Fabienne JUHEL, La verticale de la lune



« Parfois, l'arbre et moi, nous nous contentons de préliminaires. L’écorce au bout de mes doigts, dont la connaissance me monte jusqu'aux dents. Je lèche. Je bois sa transpiration végétale. Sous ma langue, les picotements qui captent la montée du flux dans ses belles veines interminables. Je frotte ma bouche contre l'écorce, je m'y débarbouille les joues. J'y laisse ma salive, ma peau et un peu de mon sang, en échange. »

La verticale de la lune est un roman étrange, ludique, onirique, sensuel, servi par une écriture fortement chargée de saveurs et de senteurs, une écriture qui s’aventure parfois vers un lyrisme passionné et poétique quand la jeune narratrice évoque les arbres ou les animaux, les forces de la nature qui tissent son quotidien de jour comme de nuit.

Cette fillette vit dans un grand domaine au milieu des arbres. Un hêtre surtout recueille ses confidences, ses rêves et ses fantasmes.
Sa mère, Marie, veuve d’un capitaine de ferry, consacre le plus clair de son temps à des liaisons saphiques. Son amante du moment, Florence, habite dans l’île de Sein. Marie est souvent absente.
L’enfant (dont le prénom reste secret) est confiée à une gouvernante mexicaine, Teresa, qui aime évoquer son pays, ses coutumes et ses légendes.
Un jour, Samuel, un bûcheron que la petite surnomme « l’Indien », s’installe dans le domaine pour assainir le parc, abattre les arbres malades, élaguer ceux qui étouffent.

Dans ce huis clos sylvestre qui constitue le décor de son premier roman, Fabienne Juhel nous livre les pensées, les jeux, les colères et les amours de cette enfant aux désirs prégnants, dans une atmosphère baignée d’un érotisme souvent naïf et parfois cru, où l’Indien, comme la fillette, fait l’amour avec les arbres.

Qui est vraiment la narratrice ? Qui sont ses parents ? Qui sont Samuel et Teresa ? Les dernières pages offrent des clés sans éclaircir trop brutalement les mystères du livre. La pensée du lecteur peut continuer à cheminer une fois l’ouvrage refermé. La fillette et son parc n’ont pas livré tous leurs secrets.

Serge Cabrol 



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Editions Zulma
142 pages
12,50 €