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André FORTIN

Requiem pour le juge



Quel bonheur pour un lecteur éminemment curieux et boulimique de découvrir, au hasard de quelques clics sur la toile, un auteur et un éditeur qu’il n’a pas encore le plaisir de connaître. C’est ce qui m’est arrivé récemment avec les éditions Jigal qui ont déjà une bonne cinquantaine de titres au catalogue, dont trois romans d’André Fortin, écrivain certes, mais aussi « magistrat depuis de nombreuses années, tour à tour juge d’instruction, juge pour enfants, conseiller à la cour d’Appel et vice-président du tribunal ».
Le narrateur récurrent de ses romans est… le juge d’instruction Galtier.
André Fortin sait de quoi il parle et il l’écrit fort bien, ce qui n’est pas à négliger. Il a, de plus, une haute idée de la Justice et un goût immodéré pour son indépendance, ce qui a tout pour séduire.

Dès le premier chapitre, le juge qui prend le frais sur son balcon reçoit une visite nocturne aussi imprévue qu’inopportune. Ange Simeoni, poursuivi par deux hommes qui ne lui veulent pas que du bien, leur a échappé en sautant le mur d’une résidence et en se réfugiant sur le premier balcon venu. Pas de chance, c’est celui du juge…

A chapitre suivant, on découvre les magouilles de quatre truands – un Italien, un Suisse, un Catalan et un Marseillais – en affaire avec un prince arabe qui aimerait diversifier ses sources de revenus, redoutant que le pétrole ne se tarisse un jour. Le Marseillais, c’est Charlie Sacomano.

Marseille étant au cœur du roman, les parcours de Simeoni et Sacomano vont se révéler intimement imbriqués.

Pour résoudre cette affaire de spéculation immobilière, émaillée de quelques meurtres et qui ne laisse pas indifférents les islamistes locaux, le juge Galtier peut compter sur son fidèle allié, le commandant Juston.

Les autorités policières et judiciaires, selon leurs ancestrales habitudes de confusion dans la notion de "service de l'Etat", ne manquent pas de leur mettre des bâtons dans les roues pour éviter les "dérapages".

Mais, bon Dieu, c'était toujours pareil, le parquet prenait des précautions au cas où, allez savoir, on aurait affaire à un « crime d'État » comme on dit, ou à un meurtre qui impliquerait des personnalités extérieures, diplomates ou ministres étrangers ou encore – car dès que naît la suspicion, toutes les déductions sont permises – un membre du gouvernement, un proche du pouvoir, des sbires d'une police parallèle, des barbouzes ou je ne sais quoi encore. C'est qu'en France, en matière de justice, on trimbale un incroyable retard démocratique. La monarchie absolue, l'empire, le régime de Vichy même, ont laissé des traces. En même temps qu'on craint le peuple dans la rue, on conserve quelques pratiques et quelques réflexes bien commodes hérités des régimes autoritaires, des marges de manœuvre qui n'ont rien à voir avec l'idée républicaine. C'est ainsi que certains pensent toujours qu'il est des situations dans lesquelles la justice n'a pas à mettre son nez : secrets d'État ou exigences internationales ; et le juge d'instruction, dans ces cas-là, passe pour un trublion ingérable dont il faut se méfier comme de la peste !

Mais c’est mal connaître la détermination du juge et de l’inspecteur…

Quand Fatima Boughamni reprend contact avec celui qu’elle considère toujours comme "son" juge même s’il n’est plus juge pour enfants et qu’elle lui explique ses craintes pour son frère qui a dérivé vers l’intégrisme, Galtier ne peut refuser de lui venir en aide.

L’écheveau n’est pas facile à démêler mais, avec calme et obstination, le juge et le commandant vont éclaircir tous les coins d’ombre de cette ténébreuse affaire.

Un auteur à découvrir, des enquêteurs à suivre, un livre à lire absolument… Et quand on l’a terminé on n’a qu’une envie, se procurer les précédents pour retrouver Marseille, ses embrouilles et ses justiciers. Le soleil continuera à briller sur le Vieux Port tant que des hommes épris de justice poursuivront leur combat. Mais attention, ils sont nombreux ceux qui préfèrent le brouillard ici pour mieux profiter, ailleurs, des paradis fiscaux, des yachts et des plages privées…

Serge Cabrol 
(16/07/10)    



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Noir & polar









Editions Jigal
276 pages - 17 €











André Fortin

est l'auteur de cinq romans, les deux premiers aux éditions L'écailler du sud et les suivants chez Jigal.