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Jacques GÉRAUD

Cher auteur...
...de mes jours infortunés

Vingt-quatre personnages se rebiffent



Qui l'eût cru ? Les personnages ne sont pas uniquement des êtres de papier ! Ils ont une vie, une âme, une vraie, et des regrets existentiels ! La faute à qui ? A leur créateur. Non seulement ils ne sont pas satisfaits du sort que leur ont réservé les auteurs, mais ils expriment leur mécontentement, de manière plutôt littéraire, dans des lettres que chacun va s'employer à rédiger et à adresser à son créateur. Et d'exprimer leurs doléances sur leur sort : sacrifiés dans leur jeunesse comme Julien Sorel, méprisés telle l'Odette Swan de Proust. Blanche-Neige, Vladimir et Estragon, Perrette, et même Jésus de Nazareth, qui a des reproches à adresser à ses fidèles évangélistes ; bref, chacun y va de ses amertumes et de ses griefs, comme madame de Rênal :
Mon cher Stendhal, mon cher Beyle, cher Henri,
Tu te seras donc plu, à la fin de ton gros roman orné de ce drôle de titre bicolore, Le Noir et le Rouge, dans ce goût-là, à te délester de moi sans façon, puisque tu me fais mourir en embrassant, trois jours à peine après la décollation de mon jeune amant. Parions que tu auras trouvé très romanesque voire très romantique cette solution finale, mais tu me permettras d'objecter un peu à tant de sublimité.

Ou encore Gavroche qui s'adresse à son cher Victor,
La franchise m'oblige à te dire que cette mort héroïque qu'il te plut de m'infliger, à peine âgé de douze ans (douze ans !), je n'ai pas trouvé ça très gentil, surtout de la part d'un vieux bonhomme comme toi, si versé, à l'en croire dans l'art d'être grand-père ! Et ces références à tes chers confrères, les sieurs Rousseau et Voltaire, quand tu me fais pousser la chansonnette, comme si j'avais eu le loisir de les lire, ces deux animaux-là, et puisque tu es mieux placé que personne pour savoir que si je suis tombé par terre c'est d'abord et avant tout la faute à… Hugo, un peu comme si c'était toi, oui, toi, ne fais pas l'innocent, ne dis pas que j'ai voulu cela, ne dis pas : responsable mais pas coupable, qui en personne m'avais ajusté avec soin dans la ligne de mire de ton flingot.

Ce petit ouvrage original ne manque pas d'humour pour amener le lecteur à redécouvrir avec plaisir des personnages que le destin n'a pas gâtés. Et le lecteur retrouvera certainement plusieurs de ses héros. On peut noter tout de même que les revendications sont parfois du même ordre et souvent au-dessous de la ceinture… Jacques Géraud, auteur de ces lettres, est un romancier qui a déjà publié plusieurs fictions ; se verra-t-il lui aussi sur le banc des accusés ? Puisque ne l'oublions pas, le titre complet de cet ouvrage contestataire est : vingt-quatre personnages se rebiffent.

Sylvie Legendre-Torcolacci 
(07/04/11)   



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Editions JBZ & Cie

144 pages - 12,95 €