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Sans sucres ajoutés


Pierre Porcher, chef des Services Techniques d’une ville normande, est un vieil employé consciencieux. Il s’occupe de la valorisation des déchets et on lui doit même l’invention d’un produit servant à débarrasser les trottoirs des chewing-gums. « Chacun le sait : des milliers de chaussures criminelles écrasent quotidiennement et incrustent dans les chaussées des milliers de chewing-gums ». C’est un vieil ours bougon de cinquante-trois ans qui « se représente lui-même comme un prototype assez parfait du gaulois moyen qui, en temps normal, et pour peu qu’on ne lui chauffe pas la moustache, ne ferait de mal à personne ». Ses collègues l’ont surnommé "Pepe" ou "Sans sucres ajoutés" à cause de l’une de ses nombreuses manies mais ce n’est pas un mauvais bougre. «  Quand on a le malheur de s’appeler Porcher, il y a des mots qui vous collent naturellement au poil. Les autres ont vite fait de les trouver (…) c’est un cercle vicieux : on finit par devenir ce dont on vous accuse, de la même façon qu’à force d’accuser, on devient bourreau ». Mais, dans le privé, il travaille clandestinement pour une cause qui lui tient à cœur : la réunification de la Normandie.

De la grande machine municipale de Bayerville, nous rencontrerons aussi Harnold Osmond, maire adjoint, grand bourgeois mondain, fier de ses ascendants vikings qui lui permettent de jouer entre supériorité absolue, condescendance et séduction selon l’interlocuteur auquel il s’adresse. C’est un homme obnubilé par le pouvoir et sûr de sa valeur qui se verrait bien maire à la suite du vieillard en fin de course qu’il sert actuellement ou même député. Prêt à tout pour se donner les moyens d’atteindre son but sans états d’âme, il prepare sa campagne.

Cedric, lui, n’est qu’un jeune stagiaire diplômé en communication, fasciné par le grand Harnold et certain qu’une grande carrière s’offre à le servir.
Mais, en pleine période électorale un fait divers vient troubler l’ordre de la petite commune : une jeune fille est retrouvée dans le coma en plein cœur d’un massif du parc public. Le candidat Osmond ne laissera pas ce cadavre contrarier ses ambitions et le vieux Pepe, vu ce même jour à roder près du parc en question, lui paraîtra tout désigné pour faire un coupable facile et éviter ainsi la panique et la remise en cause de l’efficacité de l’équipe en place. Cedric, lui, profite en toute naïveté de l’occasion pour jouer les apprentis inspecteurs tout en protégeant son mentor. "Sans sucre ajoutés", quant à lui, se laisserait bien gagner par une parano politique au point de croire à une machination destinée à nuire à sa cause.

On nage alors en pleine mesquinerie de province. Dans une petite jungle de salon ou de jardin public, entre les plantes vertes bien entretenues, la chasse est ouverte. Mais si le bouc émissaire désigné ne fait que resserrer les mailles du filet quand il se débat, le commissaire a bien du mal à se contenter de ce coupable sur mesure et à faire taire son intuition. «  Au fur et à mesure que le commissaire dévidait la bobine, des nœuds se faisaient et se défaisaient. Il y avait toujours quelque chose de grisant à entrer dans une énigme. Il aimait ce jeu. La sensation d’ouvrir soudain une porte, sans savoir ce qu’on allait trouver derrière, l’émoustillait terriblement. Il n’avait pas choisi son métier par hasard.(…) Il fallait encore remonter le cours des événements jusqu’au tout premier instant de l’affaire : Pourquoi la petite Auber se trouvait-elle dans le parc aux oiseaux à une heure si tardive ? »
Mais les réponses tardent à venir car dans la grande société les secrets sont bien gardés et le suicide de Pierre Porcher finira d’en faire un coupable idéal pour ce meurtre-là ou pour l’autre, tout aussi inexpliqué, de Le Jean, ancien géomètre de la ville devenu SDF. Affaire classée.

Il faudra l’épilogue rédigé par l’auteur pour démêler l’écheveau et rendre à chacun le rôle plus ou moins important, plus ou moins médiocre, joué dans ce fait divers finalement fort commun.

Un portrait féroce de la petite bourgeoisie locale et de ses élus porté par une écriture classique mais pas sans humour. Un pseudo policier à la construction efficace et au rythme enlevé d’une causticité jubilatoire.

Dominique Baillon-Lalande 
(25/01/07)    



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Editions Buchet-Chastel

183 pages, 13 €








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