Régine DETAMBEL

Noces de chêne



Taine vit en maison de retraite. Il est amoureux fou de Maria Seignalet qui, on l’apprend dans les premières pages du roman, va mourir sous un escalier après une chute. Personne dans la maison de retraite ne retrouve la vieille dame et tout le monde pense à une fugue comme son ardent amoureux octogénaire. Les amours entre vieux sont souvent clandestines car elles gênent le personnel, les familles. A-t-on encore le droit d’aimer à cet âge ? Est-ce utile ?

Maria se sent abandonnée sous son escalier, personne ne l’entend crier, puis quand elle est devenue aphone à force de hurler, personne ne l’entend gratter le sol. Le bruit d’une vieille est si faible. Elle n’a plus voix au chapitre. Même l’amour de Taine ne peut la sauver. Il imagine qu’elle est repartie dans sa maison du Ventoux alors à son tour il se sauve et part à sa recherche.

Se révèle, au fil des pas de Taine, la superbe écriture de Régine Detambel pour parler de la vieillesse, du temps qui passe : « C’est le temps. C’est le commun dénominateur. C’est le grand dominateur. Visage d’écorché pour tout le monde. […] Meurs, visage ! dit l’aube glacée. La seule chose qui reste vivante, c’est le regard. » Vivre et mourir, comment se conjuguent ensemble ces deux verbes ? « Vivre, c’est naître à chaque instant. La mort survient quand la naissance s’arrête. » Ce désir de naître à chaque instant est-il pour Taine la recherche d’une matrice permanente ? « Des pieds à la tête, le voilà tout entier Maria Seignalet. Il est las d’être lui-même. Le cœur lui échappe. » Etre l’autre totalement, n’est-ce pas mourir à soi-même ? La nature minérale entoure Taine de son éternité comme pour lui constituer un solide tombeau qui le protègera.
Taine rencontre Vitalie qui lui redonne vie mais il n’oublie pas Maria Seignalet.

Noces de chêne est un roman très métaphorique où les êtres comme éthérés vivent leurs sentiments à travers l’image qu’ils s’en font. Chacun reconstruit ce qu’il aimerait vivre. Sont-ils dans le réel ou l’imaginaire ? Chacun des personnages invente sa réalité. Régine Detambel crée un univers du merveilleux où les images littéraires extraordinaires inventent un monde à part. La vieillesse existe-t-elle sur un continent très éloigné de celui des adultes ? Les vieux rejoignent parfois les adolescents sans contraintes ni responsabilité pour vivre des passions sans aucune limite.

Comme dans Elle ferait battre les montagnes, la chevelure des femmes joue un rôle important. Taine est fasciné : « Taine en était parvenu à la conclusion que la chevelure de Maria n’était pas parfumée mais qu’elle laissait échapper seulement une chaleur, une tiédeur. Le reste, Taine savait bien qu’il le fabriquait, l’odeur de fleur, l’odeur de fruit, qu’il l’inventait, mais, au fond, la chevelure de Maria, quand il y plongeait le visage, avait une odeur sentimentale. Voilà ce que pensait Taine, une odeur sentimentale comme on dit une valeur sentimentale. »

Beaucoup de symbolique irradie ce texte où le Mont Ventoux est un personnage important qui offre à Taine une marche initiatique vers l’absolu.

Brigitte Aubonnet 
(22/10/08)   



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Editions Gallimard
122 pages - 11,90 €

Photo©J.-C. Martinez

Pour visiter le site de Régine Detambel :
www.detambel.com



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