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Jean-Christophe GRANGÉ


La Forêt des Mânes



Jeune et brillante juge d’instruction près le Tribunal de grande instance de Nanterre, Jeanne Korowa n’en souffre pas moins d’une vie sentimentale frustrante et chaotique. Pour savoir à quoi s’en tenir sur la fidélité d’un amant qui la néglige, elle va jusqu’à transgresser la déontologie de sa profession en faisant mettre sur écoute le psychanalyste de ce dernier. Elle surprend ainsi les entretiens du docteur Antoine Féraud avec un patient apparemment autiste, en qui elle identifie bientôt le serial killer responsable de trois meurtres aggravés de cannibalisme et accompagnés d’une mise en scène atrocement macabre sur lesquels enquête son ami et collègue François Taine. Mais Jeanne ne peut faire état de sources dont l’origine est illégale. Lorsque François Taine se fait assassiner à son tour, et que le supérieur hiérarchique de la jeune femme refuse de lui confier l’affaire, celle-ci prend un congé et décide de poursuivre pour son propre compte une enquête qui la conduira au cœur de l’Amérique latine, dans cette mystérieuse Forêt des Mânes où résiderait l’origine de la pathologie dont souffre le criminel.

Au début du livre, le personnage de Jeanne, jeune célibataire dépressive qui n’assume pas son statut de femme libre et rêve enfants et mari frôle le cliché, mais Jean-Christophe Grangé évite rapidement l’écueil en centrant l’attention sur son implacable volonté de poursuivre et démasquer le tueur. Au cours de cette enquête, Jeanne fait preuve d’un acharnement et d’un courage qui lui permettent de dépasser ses limites, d’atteindre une dimension héroïque et, in fine, de s’accomplir elle-même et de se réconcilier avec sa propre vie. Comme toujours, l’auteur mène son intrigue avec une virtuosité qui, en dosant les révélations et les rebondissements et en entretenant un permanent suspense, s’empare de l’attention du lecteur et ne la lâche plus jusqu’à un dénouement qui ménage une stupéfiante surprise. Le romancier ne dédaigne pas les effets de terreur, lorsqu’il dépeint par exemple les scènes de crime : « Le meurtrier avait ouvert le ventre de sa proie, de l’abdomen au pubis, et déroulé les intestins jusqu’au sol, couvrant ainsi le visage. Sous les viscères, on découvrait les traits enflés, violacés de la victime. Ainsi que sa gorge béante... (…) Restaient au sol des traces de sang, de chair, de fibres – abandonnées ou régurgitées. Des os et des cartilages, grattés, sucés. Pas de feu, pas de méchoui barbare pour cette nuit. Le cannibale s’était contenté d’un repas cru. »

Le roman s'enracine dans un contexte historique précis, celui de la dictature militaire féroce à laquelle l'Argentine fut soumise de 1976 à 1983. Apparemment très documenté, il s’appuie aussi sur des données empruntées à différentes disciplines comme l’anthropologie, la psychiatrie et la génétique, ainsi que sur la théorie exposée par Freud dans son livre Totem et Tabou. Il semble qu’en traquant le tueur, Jeanne remonte jusqu’aux origines de l’Homme, et peut-être jusqu’à l’origine du Mal, dont l’assassin psychotique serait l’incarnation. Cette ambition philosophique peut-être excessive tourne un peu court, et sur ce plan le dénouement laisse le lecteur sur sa faim. Reste un thriller des plus efficaces, qui tient en haleine des heures durant jusqu’à la dernière page.

Sylvie Huguet 
(15/09/09)    



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Noir & polar









Albin Michel

508 pages - 22,90 €




Jean-Christophe Grangé,
né en 1961, a été journaliste et reporter avant de devenir scénariste et écrivain. Plusieurs de ses romans ont été portés à l'écran et ont paru
en Livre de poche.


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