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Claudie GALLAY

L'amour est une île


L'amour est une île, le nouveau roman de Claudie Gallay, est une mosaïque de sentiments, d’atmosphères, de réflexions. Sur la création, la passion, le théâtre, ce qui est simplement vital, urgent ! Lorsque l’on a terminé la lecture, on reste en attente avec l’envie de continuer de partager la rencontre avec ces personnages.

Le Festival d’Avignon, avec la grève des intermittents. Les spectacles qui sont annulés, ceux qui continuent avec des concessions, et de la culpabilité ; le "Off " qui milite, le "In" aussi, tous sont concernés. Mis en question. La chaleur toujours sèche dans ces rues où l’ombre des petites places est recherchée, où les destins fragiles parfois trouvent des haltes. Les personnages sont complexes et la passion a le rôle principal.

L’histoire ? Une comédienne célèbre, connue sous le pseudonyme de la Jogar revient dans sa ville natale pour la première fois depuis dix ans. Elle a vécu deux passions, la première pour le théâtre – elle a rompu avec sa famille et avec cette ville pour la vivre – et la deuxième pour Odon Schnadel, metteur en scène, éditeur, et directeur d’un théâtre du Off, le Chien-Fou où, au cœur des débats, se joue Nuit rouge pièce d’un jeune auteur mort à vingt-cinq ans, des années plus tôt. La jeune sœur de l’auteur disparu arrive avec ses questions, interroge tout le monde sur le manuscrit de son frère. Un mystère plane, qui semblerait lier la Jogar, Odon et l’auteur mort.

« Un soir, il est arrivé au théâtre, elle était sur la scène, la salle vide, elle récitait Anamorphose.
Il s’est avancé sans faire de bruit. Elle ne l’a pas entendu entrer.
Il l’a écoutée, le dos au mur.
C’était beau, plein d’énergie. Elle n’avait plus besoin de lui. Il venait de la perdre. C’était une évidence qui a pénétré en lui comme une lame. Elle allait partir.
Il est sorti de l’ombre. Il a ouvert ses bras. Pour ne pas geindre, il a souri. Elle a compris ce qu’il venait de comprendre et elle a pleuré contre lui.
Plus tard elle changera le titre,
Anamorphose. Elle l’appellera Ultimes déviances. »

Les trois personnages principaux sont complexes, tourmentés, blessés, ils cherchent, ils composent ou pas avec leurs sentiments. Les personnages secondaires vivent aussi avec un passé souvent compliqué et riche. Une vieille dame, témoin des débuts du Festival évoque Vilar, Gérard Philipe, Agnès Varda et d’autres, au détour d’une conversation apparemment banale. On ne peut qu’être sensible à cette histoire où des destins se croisent, se heurtent. L’écriture est toujours aussi fine et sensible. En petites touches, l’air de rien, Claudie Gallay nous donne tout à voir de la détresse des personnages, de la couleur du Rhône le soir, comme elle nous invite en deux ou trois mots, juste posés, à sentir les parfums de certaines épices.

« L’avoir appris ne suffisait pas. Ce qui lui restait à accomplir était plus vaste. Il fallait oublier. Faire le chemin à l’envers pour que le texte ne soit plus un savoir. Alors seulement elle pourrait le jouer. »
Ce roman parle de théâtre, d’écriture, de création. Il est construit comme une suite de scènes, avec ces chapitres intermédiaires qui montrent le déroulement de l’action, ou les déambulations des "acteurs". Les personnages s’exposent tour à tour et se dévoilent. « Marie se penche sur le lavabo, elle lave ses lèvres, l’intérieur de sa bouche, elle nettoie. Le savon la fait cracher. Vivre la fait souffrir. Le plaisir l’amène au dégoût. »

Devant le "décor" : cette ville légendaire, son palais et ses petites places, ses rues minuscules et sinueuses, à l’abri de ses remparts. Et le Rhône où Odon vit sur sa péniche. Comme dans Les déferlantes, ce roman nous amène avec une construction subtile à un dévoilement progressif de certains secrets et, comme dans Seule Venise, les phrases courtes, les mots voilés, si justes, nous laissent avec ce plaisir d’avoir découvert et reconnu une vraie écriture.
« L’amour est une île, quand on part on ne revient pas. »

Anne-Marie Boisson 
(19/09/10)    



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Lectures










Éditions Actes Sud

360 pages - 21 €












Portrait © Mélania Avanzato
Claudie Gallay
vit dans le Vaucluse.
Elle a publié six livres aux éditions du Rouergue dont Les déferlantes (2008, prix des Lectrices de ELLE), en cours d’adaptation cinématographique.




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