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Jean-Noël BLANC

Tailles douces



Si vous voulez découvrir de vraies nouvelles avec de vraies contraintes alors lisez le recueil de Jean-Noël Blanc.
Une pincée d’humour, une dose d’ironie, des poignées de conseils et de contre-conseils, beaucoup de talent et voilà une plaisir de lecture et des idées de consignes pour atelier d’écriture.

Lorsque Jean-Noël Blanc nous donne la contrainte d’écriture à la fin de la nouvelle, on a envie de la relire pour vérifier qu’il ne nous raconte pas d'histoires et lorsqu’il nous donne la contrainte au début de la nouvelle, on se laisse prendre par l’histoire au point d'oublier la contrainte. C'est magique.

Nous passons des nouvelles à chute aux nouvelles avec une fin ouverte.
Jean-Noël Blanc commence parfois par la même phrase pour terminer avec des fins différentes.
Il reprend, par exemple, le début d'une nouvelle Des athlètes dans leur tête de Paul Fournel et décline plusieurs versions différentes dont l'une s'achève sur une phrase extraite d’une nouvelle d’Annie Saumont. Il est ainsi entouré par deux amis nouvellistes.
Jean-Noël Blanc nous livre des textes de commande autour d’un thème, ils sont très ferroviaires.

Nous retrouvons les araignées qui nous rappellent Fredine, l’héroïne araignée, d’un recueil précédent Fil de fer la vie. Les vieilles d’une maison de retraite sont merveilleusement comparées à des araignées :
« L'eau les entraînait, elles se débattaient, elles se repliaient, se retournaient, s'enroulaient dans un hérissement de pattes, s'immobilisaient. Je fermais le robinet. Il n'y avait plus qu'un petit paquet noir. Une pelote emmêlée, avec des brindilles mélangées qui saillaient. Je contemplais les araignées succombées. Les vieilles, là-haut, pareil. L'âge les avait pliées et repliées sur elles-mêmes et maintenant elles étaient fripées. Même quand elles arrondissaient le dos, leurs coudes ressortaient toujours. Leurs genoux. Des trucs pointus. Des aspérités. Immobiles, repliées, fripées, et pleines d'aspérités. »

Et la relation d’un petit-fils avec son grand-père est aussi émouvante que dans Esperluette et compagnie.
L’émotion est au rendez-vous et nous sommes bouleversés par un homme qui ne sent pas la force qu’il a.
Les nouvelles d’ambiance, sans chute, les différents points de vue sur un même événement, le rêve qui devient cauchemar et qui est un guet-apens pour nous, lecteurs, qui n’avons pas vu la contrainte... L’amour et le désamour sont aussi au rendez-vous, présentés comme un mode d’emploi mal traduit ou une recette de cuisine.
Bref, la passion des mots, des jeux d’écriture et des livres habite Jean-Noël Blanc et pousse l’un de ses personnages à dormir dans une librairie avec d’étonnantes conséquences.

Pour finir nous avons un superbe texte ironique sur les multiples manières de rater l’écriture d’une nouvelle : « La première règle est d'éviter de lire des nouvellistes (les romanciers ne valent pas mieux). N'écoutez pas les écrivains qui affirment la nécessité de beaucoup lire avant d'écrire : ils ne cherchent qu'à se rendre intéressants. Laissez-les bavarder, et ne perdez pas votre temps avec les Cortázar, Hemingway, Maupassant, Buzzati, Fitzgerald, Tchekhov, Mérimée, Borges et compagnie. Pensez plutôt qu'en évitant de lire ces vieux chnoques vous serez sûr de ne pas subir leur influence. Votre liberté avant tout, n'est-ce pas ? »
Jean-Noël Blanc ne se prend pas au sérieux mais, l’air de rien, donne une formidable leçon d’écriture.

Brigitte Aubonnet 
(14/06/10)   



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éditions Thierry Magnier

240 pages - 9,90 €








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