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Jean-Philippe BLONDEL

G229


Un soir, à la sortie d’un conseil de classe, le narrateur ("Monsieur B.") s’aperçoit qu’il a oublié un paquet de copies sur son bureau et retourne les chercher dans sa classe.
« Sa » classe, la G229, une faveur que lui a faite le proviseur il y a 25 ans, lorsque le jeune professeur d’anglais a pris son poste dans ce lycée.

Pour mettre un peu de piment, je vous ai accordé une salle, alors que d'autres n'en ont pas. Mais bon, j'ai des arguments. Vous travaillez vingt-trois heures puisqu'on vous impose cordialement cinq heures supplémentaires, certains agrégés n'en travaillent que quatorze ou quinze, alors je me suis dit que ce n'était que justice. Je vous préviens, il y en a qui vont être verts. J’espère que la salle vous plaira. Elle a beaucoup de défauts parce qu'au départ ce devait être une salle informatique. Vous verrez, il y a des prises tout autour de la pièce, c'est un peu étrange. Mais une salle, vous savez, ça n'a pas de prix. C'est la 229, bâtiment G. G229.

Ce soir-là, dans la salle déserte, "monsieur B." revoit le quart de siècle passé entre ces murs. De bons et de mauvais souvenirs, le quotidien d’un enseignant qui aime son métier et nous fait partager avec une pointe de nostalgie les émotions vécues au fil des jours et des années.

Le « je » fait souvent place au « on » englobant les élèves ou les collègues selon qu’on se trouve dans la classe ou dans la salle des professeurs.

De nombreux chapitres commencent par une formule lapidaire qui indique ce qu’on fait dans cette salle, ce qu’on vit :  on parle, on fait vivre la langue ; on écrit, aussi ; on suit les consignes ; on lit ; on sort de la G229, on manifeste, on est connus pour ça ; on s’engueule ; on organise des voyages pédagogiques ; ils s’aiment ; on rit ; on est inspectés ; on s’ennuie ; on apprend des nouvelles ; on se retrouve ; on vieillit ; on vit…

Les yeux me piquent. Devant l'écran de l'ordinateur, je me masse le nez, je suis conscient que je ne berne personne – et pas même moi. C'est pour cela que je fais ce métier. C'est pour cela que nous le faisons tous. Parce qu'ils sont là. Parce qu'ils vivent – et que nous vivons avec eux.

Le narrateur évoque surtout ses relations avec les élèves mais aussi avec ses collègues et un peu sa vie personnelle quand elle est liée à l’exercice du métier.

Le ton est bienveillant, mélange d’humour et de tendresse, l’écriture agréable ; on partage tous les sentiments et émotions qui agitent la G229. Des centaines d’élèves s’y sont succédé, généralement pour trois ans, de la seconde à la terminale, avec le bac pour objectif. Ensuite, ce sera l’inconnu, la vie adulte…

Parfois, il y a ceux qui reprennent contact ou que l’on croise dans la rue, puis les enfants de ceux qui étaient assis là quinze ou vingt ans plus tôt ; ceux aussi que la mort a fauchés, au retour d’un festival de musique. Le rire, les larmes, le plaisir, l’ennui, les moments de grâce…

Le lieu où je voulais exister était un temps. Pour y retourner, pour y poser mes valises et m'y enraciner, j'avais deux choix – écrire ou enseigner. Enseigner parce qu'il y aurait toujours devant moi des représentants de la caste temporelle que je rêvais d'annexer, des adolescents plus ou moins sympathiques, plus ou moins rebelles, plus ou moins niais, plus ou moins amoureux malheureux chaleureux distants râleurs mal lunés. Écrire parce que je pouvais le recréer, le temps – le teinter de mes couleurs, en devenir même le centre le président le roi le chef de bande.
Quelle vanité.

Le résultat est un livre passionnant et émouvant, une lecture à conseiller à tous, lycéens, professeurs, parents, pour partager l’étonnante alchimie de ces heures vécues ensemble. « Parce qu’avant tout dans un lycée, on vit. »

Serge Cabrol 
(04/02/11)    



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Editions Buchet-Chastel

232 pages - 14,50 €








Jean-Philippe Blondel,
43 ans, enseigne l’anglais dans un lycée de l’Aube depuis vingt ans. Son premier roman, Accès direct à la plage (Delphine Montalant 2003), a obtenu le Prix des librairies Initiales. Il a publié huit romans – presque tous repris chez Pocket – et trois romans pour adolescents.





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