Patrick JOQUEL

Maisons bleues



Dans les rencontres entre plasticiens et écrivains, très souvent, le texte préexiste à l’œuvre picturale, pour la sculpture, c’est l’inverse généralement. Ici, semble-t-il, les peintures de Nathalie de Lauradour étaient exposées quand Patrick Joquel est venu y déposer ses mots. Pour que cela fonctionne et ne reste pas au niveau de l’illustration de l’œuvre, celui qui prend connaissance de l’œuvre de l’autre doit impérativement dialoguer sans paraphraser. Autrement dit, être en empathie avec ce qu’il regarde et, cela fonctionne dans Maisons bleues.

Patrick Joquel nous conte la perte de la ruralité due à l’avancée de l’urbanité dans nos campagnes. À partir des maisons qui se font « grignoter » leur espace par des immeubles en béton, il nous dit la transformation des rapports sociaux, liée à cela. C’est ainsi que la lecture de plus de la moitié du livre nous parle de la vie d’un village :

Je connais des maisons dont le silence est le fruit. Ce sont des maisons couleur d’octobre. Leur présence a longuement mûri comme pierres au soleil. Leurs murs se sont déployés sous les saisons. Leurs ardoises bleues se sont offertes aux pluies d’encre et aux écritures lichens. Leurs cheminées ont lentement fumé le ciel. Leur crépi s’est ridé. Et leurs portes savent ce que s’ouvrir veut dire.

Hameaux oubliés
Quel mot vous réveillera
Dans notre mémoire ?

À quoi vient répondre cette alarme quelques pages plus loin.

Je connais des maisons vieilles, dont les regards bleus butent sur des falaises nouvelles.
(…)
Ces maisons usées se blottissent les unes contre les autres, frissonnent. Résistent. Parfois, l’une d’entre elles s’endort et ne se réveille plus, accrochée à des « je me souviens » en lambeaux.
Dans les entrailles de ces falaises, quelqu’un qu’on ne voit jamais rit d’un rire de béton…

Plus rien d’inutile
Aucune place au hasard
Est-ce un nouveau monde ?

Il y a du conte dans ce livre. « Je connais des maisons… » résonne comme un « Il était une fois des maisons… » et, cet aspect du texte, renvoie aux peintures qui, de par leur facture, nous font penser à un conte. Entrez en ce conte et vous ne le regretterez pas, on s’y sent bien. Les yeux écarquillés, on regarde cette vie des maisons qui, petit à petit, vous transporte au plus près de la vie d’aujourd’hui avec ses questionnements sur l’absurdité du tout béton, du productivisme, de nos modes de consommation, etc.

Gilbert Desmée 
(24/08/08)    



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Poésie









Editions Soc & Foc
48 pages - 12 €


Peintures de
Nathalie de Lauradour