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Inger FRIMANSSON
Justine Dalvik, est l'héroïne des deux romans d'Inger Frimanson. Lorsque
nous la rencontrons, dans le premier volume de ce diptyque, Bonne nuit, mon
amour, elle est âgée d'une quarantaine d'années et
vit dans la maison de son enfance au bord du lac Mälar en Suède, en
compagnie d'un oiseau assez volumineux qui impressionne les rares visiteurs. "En
un bruissement d'ailes, l'oiseau gagna le rez-de-chaussée. IL crailla et
grailla de plus belle. Il se posa dans ses cheveux et s'accrocha fermement à
l'aide de ses serres vigoureuses et brillantes. Elle tourna la tête ; il
lui procurait la sensation d'un poids chaud au sommet de son crâne."
A la fin du premier chapitre, cette phrase – "Elle était seule.
Libre d'agir comme bon lui semblait. De faire ce qu'il fallait pour s'épanouir,
devenir forte, vivante, comme tout le monde. C'était son droit"
– nous donnerait-elle une première indication ? L'auteure, par quelques informations, distillées par-ci, par-là,
va nous rendre son héroïne sympathique, susciter notre intérêt
tout en nous invitant à une future compassion. Car nous comprenons vite que son enfance a été une suite de
frustrations, de souffrances, mais aussi de drames. La mort de sa mère
quand elle était très jeune, "elle conservait des souvenirs
fragmentaires de sa mère. Une pluie battante, un abri sous lequel elles
étaient assises serrées l'une contre l'autre, des vieilles chaussettes
puantes collant à ses orteils", une belle-mère cruelle,
Flora, femme enfant, qu'elle hait, et des camarades de classes à la perversité
certainement hors normes. Va-t-on alors assister à une revanche ? Justine ira-t-elle jusqu'à
se venger des mauvais traitements subis ? Que dire alors de son comportement,
de ses erreurs de jugement, que nous apercevons, esquissés entre les
lignes ? Nous apprenons aussi que son adolescence a été marginale, sa
belle-mère s'attelant à "l'éduquer" a provoqué
des réactions défensives. "Flora lui infligeait des corrections,
mais jamais quand son père était là." Enfin adulte, Justine essaie de trouver l'amour, s'y adonne avec passion. Elle
part pour une expédition périlleuse avec Nathan, son amant. Mais
l'aventure se termine mal. Il disparait, et une jeune photographe est assassinée. Plus tard : "Pendant l'automne et l'hiver, ils lui fichèrent
la paix. Pour autant elle n'oublia pas. Nathan ne cessait de lui rendre visite.
La nuit, il s'invitait dans ses rêves ; la journée il la suivait,
de si près qu'elle sentait presque son souffle, et quand elle se retournait,
il se coulait dans un coin et s'évanouissait." Dans ce premier volume, nous assistons donc à un rappel et un enchevêtrement
de situations du passé mêlées à sa vie actuelle.
Et nous, tour à tour nous plaignons, critiquons, passons de l'indignation
à l'indulgence, avec bien sûr toujours en filigrane, la question
de sa responsabilité, voire de sa culpabilité. "Un policier est venu lundi dernier. Selon lui, le malheur s'abat sur
tous les gens de mon entourage. Oh, Hans Peter, j'ai tellement peur !" Lorsque nous la retrouvons dans le deuxième, L'ombre dans l'eau,
elle redoute quelque chose, et continue d'habiter avec son oiseau. Elle semble
cependant confiante dans son histoire amoureuse avec Hans Peter, veilleur de
nuit dans un hôtel, dont nous découvrons la sensibilité
et l'intelligence. Des évènements de son enfance reviennent alors
à nouveau, mais complétés, explicités. Dans ce deuxième volume, nous rencontrons également des personnages
secondaires, qui peuvent apporter des éléments d'explication au
comportement de Justine. Et, comme dans Bonne nuit mon amour, leurs caractères
sont aussi bien analysés que ceux des personnages principaux ; leurs
parcours difficiles, parfois douloureux, leurs réactions de défense,
leurs refoulements. La construction de ces deux volumes est très habile, Inger Frimansson
nous promène dans une succession d'interprétations, de pistes,
qu'elle mêle avec une certaine virtuosité. Les histoires des personnages
sont complexes et l'écriture, en maniant non-dit et sous-entendus, nous
les rend encore plus intéressants, car si nous devinons leur côté
obscur nous doutons souvent. L'auteure, ici, comme ses contemporaines nordiques, et je pense à Camilla
Läckberg avec L'enfant allemand, nous montre les marques du passé
imprégnées, entachées d'une manière indélébile
dans le présent, et ce, à tout moment. Je voudrais ajouter que l'on peut – et c'est ce que j'ai fait – lire L'ombre
dans l'eau, le deuxième volume du diptyque, avant le premier Bonne
nuit, mon amour : ainsi sans connaître ce qui a été dévoilé
dans le premier volume, on se laissera encore mieux "promener" et
le plaisir de découvrir la "véritable vérité"
ne pourra qu'en être qu'amplifié. Anne-Marie Boisson |
Sommaire Noir & polar Editions First 392 pages - 21,90 € Editions First 418 pages - 21,90 € Traduction : Carine Bruy
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