Kim DOAN, L'arrivée




Un roman comme un écho vague et déformé de La petite fille de monsieur Linh. On y retrouve comme personnage central, un vieil homme entre une France sans couleur et une Asie en guerre, et sa relation singulière à une enfant. Mais la comparaison s’arrête là car tout oppose le vieil homme de Philippe Claudel et celui de ce deuxième roman de Kim Doan. Le premier a choisi de fuir son pays en guerre pour survivre et sauver sa petite fille, inscrivant toutes ses décisions et gestes dans l’amour qu’il porte à cette petite chose qu’il tient dans ses bras ; l’autre, malade incurable, inscrit son retour au pays natal dans une logique quasi animale pour fermer correctement la boucle de son existence.

Cet homme, brisé par le décès de sa femme tant aimée lors de son premier accouchement, s’est réfugié pour survivre dans la distance, avec son pays, avec le nouveau-né, mais aussi avec sa propre vie. Cloîtré dans la douleur, il se contentera du quotidien vide et étriqué d’un fantôme en exil pendant plus d’un quart de siècle et seule sa fin proche va paradoxalement le réveiller à lui-même. C’est alors que s’impose à lui la décision de revenir dans cette Asie non identifiée (le Vietnam peut-être) pour retrouver cette enfant qu’il a abandonnée à la naissance. Mais que cherche-t-il vraiment en se lançant à la poursuite de cette figure inconnue ?

Lors de son enquête très aléatoire et menée, quand la maladie lui laisse un peu de répit, d’une façon distendue, remonteront à la surface ses propres souvenirs d’enfance et de jeunesse. A la quête de l’inconnue se substitue parfois celle du reflet de l’épouse disparue ou de lui-même. Au rythme de ses découvertes ou de ses retours vers le passé, le lecteur chemine avec cet homme qui, au delà de la douleur et de l’angoisse de la mort, cherche une ultime tentative de réconciliation avec l’existence.

Cet accompagnement rapproché de fin de vie sera également l’occasion pour le lecteur de découvrir une autre culture dans sa quotidienneté la plus immédiate : la gargote de la « marchande de nouilles », les quartiers chauds, l’hospice, l’orphelinat, la campagne, le cimetière…

Si ce personnage égocentrique et ténébreux n’a rien pour provoquer la sympathie ou l’empathie du lecteur, la vérité de sa douleur, son absence à la vie, sa simplicité et sa transparence, nous attachent cependant à lui. La sérénité qu’enfin il recouvrera à la fin de son errance teinte le roman d’une mélancolie semblable à la brume du fleuve qui l’enveloppera lors de ses derniers instants, légère et tenace.

Dominique Baillon-Lalande 



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Editions Plon
164 pages
15 €


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Née en 1965,
à Saïgon,
Kim Doan
a aussi écrit
Sur place
(Plon, 2003)