Marie GOUDOT

TRISTIA



Publius Ovidius Naso, Ovide, né 43 ans av. JC, est un poète latin dont les œuvres ont traversé les siècles. Marie Goudot dans Tristia nous parle de sa période d’exil à Tomes où il a fini sa vie, exclu par l’empereur tyrannique Auguste, défenseur de l’ordre moral à Rome. « Une nuit, des phrases qui ont fait basculer sa vie d’homme heureux, connu et célébré. Sa vie riche d’amitié. Sa vie. » La publication de L’art d’aimer a certainement déplu à l’empereur. De son lieu d’exil, qu’il ne quittera jamais malgré ses espoirs, Ovide, dit Nason, a écrit des poèmes et essentiellement entretenu toute une correspondance avec sa famille et ses amis qui craignaient d’être cités ou reconnus dans les écrits de cet écrivain maudit : « Autrefois, vous aviez envie de figurer dans mes poèmes. Maintenant, vous vivez dans la peur d’y être cités. La peur ! Rien n’est plus douloureux, ni insultant pour moi. » Les épreuves de la vie sont un excellent révélateur de ce que sont les amis. Ne restent que ceux qui possèdent une vraie valeur. Les autres s’évaporent très vite.

L’écriture poétique de Marie Goudot retrace ces années douloureuses, le rapport d’un créateur à son œuvre dans les conditions de l’exil. La correspondance joue un rôle primordial. Nason fait un bilan de sa vie, de ce qu’il est. « Interdit de séjour en Italie, il peut y envoyer son œuvre. Elle sera publiée. […] Le seul pays que Nason puisse habiter est sa langue, et l’empereur lui permet d’y vivre. […] Rien de plus lassant que les plaintes et les reproches. Il n’est aucun amour, aucune amitié qui n’y succombe. Et Nason en est seulement au début. Mais il tente déjà de se faire pardonner la mélancolie de ses poèmes, leurs tournures barbares. Ses excuses ne cesseront pas. »
Nason s’interroge sur les raisons réelles de son exil, sur l’écriture : « Décidément la maladie d’écrire confine toujours à la folie. »

Marie Goudot mêle avec beaucoup de finesse des écrits d’Ovide, des extraits de correspondances comme celle de Kafka et Milena, des citations de Rimbaud ou de Pavese qui sont intégrées au texte sans guillemets. Cela donne une unité à ce livre qui ravive l’envie de lire et de relire ces différents écrivains.

« Perdre sa langue, être obligé de marcher hors de sa terre et hors de soi-même : la peur de tous les exilés. Portée à son comble chez Nason. Avec chaque mot enfui de lui, c'est un morceau de lumière condamné à disparaître, un peu du frémissement d'un corps auquel il devra renoncer. Et si l'oubli allait s'installer par là et, en l'absence de mots pour la contempler, l'image s'effacer ? »

Marie Goudot redonne vie et existence à l’écriture d’Ovide et au rôle fondateur de la littérature. Une belle lecture qui nous incite à d’autres lectures.

Brigitte Aubonnet 
(23/02/07)   



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La Part Commune
96 pages, 13 €


www.lapartcommune.com









Marier Goudot partage son temps entre l'enseignement des Lettres et l'écriture.
Auteur d'articles et de traductions de poèmes, elle a publié de nombreuses nouvelles.
Elle a dirigé un Cassandre (Editions Autrement) et écrit cinq récits autour de figures de la mythologie (Medium - L'Ecole des Loisirs).