Roger BÉTEILLE

La maison sur la place



Avec ce nouveau roman, Roger Béteille nous fait partager l’existence d’une riche famille de Rodez entre 1928 et 1945.
Hémeline de Sérennac, veuve de Melchior, capitaine de spahis emporté par la grippe espagnole en 1919, se sent chaque jour un peu plus vieille, un peu plus seule. Ses deux enfants, Charles et Laura, ne lui donnent pas les satisfactions escomptées.
Laura vit en concubinage notoire avec Paul, un homme de dix ans son aîné, qui a le sens des affaires. Ils ont de l’argent, des voitures, mais ne respectent aucune des conventions en vigueur dans les familles terriennes de l’Aveyron.
Charles a été lieutenant, mais il a quitté l’armée après la fin de la Grande Guerre et la mort de son père, pour s’occuper des propriétés de la famille. Après dix ans de cette vie, il s’ennuie. Sa femme Madeleine est morte en mettant au monde Béatrice qui a maintenant dix-huit ans. Il s’acoquine peu à peu avec un cousin éloigné, Antoine Soladier, qui lui propose des placements aventureux, au grand dam de la rigoureuse Hémeline.

Béatrice est un personnage essentiel du roman. Elle vient de quitter l’internat de jeunes filles, prête à entrer dans sa vie de femme. Depuis l’enfance, elle ressent une grande attirance pour les propriétés de la famille, réparties sur trois lieux : la Tournaire, deux cents hectares sur le causse, une vaste ferme d’élevage ; le buron de Bourret-Bas, au cœur de l’Aubrac, la pâture d’été que les cinquante vaches rejoignent chaque année en une migration festive ; et enfin Saint-Austremoine, la vigne et le chai, le lieu préféré de Charles, si fier de son vin.
Béatrice est troublée par les nuits sur le causse, par les parfums puissants et mystérieux qui viennent jusqu’à elle.
Une respiration vivante semblait monter de la vallée. Des filets d'air tiède atteignaient l'adolescente, souffles qui caressaient son visage et la naissance de son cou d'un effleurement régulier, presque sensuel. Très haut, le croissant de la lune était si effilé qu'il paraissait fragile. Une clarté silencieuse en émanait, s'arquant en une voûte irréelle sur les draperies, maintenant sombres, des vignes. Béatrice ressentit d'abord une sorte d'éblouissement. Croyant que ce vertige lui était causé par la lumière trop blanche de cette nuit de douceur, elle se cacha d'abord les yeux. Mais elle devina qu'elle était troublée au plus profond d'elle-même. Un instant, elle eut la sensation étrange d'être enlevée, de flotter, de se fondre dans les odeurs et les bruissements qui exaltaient ses sens.

Mais à dix-huit ans, il n’y a pas que les senteurs de la montagne qui peuvent troubler le cœur d’une jeune fille. Un jour, Charles invite trois amis à dîner. Parmi eux se trouve Maxime Salacrou, avocat comme son père. Il est beau, jeune, séduisant… Quand il invite Béatrice au Café des Colonnes, le rendez-vous de la bonne société, la jeune femme est subjuguée…
Elle n'entendait plus les bruits confus de la salle, ni les appels des garçons qui commandaient des apéritifs au barman, selon un code convenu. Une sensation étrange l'habitait : elle se trouvait devant un gué merveilleux, celui devant lequel un marcheur se demande ce qu'il y a de l'autre côté de la rivière qui s'écoule à ses pieds.
Que serait Maxime Salacrou dans sa vie ? Était-il déjà l'homme qu'elle voulait aimer pour toujours ?


C’est à ces questions, et d’autres encore, que répond la suite du roman. Les années passent et Hémeline suit avec inquiétude les vagabondages de sa couvée – Béatrice et Maxime, Laura et Paul, Charles et Antoine – et la cahotante marche du monde : la crise ruine les familles qui ont fait confiance aux banques, la guerre apporte ses exactions jusqu’au cœur de l’Aveyron…

Roger Béteille nous offre encore un roman passionnant, palpitant, dans la lignée de Clarisse ou Le mariage de Marie Falgoux déjà présentés sur notre site.

Serge Cabrol 
(03/05/07)    



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Editions du Rouergue
320 pages - 17 €

www.lerouergue.com






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