Philippe CLAUDEL

Trois petites histoires de jouets


Trois nouvelles de Philippe Claudel écrites dans le cadre d’une résidence d’écriture imaginée par le réseau des Musées des techniques et cultures comtoises en collaboration avec le Centre Régional du Livre de Franche-Comté. Comme le titre l’indique, au cœur de ces histoires, à chaque fois, le jouet.

Dans la première nouvelle, caustique et drôle, Hyppolite Framottet, richissime propriétaire d’une usine à vapeur fabriquant des jouets en bois tourné, par ailleurs conseiller général, décoré de l’Ordre du Mérite, officier de la Légion d’Honneur et père de trois beaux enfants, est fier d’acquérir pour son anniversaire, en 1906, la première voiture du bourg. Mais loin de satisfaire la vanité et la bêtise de ce personnage à la Maupassant, celle-ci sera l’instrument de sa perte et de sa ruine. Une amusante satire de la petite bourgeoisie industrielle du début du siècle étriquée et satisfaite d’elle-même.

Plus grave est l’histoire de Firmin, tourneur sur bois d’exception, enfant jamais grandi, créateur de modèles nouveaux et ingénieux. Quand un obus lui souffle les deux bras lors de la guerre de 1914, il perdra plus que la vie. Devenu incapable de donner forme à la matière, orphelin de son petit calepin de croquis, c’est le souffle des rêves qui lui manquera si cruellement qu’il se laissera mourir malgré l’amour de la belle Bonnette qui s’offre toujours à lui. Un conte désespéré, cruel et poétique.

La dernière nouvelle est la plus forte. Un pierrot entrevu au musée, par hasard, permet à un représentant d’exhumer les souvenirs enfouis au fond de sa mémoire depuis le départ ultime du wagon plombé qui emporta ses parents au seuil de ses trois ans. « Il les effleura d’une main tremblante, et pour la première fois de sa vie, il prononça le prénom de sa mère, puis celui de son père, puis le sien. A haute voix. Des prénoms chéris, perdus, disparus, et qu’il venait d’aller chercher, grâce à un simple jouet de bois peint, dans le royaume des morts et celui des ombres ». Toute une vie entre tragédie et magie.

Plus que de simples objets, ces jouets imaginés, fabriqués, désirés ou complices, ne seraient finalement que des révélateurs de cette part jamais éteinte d’enfance et de rêve qui nous habite. Avec la simplicité et la gravité pudique qu’on lui connaît et qui a fait le succès mérité des âmes grises ou de La petite fille de monsieur Linh, Philippe Claudel sait ici, en quelques pages, créer de vrais personnages, ancrés dans l’Histoire et dans la vie. Leurs drames nous émeuvent et les mots parviennent aisément à trouver un écho en nous. Superbe !

Dominique Baillon-Lalande 
(13/08/06)    



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Editions Virgile

78 pages
10 €





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