestes que l’on fait souvent sans y penser : On allume la radio/ou la télévision/comme pour éteindre/tout le reste//d’un doigt indifférent//sur la télécommande du cœur. Dans la septième partie vient le moment d’un renouveau, d’un regard ouvert à la beauté dans sa simplicité : Un homme, un rire/un peu de neige/contre la fenêtre//Peut-être une pépite/dérobée à l’hiver//C’est je crois/quelque part en toi/la beauté qui gagne du terrain. La huitième s’ouvre sur un : Je suis l’homme/d’un toit unique/et d’un même chemin/…/l’homme/d’un seul vouloir ; et ce vouloir apparait être l’écriture qui vient s’énoncer dans : Je choisirai mes mots/parmi les pierres usées/les arbres morts/les cendres froides//et sous la lampe/tenterai de leur donner/cet éclat/qui fait le soleil à midi/et parle d’amour/au plus fort de l’hiver. La dernière partie parle du rapport à l’écriture.

Merci à Hervé Lesage pour ce très pertinent recueil qu’est Dans l’ordre des choses, qui nous entraîne dans de longues apnées de réflexion et sait si bien nous amener à revisiter notre vie avec tout ce que l’on ne pourra jamais/ni se pardonner ni même s’avouer.

Gilbert Desmée 
(29/03/09)    



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Poésie









Editions Echo optique

La Renouée
54 pages - 8 €