Hédi KADDOUR, Waltenberg




Waltenberg est un roman qu’on attendait depuis longtemps dans le paysage français : c’est qu’il nous offre de vrais personnages, mêlés à la vraie vie, à l’histoire, à notre histoire. En 711 pages, le 20ème siècle défile, mais ce n’est pas un roman historique. Des êtres s’aiment, se quittent, se retrouvent, mais ce n’est pas un roman d’amour. Des espions se rencontrent et font basculer les régimes mais ce n’est pas un roman d’espionnage.

Car la magie de l’écriture de Hedi Kaddour est à l’œuvre. Une écriture fluide, enlevée, rythmée, métaphorique qui a banni toute lourdeur d’un récit gigantesque. L’humour, l’ironie, la dérision, mais aussi le tragique, c’est le lot de ces héros qui croisent des personnalités réelles (Malraux, Bergson ou bien Giscard) et dont on ne sait plus s’ils sont imaginaires ou historiques. D’autres sont là sous des noms d’emprunt mais on croit y reconnaître des philosophes (Heidegger) des écrivains (Gide) ou même des politiciens contemporains (Condoleeza Rice).

C’est que les connaissances de l’auteur sont grandes, mais à aucun moment elles n’écrasent le lecteur ni ne le découragent. D’abord parce que la légèreté de la composition de cette œuvre non linéaire est basée sur des retours en arrière, sur des digressions (les récits de Max) qui nous font toucher du doigt les mouvements de la pensée, les évolutions d’une vie, les tourments des âmes. Ensuite, parce qu’il est rare de trouver chez les romanciers français actuels une ambition qui réclame du lecteur une telle exigence, source de plaisir.

Epopée du 20ème siècle, roman politico-métaphysique, Waltenberg est tout cela à la fois, au carrefour d’Aragon, de Proust, de Thomas Mann. Immense divagation qui tend à répondre au sujet de dissertation de l’étudiante qu’on entraperçoit dans les dernières pages du livre : « La raison est-elle historique ? » à travers ces histoires qui se croisent et se décroisent, au-delà des destins singuliers de Max Goffroy, de Hans Kappler, ou de Lena. Même si le livre se termine bien après leur mort, refermé par un Lilstein dépassé par son disciple, ils font désormais partie de nous, comme tous les héros de nos songes, car il y a un peu d’eux tous dans notre histoire à nous.

Monique De Carvalho 



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Editions Gallimard
711 pages
22,90 €

Prix du Premier Roman
2005



Photo©Gallimard
Hédi Kaddour
est né à Tunis
en 1945.


On peut lire un entretien avec Hédi Kaddour sur le site "Afrik.com" :
www.afrik.com/
article9233.html