Jean-Christophe GRANGÉ


Le Serment des Limbes



Le dernier roman de Jean-Christophe Grangé est un thriller métaphysique dont l’enquêteur traque rien moins que le diable en personne. Luc et Mathieu sont des amis d’enfance rapprochés très tôt par une foi chrétienne commune. Tous deux ont suivi un parcours analogue : études de théologie, engagement dans l’humanitaire, expérience traumatisante de l’horreur absolue rencontrée par l’un en Yougoslavie, par l’autre au Rwanda, puis décision d’entrer dans la police pour lutter corps à corps avec le Mal. Les deux hommes, cependant, ne se ressemblent pas : Mathieu concilie sa foi avec un fond de rationalisme, tandis que Luc est un exalté, pour ne pas dire un fanatique, qui croit fermement en l’existence ontologique du démon, conçu comme un esprit transcendant ennemi de Dieu, à la fois corrompu et corrupteur. Lorsque le roman commence, Luc vient de faire une tentative de suicide qui l’a plongé dans un coma profond. Mathieu veut à tout prix comprendre pourquoi son ami, en tentant de se donner la mort, a délibérément renoncé à son salut éternel. Pour y parvenir, il marche sur les traces de Luc en reprenant l’enquête sur laquelle il travaillait, persuadé qu’elle lui livrera son secret.

Commence alors un thriller haletant et d’une noirceur infernale, mené avec une habileté aussi diabolique que la créature traquée par l’enquêteur. Mathieu découvre une série de crimes d’une cruauté inouïe, dont la mise en scène suggère un culte satanique ; leur description, teintée de gore, évoque les pages les plus impressionnantes d’un Stephen King : « Lumière crue sur l’horreur. Sarrazin n’avait plus de visage : il était écorché des sourcils au menton. Les doigts de sa main étaient brûlés. Son buste était ouvert du sternum jusqu’au pubis, qu’on devinait béant dans les flots sombres. Ses viscères s’étaient déroulés contre ses flancs et ses jambes repliées, offrant l’illusion d’une eau noire. Au-dessus, les mouches grondaient en vapeur incessante. » Comme le veulent les lois du genre, Mathieu va de révélation en révélation, chacune détruisant l’échafaudage des hypothèses antérieures pour leur en substituer de nouvelles qui seront balayées à leur tour. Plusieurs fois, il croit découvrir le coupable, mais des données inconnues jusque-là l’amènent toujours à réviser son jugement. N’est-il pas à la recherche de Satan lui-même ? Obstinément, Mathieu se refuse à admettre la réalité ontologique du diable, mais la question, dont la réponse reste incertaine jusqu’à la dernière ligne, est bel et bien à l’arrière-plan de son enquête. Le livre y gagne une dimension qui renouvelle le thème usé du serial killer.

Cette thématique religieuse ne gêne pas le lecteur incroyant, surtout s’il est amateur de fantastique. Le livre de Jean-Christophe Grangé, qui se dévore de bout en bout, s’inscrira pour lui dans une tradition littéraire qui remonte au roman gothique et qui utilise les pompes et les œuvres du démon comme élément de terreur. Point n’est besoin de croire en lui pour en frissonner. Ceux qui ont aimé Le Moine de M.G. Lewis apprécieront Le Serment des Limbes en connaisseurs.

Sylvie Huguet 
(22/07/07)    



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Noir & polar







Albin Michel
652 pages - 23,90 €




Né en 1961, Jean-Christophe Grangé a été journaliste et reporter avant de devenir scénariste et écrivain. Plusieurs de ses romans (Le Vol des cigognes, les Rivières pourpres, Le Concile de Pierre, L'Empire des loups, La Ligne noire) ont été portés à l'écran et ont paru en Livre de poche.