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Joël EGLOFF

Libellules


Vingt-cinq nouvelles autour d'un petit garçon qui se pose beaucoup de questions, sur la mort mais aussi sur les girafes, et de son père, le narrateur, qui sans bouger de sa rue, regarde le monde et imagine des aventures au pôle (Kate).

Dispersées dans le recueil, des nouvelles filent ce dialogue entre père et enfant (No comprendo, Corps et âme, Tout dépend de la girafe, Fin heureuse), d'autres abordent le thème de l'écriture et du métier d'écrivain (Kate, Les jours raccourcissent, Jours sans, Libellules), quand certaines sont prétexte à un retour nostalgique au passé heureux (Carabine à patate, Le vent dans le dos).

L'écrivain narrateur partage ici le quotidien de ses escapades et de ses rencontres fortuites, avec un voyageur de métro (Comment trouver son premier emploi), une voisine qui secoue son linge (Rien à secouer), un passant au tatouage provocateur (Fine équipe) , un consommateur attablé à une terrasse de café qui trompe sa solitude (Seul au monde) ou un vieil homme du C.A.T. qui se retrouve seul pour Noël (Conte de Noël).

C'est un individu aussi attentif aux détails d'apparence anodine et aux objets – une horloge retirée du clocher pour réfection (L'enlèvement), une collection de jouets miniatures (Enfantillages), un sablier fantaisiste (Problème de sablier), une lettre coincée derrière la boite prévue pour la recevoir (La lettre), un chapeau qui se noie dans la mer (Mon chapeau) – qu'à la nature ou au vent qui accompagnent ses sorties.

De courtes nouvelles autour du quotidien et de gens de tous les jours qui abordent, mine de rien, des thèmes graves comme la solitude des villes, la mort, les questions environnementales (Un grand endroit pour dérouler), la transmission, l'angoisse ou le temps qui passe (Disparu).


La cohérence de l'ensemble tient aux liens forts qui unissent père et fils, confrontés à des questionnements non identiques mais parallèles, face au monde.

L'auteur se souvient, laisse son imagination vagabonder, partage ses angoisses et ses obsessions, et la conjugaison de ces minuscules instantanés nimbés de nostalgie, de tendresse ou de tristesse, de ces fragments apparemment indépendants, finit par constituer une confession pudique, voilée mais intime et infiniment touchante.

Mais nous sommes très loin ici de l'exercice autobiographique. L'auteur reste également ouvert à la vie qui vibre et observe ce (et ceux) qui l'entoure(nt) pour y débusquer la faille ou le petit bonheur.

Il porte un regard décalé sur les gens, les choses, les scènes du quotidien croquées parfois avec bonté, parfois avec humour ou malice, et cet ensemble finit par prendre sens.

Et si Joël Egloff ne peux s'empêcher de flirter avec l'absurde, comme il nous y a accoutumé de livre en livre, c'est une profonde humanité qui émerge de ce va-et-vient entre lui et les autres, dans cette société pourtant bien mal en point dont il scrute sans complaisance les marges.

Le style, à l'image de l'ensemble, est simple et précis mais non sans fulgurances poétiques.
Pas d'artifice ici mais une réelle aptitude à l'observation, une porosité certaine à l'émotion, une sincère et respectueuse bienveillance dans cette recherche du vivant enfoui sous les décombres.

On ne peut s'empêcher de se demander, par instants, si, derrière l'énonciation des angoisses et des blessures, plus fort que cette volonté de permettre aux humbles de laisser trace, cette mosaïque d'histoires et d'êtres à l'apparence banale ne recélerait pas une ultime tentative de réconciliation du narrateur avec le monde.

Avec ce "presque rien" projeté à travers le kaléidoscope personnel de son narrateur (auteur ?), ce livre dégage une étrangeté qui parvient avec talent, tout simplement, à nous émouvoir.

Dominique Baillon-Lalande 
(24/09/12)    



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Buchet-Chastel

(Août 2012)
192 pages -15 €








Joël Egloff
est né à peu près en 1970, en Moselle, plus exactement. Après des études de cinéma, par exemple, il exerce différentes activités dans l’audiovisuel, écrit des scénarios, puis son premier roman, Edmond Ganglion & fils, qui paraît aux Éditions du Rocher en 1999 (Prix Alain-Fournier).
Il choisit de se consacrer entièrement à l’écriture et publie Les Ensoleillés en 2000 (Prix Erckmann-Chatrian), Ce que je fais là assis par terre en 2003 (Grand Prix de l’Humour Noir) L’Étourdissement en 2005 (Prix du Livre Inter) et L'homme que l'on prenait pour un autre en 2008.






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