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des Papiers collés

Les Papiers collés
de Claude Darras

Été 2020

Carnet : Soleil, soleil !
Chaque fois que le Soleil paraît, je m’agenouille ! Mon petit coussin ne risque pas l’usure.
(Jules Mougin, « 1912 : toutes les boîtes aux lettres sont peintes en bleu ciel », Travers 53, Philippe Marchal éditeur, 1999)

Superstition ?
On cloue les cercueils comme si on avait peur que les morts s’envolent.
(Georges Perros, « Papiers collés » 2, Gallimard/l’Imaginaire, 1973-2008)

Jugement dernier
À Florence, les fresques qui ornent la coupole de la cathédrale Santa Maria del Fiore constituent la plus grande surface peinte du monde (3 800 m2). Elles sont dues au labeur conjugué des peintres et architectes Giorgio Vasari (1511-1574) et Federico Zuccari (1539-1609). Lorsque l’œuvre fut achevée en 1579, elle suscita le dépit de bien des Florentins qui estimèrent grandement altéré l’édifice conçu par l’architecte Filippo Brunelleschi (1377-1446). Aujourd’hui, la critique est plutôt élogieuse à l’endroit du titanesque Jugement dernier où gravitent plus de 700 personnages. C’est dans ce sanctuaire-là que les rivaux florentins des Médicis, Jacopo et Francesco de Pazzi, tentèrent d’assassiner Laurent de Médicis dit le Magnifique le 26 avril 1478 pendant la messe de Pâques.

Fiction et réalité
Quand on demande à la romancière et dramaturge irlandaise Edna O’Brien (née en 1930) quelle est la part de la fiction et de la réalité dans ses œuvres, elle se contente de citer son compatriote James Joyce : « Toute fiction est une autobiographie fantasmée ».

Cannibales
Les cannibales sont en voie de disparition : on en dénombrait 100 millions au début du XIXe siècle. Ils ne seraient plus que trois millions aujourd’hui.
(Samedi 4 avril 2020)


Instantanés providentiels de Jean-Rémi Pecchi

Photographe autodidacte, Jean-Rémi Pecchi (Marseille, 1982) est de surcroît sans étiquette, entendez par là qu’il n’est asservi à aucune thématique. Les vingt-quatre heures de la journée lui donnent une multiplicité d’occasions de donner de l’objectif, autant de cadeaux du ciel et des circonstances. Dans l’intimité de son appartement, il portraiture un de ses modèles privilégiés, Giulia, sa fille ; quand il se déplace à Boulbon, au lieu de l’entreprise industrielle qui l’emploie, il surprend au gré du parcours les noces singulières de la lumière et des paysages ; les mouvements les plus complexes de la mer l’émerveillent sur les rives de la Méditerranée ; la cité martégale est devenue l’un de ses ateliers favoris où, au travers des rues et des places, il scrute avec bienveillance choses et gens. Moments furtifs, instants fugaces, instantanés providentiels : la vision et l’intuition plutôt que le cadrage, le refus de l’arrangement, le noir et le blanc surtout avec quelquefois la couleur, la douceur et l’harmonie plutôt que le chaos et la laideur. Sa frénésie à montrer un nombre incalculable de sujets est à la hauteur de son refus de démontrer. L’homme est peu loquace. Il n’aime pas dire les choses, encore moins les expliquer. Pour lui, ses photos doivent parler elles-mêmes.

1.Tendre impromptu
2.Place de la Libération à Martigues
3.La centrale thermique de Martigues-Laurons
4.Le clavier tempéré

Photos Jean-Rémi Pecchi, 1999 © Droits réservés



Qu’est-ce que la poésie ?
Quand Pierre Reverdy (1889-1960) écrit : « La poésie est dans ce qui n’est pas. Dans ce qui nous manque. Dans ce que nous voudrions qui fût. Elle est en nous à cause de ce que nous ne sommes pas », nous sentons combien nous sommes imparfaits, inaptes à répondre aux interrogations essentielles que pose le langage poétique.
(Dimanche 5 avril 2020)



Billet d’humeur

Les moissonneuses de la Crau

Dans la plaine de la Crau, entre Alpilles et Camargue, au cœur de l’unique steppe d’Europe de l’Ouest, les 7 500 hectares des coussouls (du bas latin « cursorium », c’est-à-dire « l’espace que l’on traverse ») ont été ravagés en août 2009 par la rupture d’un oléoduc. 4 700 m3 de pétrole brut ont dégradé plus de cinq hectares de la réserve naturelle nationale, située sur le lit de galets laissé par l’ancien cours de la Durance et façonnée depuis 6 000 ans par un climat semi-aride et le pâturage ovin. Irrémédiablement souillés, les sols ont été raclés sur une quarantaine de centimètres d’épaisseur et 72 000 tonnes de terre pierreuse y ont été transplantées, prélevée dans une steppe voisine vouée à la disparition par l’agrandissement d’une carrière. Pour favoriser la reconstitution de la végétation originelle des lieux, les chercheurs de l’Institut méditerranéen de biologie et d’écologie (IMBE, CNRS, universités d’Aix-Marseille et d’Avignon, IRD) ont fait appel à la… fourmi moissonneuse (Messor barbarus, Linné, 1767) - le vocable latin messor signifie « moissonneur ». À l’automne 2011, 169 reines de l’hyménoptère ont été disséminées à travers le site pollué selon des niches obturées par un galet les protégeant des prédateurs et régulant la température du nid. Ces insectes granivores, qui peuvent parcourir près de 40 mètres plusieurs fois par jour pour chercher leur subsistance et nourrir leur colonie, laissent en chemin des graines, celles qu’ils n’entassent pas dans les greniers (entre 50 et 200 greniers par nid !) ou les dépotoirs des fourmilières et qui pourront germer, transportées ou non par les vents. Les ouvrières de la colonie pétrissent entre leurs mandibules les graines de leur garde-manger sous la forme d’un pain très nourrissant. Les myrmécologues sont confiants dans l’action des moissonneuses au cœur des coussouls de Crau, un écosystème sans équivalent de par sa composition floristique et sa richesse en plantes à fleurs (on y a inventorié plus de 70 espèces). Ces spécialistes des fourmis aiment rappeler que la fourmi moissonneuse suscitait déjà l’admiration de leurs lointains collègues de l’Antiquité avant d’être consacrée au panthéon de la littérature - c’est le naturaliste Jean-Henri Fabre qui l’affirme - par le fabuliste Jean de La Fontaine dans « La Cigale et la fourmi ».



Lecture critique

Orlando de Rudder fait l’éloge du « nègre »

Cet homme-là avait une marotte : la littérature courtoise et les chansons de geste. Le soir, il analysait certains de ces classiques médiévaux comme d’autres prennent leur tisane ou jouent aux dominos. Cofondateur en 1981 de la revue « Médiévales », éditée par le Centre national de la recherche scientifique et l’université de Paris VIII, Orlando de Rudder (Rome, 1950-Rousies, 2015) multipliait les activités et les genres. Professeur de linguistique et de guitare, déménageur de pianos et adepte de boxe anglaise, il écrit un livret d’opéra sur François Villon, publie la biographie d’Alfred Nobel, assemble tout un recueil de pensées et de citations latines, collecte les meilleures expressions culinaires dans la langue française, établit un dictionnaire des onomatopées ainsi qu’un bréviaire de la gueule de bois, sans parler de nombreux essais, nouvelles, pamphlets, romans et précis techniques. Dans « Écrivain de l’ombre », il révèle les coulisses d’un tout autre exercice, celui de nègre, rédacteur clandestin en somme, appelé ghostwriter en anglais, c’est-à-dire « écrivain fantôme ». Il aurait pu tout aussi bien désigner le personnage par le mot teinturier, qui qualifiait au milieu du XVIIIe siècle le littérateur apte à redonner des couleurs à un manuscrit fastidieux. L’érudition, la verve et la beauté du style que nous lui connaissons s’expriment avec délices dans l’ouvrage qui se veut un éloge du nègre. L’ouvrage est foisonnant ; les bonheurs d’écriture abondent autant que les digressions, savoureuses et rabelaisiennes : il connaît si bien l’art de ces parenthèses qui nous font oublier la sécheresse rébarbative des notes en bas de page. Exaltant le souvenir de sa grand-mère adoptive, Germaine Tailleferre, unique femme du groupe des Six (compositeurs), il exhorte le lecteur au gré d’une critique corrosive « à ne pas lire "La Dame des Six", biographie approximative de Germaine Tailleferre, truffée d’erreurs et de contrevérités. Son auteur aurait vraiment eu besoin d’un nègre. Mais aussi d’une certaine rigueur ! Voire même d’un chouïa d’honnêteté… ». La fonction de traducteur est proche de celle du rédacteur fantôme, considère-t-il à bon escient : « Oui, comme la négritude, la traduction est aussi exercice d’application d’une expression dans une autre. Non pas seulement exercice de style, mais d’identité, donc de talent. Et d’affirmation de celui au cœur même de l’anonymat du nègre et de la petitesse des caractères nommant le traducteur sur une page 5, une page 7 ou une page 9, une page de titre, quoi… » Orlando de Rudder se plaisait à rappeler qu’il était né dans un train à destination de Rome le 24 juin 1950, d’une mère cantatrice et d’un père critique d’art et de gastronomie. Proche d’Antoine Blondin et de Jean Tardieu, il reçut à 8 ans son premier stylo à encre des mains de Julien Gracq ! « Je continue mes ouvrages sous pseudo, mes négritudes, avoue-t-il au passage dans « Écrivain de l’ombre ». Ça m’amuse énormément de mentir faux. Ce n’est pas difficile, c’est même rigolo. Ça me fait vivre, ça me donne les moyens d’écrire pour de vrai, avec ma foi, ma ferveur, pour un petit groupe de lecteurs qui m’aiment, l’écrivent parfois. Et que j’aime : c’est pour eux que j’écris. »

  • Écrivain de l’ombre, par Orlando de Rudder, éditions Pierre Mainard, 124 pages, 2006.


Portrait

La pensée sylvestre selon Eduardo Kohn

Dès 1988, une longue suite de « terrains » étalés sur près de trois décennies a permis à Eduardo Kohn (né en 1968) de mieux connaître les Quichuas Runa, de l’agglomération d’Ávila, en Équateur, un peuple qui entretient des relations privilégiées avec la forêt amazonienne, lieu ancestral de son habitat. Pour les Runa (en quichua, runa signifie « personne »), les êtres vivants qu’ils côtoient au quotidien, humains, animaux et plantes, pensent et agissent les uns les autres avec intelligence. En l’occurrence, le langage des hommes n’est pas le seul vecteur de communication ; les cris et les chants des animaux en constituent un autre auquel s’ajoutent les signes qu’ils tracent ou désignent durant leur existence ; la sémiologie (science des systèmes de signes) est aussi l’apanage des plantes. À la triade des êtres vivants, l’anthropologue canadien ajoute les esprits et les rêves. À partir des études conduites chez ces Amérindiens, il a théorisé une anthropologie au-delà de l’humain et des mondes socioculturels qui lui sont associés. Un ouvrage en a résulté en 2013 intitulé « Comment pensent les forêts - Vers une anthropologie au-delà de l’humain » et traduit en français en 2017.

Comment les non-humains nous voient-ils ?
« Je me suis concentré sur la forêt amazonienne parce que c'est l'écosystème le plus dense et le plus complexe sur Terre, témoigne le chercheur. Je vois les forêts comme des tissus d'êtres vivants qui pensent et communiquent ensemble. » En fait, il s’intéresse à la manière dont « les non-humains nous voient, interagissent avec nous et font de nous ce que nous sommes ».
La thèse développée dans l’ouvrage comporte un certain nombre de situations ou de phénomènes que l’auteur décrit et explicite : la personnification du jaguar - doué d’une âme, de sens et d’intentions, les rêves des chiens et leur interprétation, le charme de buhyu panga, une plante grimpante qui danse comme un dauphin à la surface de l’eau, l’évolution adaptative et fantomatique du phasme (insecte autrement nommé « bâton du diable »), la singulière stratégie des fourmis coupe-feuille, la force des esprits maîtres de la forêt, l’onomatopée tsupu désignant la chute d’un cochon dans l’eau du fleuve, le bruit du palmier abattu qui a chassé le singe de son perchoir, etc.
« Rêver est une sorte de "pensée sauvage", explique l’anthropologue : une forme de pensée libérée des entraves de ses propres intentions et, par conséquent, sensible au jeu des formes dans lesquelles elle s’est retrouvée plongée - ce qui, dans mon cas, et dans celui des Runa d’Ávila, est une pensée qui est prise et amplifiée dans l’étendue sauvage, multi-espèces et saturée de mémoire, de la forêt amazonienne. »

L’ambiguïté équatorienne
La notion de pensée sylvestre ou de pensée sauvage, analysée et développée ici à travers la forêt amazonienne, n’est pas nouvelle. D’autres scientifiques en ont revendiqué la réalité et l’influence bien avant Eduardo Kohn. Il est notoire que de nombreux peuples, autres que les Runa, vivent en étroite symbiose - en complète communication - avec l’ensemble des êtres vivants de la forêt, doués d’une certaine forme de pensée. Il reste que le choix du « terrain équatorien » n’est pas anodin. Outre qu’il intervient à un moment où une vaste perturbation écologique d’origine humaine, désignée sous le nom d’Anthropocène semble accentuer ses effets, il se situe dans le premier pays au monde à reconnaître dans sa constitution les droits de la nature et, ainsi, à créer une sorte de porte d’entrée législative vers l’idée que les forêts sont fondamentalement constituées d’êtres vivants (l’auteur les nomme des sois).
« En fait, remarque toutefois Eduardo Kohn, l’Équateur d’aujourd’hui est marqué par une hausse effrénée de l’activité d’extraction à grande échelle, notamment pour l’exploitation du pétrole et d’autres ressources du sous-sol, ainsi que par des projets hydroélectriques qui visent à convertir la nature non humaine en un vaste réservoir de ressources pour des entreprises trop humaines. »

Eduardo Kohn © Photo X, droits réservés
Chez les Runa d’Ávila © Photo Eduardo Kohn

  • Comment pensent les forêts - Vers une anthropologie au-delà de l’humain, par Eduardo Kohn, traduit de l’anglais (États-Unis) par Grégory Delaplace, préface de l’anthropologue Philippe Descola (Collège de France), éditions Zones sensibles, Bruxelles, 336 pages, 2017.


Varia : des bracelets ukrainiens en ivoire de mammouth

« Au cours des cent quarante dernières années environ, un certain nombre d’artefacts remarquables faits d’os et de défenses de mammouth, qui témoignent de la longue histoire de l’astronomie en Ukraine, ont été exhumés de sites archéologiques paléolithiques, tels Gontsy, Mezin et Kiev-Kirillovskaya.
Plus hypothétiques sont des fragments de défenses de mammouth portant des motifs gravés, auxquels on a attribué une signification astronomique. Il est toutefois malaisé, avec nos conceptions modernes, d’essayer d’interpréter correctement les connaissances et les croyances de peuples antiques. Néanmoins, au cours des années 1960, des chercheurs américains, russes et ukrainiens ont d’abord essayé d’établir une relation entre les cycles lunaires et les cannelures ou alvéoles méthodiquement présentes sur différentes trouvailles du paléolithique eurasien. […]
« En 1908, les vestiges d’un autre établissement du paléolithique supérieur furent découverts par hasard sur la rive de la rivière Desna, près du village de Mezin, dans la région de Chernihiv, lors du creusement d’une cave. Cette découverte fut immédiatement annoncée lors des XIVe rencontres archéologiques de Chernihiv en août 1908, mais c’est seulement en 1930 que les premières fouilles du site furent entreprises. D’autres fouilles suivirent en 1932, puis durant la période 1954-1956, et plus récemment enfin, faisant du site de Mezin un des sites paléolithiques les plus étudiés en Ukraine.
Parmi les découvertes exceptionnelles faites sur ce site, on trouve aussi bien des figurines phalliques en ivoire de mammouth et des oiseaux, que des os peints d’ocre rouge, mais aussi une statuette féminine avec un double triangle pubien et des chevron gravés, et une aiguille en ivoire de mammouth gravée d’un œil et de chevrons. Ce style de décoration est actuellement désigné sous l’appellation d’« art de Mezin ».
« Parmi les premières découvertes figure un bracelet gravé, fait d’ivoire de mammouth, vieux de 20 000 ans, et un second bracelet a été découvert en 1956. Tous deux présentent un magnifique motif que l’on peut retrouver aujourd’hui dans les broderies des costumes ukrainiens. […]
« Les incisions des bracelets ont été interprétées comme représentant des calendriers lunaires basés exactement sur une période de dix mois lunaires ou 280 jours. Étant donné son importance historique, le grand bracelet de Mezin a été choisi pour figurer sur une nouvelle pièce de monnaie et celle-ci a été émise par la Banque d’Ukraine le 17 février 2006. »
Extraits de la revue « Kadath », une enquête de Irina B. Vavilova et Tetyana G. Artemenko, « De l’archéoastronomie en Ukraine au Paléolithique », 19 pages, août 2017, Bruxelles. Les auteurs sont respectivement directrice et ingénieur en chef à l’Observatoire d’astronomie principal de l’Académie nationale des sciences d’Ukraine.


Carnet : le langage du poète
Nombreux sont les critiques ou les historiens de la littérature qui veulent absolument étiqueter tel auteur, immobiliser telle œuvre. C’est ce qui agace Frédéric-Jacques Temple (Montpellier, 1921) quand on lui demande s’il revendique l’état de poète. S’il s’en prévaut, il déplore que le terme et la fonction soient constamment tournés en dérision. « Quand je dis poète, je ne parle pas d’alexandrins, de versets, d’octosyllabes ou même de vers libre, mais de langage. Ainsi, comme je ne suis pas romancier, je passe du poème à la prose sans trop me poser de questions ».
(Lundi 13 avril 2020)

L’indicible de la musique
Toute musique suscite des plaisirs ineffables. Une chanson de Sting, une rhapsodie de Liszt, une complainte de Mouloudji font basculer l’émotion de l’auditeur dans une lumière différente, dans une nouvelle saison du cœur. L’émotion peut naître d’un enchaînement d’accords de neuvième ou de septième où semblent se tisser des modulations sonores qui jettent de singulières passerelles jusqu’à former d’indicibles harmonies.

Le soleil de Giono
Jean Giono se sentait plus homme du nord qu’homme du sud. Il avait la peau blanche, les yeux bleus, le teint clair et sa mère était picarde ! Pourtant, il était un véritable provençal parce qu’il n’aimait pas le soleil. Les Provençaux redoutent le soleil car il brûle. Et vous ne verrez jamais un paysan torse nu : à Digne ou à Martigues, on se couvre avant d’aller au soleil. Il faut être Parisien ou Lyonnais pour afficher sa nudité au soleil.
(Mercredi 15 avril 2020)

Citoyenneté
L’espace public fondé par le rassemblement des hommes s’appelle citoyenneté et le citoyen est celui qui prend sa place au sein de cet espace. Le mot, très usité au XVIIIe siècle par Voltaire et Rousseau, n’apparaît pas toujours comme une figure dominante. Même un texte aussi cardinal que la Déclaration universelle des droits de l’homme ne comporte pas le vocable !
(Jeudi 16 avril 2020)

Lettre à un ami
À la faveur d’un échange épistolaire, le philosophe Vladimir Jankélévitch (1903-1985) déclarait à un de ses amis : « Excuse-moi si je n’ai parlé dans cette lettre que de moi-même ; il ne te reste qu’à te venger en en faisant autant ».
(Jeudi 30 avril 2020)



Billet d’humeur

Le bon vin du pape

Nombre de cuvées viniques se réfèrent au catholicisme. À une vingtaine de kilomètres au nord d’Avignon, le vignoble de Châteauneuf-du-Pape s’est développé grâce aux papes, quand bien même la vigne était déjà cultivée à l’époque gallo-romaine. Mais c’est véritablement au XIVe siècle que l’appellation trouve son origine. Le premier pape d’Avignon, Clément V, aime séjourner dans le village. Mais c’est son successeur, Jean XXII qui décide d’édifier, sur les hauteurs, une forteresse qui abritera la résidence d’été papale. Dès lors, le vin des vignerons est consommé par le successeur de saint Pierre à Châteauneuf et à Avignon au Palais des papes. Les archivistes de l’appellation indiquent qu’il s’en buvait jusqu’à 3 000 litres chaque année, autrement dit pas seulement aux offices liturgiques ! La réussite du châteauneuf-du-Pape n’est pas usurpée et ses éleveurs s’imposeront dès 1923 des règles drastiques qui leur vaudront d’ailleurs le 15 mai 1936 l’une des premières appellations d’origine contrôlée (AOC) avec l’écusson distinctif moulé sur la bouteille. Petit domaine avec ses 3 000 hectares de production, le rendement n’est que de 32 hectolitres à l’hectare quand un quart est bio. Pas moins de 13 cépages sont impliqués dans la fabrication du rouge, bourboulenc, cinsault, clairette, counoise, grenache, mourvèdre, muscardin, picardan, picpoul, roussanne, syrah, terret noir et vaccarèse. Avant les papes, la terre du vignoble a certainement été bénie des dieux. Convoyés par le Rhône à l’ère quaternaire, les galets roulés qui constellent le terroir offrent la meilleure protection en protégeant le sol de la brûlure du soleil et en stockant la chaleur pour la restituer aux racines durant les nuits fraîches. Parfaits et naturels régulateurs de température, ces galets polis apportent une valeur ajoutée incontestable à l’argile dominant du sol qui sait retenir l’eau et d’indispensables nutriments en temps de sécheresse, évitant à la plante de mourir de soif et de faim. Un autre acteur, le mistral, rafraîchit comme il faut les grappes, les sèche et les protège des maladies. À consommer avec modération ? J’en conviens, mais ce vin du pape n’est-il pas conforme aux canons de l’Église ? Alors…



Lecture critique

André Ughetto questionne la muse transalpine

En guise d’anthologie, André Ughetto (L’Isle-sur-la-Sorgue, 1942) recense les poètes italiens des XXe et XXIe siècles ; il précise la place qu’ils occupent dans le panthéon transalpin, commente leurs œuvres comparativement à leurs illustres devanciers (dont Ludovico Ariosto dit L’Arioste, Michel-Ange Buonarotti, Torquato Tasso dit Le Tasse, Giacomo Leopardi, Giosuè Carducci, Giovanni Pascoli et Gabriele D’Annunzio) et propose une traduction de textes de six d’entre eux (Dino Campana, Eugenio Montale, Sergio Solmi, Luciano Erba, Maria Luisa Spaziani et Fabio Doplicher). La minceur de la pagination (44 pages) n’altère en rien la cohérence de la perspective et la lucidité de l’analyse : l’ouvrage « La Muse transalpine - Sur la poésie italienne contemporaine » apporte plus qu’une modeste initiation au sujet.
L’auteur incorpore Pier Paolo Pasolini et Andrea Zanzotto dans la généalogie dantesque. Il assigne Attilio Bertolucci (le père du cinéaste), Piero Bigongiari, Alfonso Gatto, Mario Luzi, Leonardo Sinisgalli, Sergio Solmi à la lignée de Pétrarque, tout en considérant que les trois piliers de la poésie moderne du XXe siècle en Italie, Umberto Saba, Giuseppe Ungaretti et Eugenio Montale, peuvent se réclamer de l’héritage commun de Dante et de Pétrarque.
« Comme jadis Rabelais, s’enthousiasme l’essayiste, comme plus près de nous Michaux, Zanzotto a inventé des façons toujours surprenantes de faire jubiler la langue, à partir des allitérations et assonances, des ressemblances entre les mots, des apports dialectaux ou étrangers. […] … ce natif de la région de Venise a réinventé pour Fellini une langue vénitienne archaïque parlée dans son "Casanova". » Chez Umberto Saba, argumente-t-il, « la basse continue autobiographique, le lyrisme sans effusions, l’attention aux objets quotidiens et aux gens simples, prennent le contre-pied du "grand lyrisme" d’annunzien ». « En Eugenio Montale, observe-t-il plus loin, se conjuguent un "lyrisme sec", comme celui d’Ungaretti, une voix répudiant tout effet d’illusion, toute emphase, une expression tordant le cou à la rhétorique, selon la recommandation de Verlaine, et allant jusqu’à "la corrosion critique de l’existence." » Il s’attarde sur une autre grande figure de la poésie transalpine : « Mario Luzi (1914-2004) se raconte sans cesse, et cherche les moyens d’unifier les "fragments" de la culture contemporaine dont il constate la désagrégation. L’hermétisme est bien ici, selon l’acception première du terme, en quête de sens et de transcendance. Un souffle chrétien, et une inspiration néo-platonique traversent son œuvre d’une haute exigence spirituelle. » Une semblable rectitude intellectuelle imprègne le bel essai du poète, traducteur et critique littéraire André Ughetto.

  • La Muse transalpine - Sur la poésie italienne contemporaine, par André Ughetto, préface de Jacques Lucchesi, éditions du Port d’Attache, 44 pages, 2008.

Document complémentaire :

  • L’éditeur Jacques Lucchesi s’entretient avec André Ughetto dans le cadre des « Entretiens du Port d’Attache », court-métrage de 30 mn, image Pierre Andreani, 23 février 2017.


Portrait

L’étang de Berre à cœur ouvert

Dès la décennie 1960-1970, à quelques encablures du terminal pétrolifère de Fos-sur-Mer et de l’aéroport de Marignane, l’étang de Berre est secoué par plusieurs vagues de protestation de pêcheurs, riverains et écologistes qui réclament, au-delà de la neutralisation de la pollution (agricole, industrielle et urbaine) du plan d’eau, la réhabilitation d’un étang sain et riche de sa faune et de sa flore originelles. Les premiers dommages sont survenus à l’orée des années 1930 lorsque des complexes métallurgiques, sidérurgiques et pétrochimiques ont été mis en place par des entreprises, parfois multinationales, à l’entour des neuf communes riveraines (Berre-l’étang, Châteauneuf-les-Martigues, Istres, Marignane, Martigues, Rognac, Saint-Chamas, Saint-Mitre-les-Remparts et Vitrolles). En dépit de la multiplicité des actions engagées et de la candidature de l’étang de Berre et ses rives au patrimoine mondial de l’Unesco (2019), beaucoup reste à faire pour parvenir à une effective sauvegarde des lieux.
Adeptes de sports sous-marins, photographes chevronnés et fins connaisseurs des richesses floristiques et faunistiques de l’étang, Sabine Boulad (née ne 1964), monitrice de plongée, et Steven Weinberg (né en 1946), docteur en biologie marine d’origine néerlandaise, ont voulu rendre compte de la passion exclusive qu’ils vouent à l’étang de Berre dans le domaine éditorial. Publié en 2008, « Berre - Étonnant Étang » allie les vertus d’une intelligente vulgarisation - à travers les aspects historique, sociologique, économique et scientifique - aux qualités graphiques et esthétiques d’une iconographie quasiment inédite. Le caractère novateur de l’ouvrage réside dans la présentation photographique des espèces, rarement vues sous de si brillantes focales, espèces découvertes lors des plongées des deux auteurs dans le canal et le chenal de Caronte et à l’entrée du canal du Rove. Outre les espèces inféodées à l’étang proprement dit, à savoir les champs clairsemés d’Ulva rigida (laitue de mer) et de Zostera noltii (zostère naine), les tribus d’éponges endolithes et les halichondries cierges, les populations de vers rampants dont le Nephthys, les flots de cténophores (Mnemiopsis leidyi) qui ressemblent à des méduses très colorées, le canal et le chenal de Caronte sont investis par les échinodermes et étoiles de mer (dont l’étoile de shérif ou étoile bossue), les hippocampes et les grandes nacres, tandis que des gorgones, branches de corail souple (Eunicella singularis et Leptogorgia sarmentosa), des madrépores solitaires (Caryophyllia inornata) et les limaces de mer, grandes dévoreuses d’hydraires et d’éponges ont colonisé le canal du Rove où les guette l’avidité des rougets de vase (Mullus barbatus).
Avec cet ouvrage, les néophytes trouveront une attrayante et utile initiation aux richesses sous-marines de l’étang de Berre et à son histoire si complexe ; les lecteurs plus édifiés sur le sujet se reporteront avec fruit sur la somptuosité des images dont la réalité dépasse le champ de l’imaginaire.

À mi-chemin entre le delta du Rhône et la ville de Marseille, l’étang de Berre - que les premiers textes nomment stagnum Mastromela - est constitué par le grand étang auquel s’ajoutent le golfe de Saint-Chamas au nord, les étangs de Vaine à l’est et de Bolmon au sud. L’espace lacustre (15 500 hectares pour un volume de 900 millions de mètres cubes) communique avec la Méditerranée par la passe étroite de Caronte (Martigues). Depuis la remontée des eaux marines, en 7000 ans, les alluvions s’y accumulent selon un rythme évalué au milieu de la cuvette depuis un siècle à 1 cm par an, de sorte que sa profondeur maximale, dans le sud de l’étang, reste inférieure à 10 mètres. Au gré de la variabilité de la salinité des eaux, poissons et coquillages apparaissent lorsque la teneur en chlorure de sodium égale ou dépasse celle de l’eau de mer ; ils disparaissent plus ou moins complètement dans le cas inverse. En 1966, consécutivement à la mise en service de l’usine hydroélectrique de Saint-Chamas, l’apport des eaux douces de la Durance, un des affluents majeurs du Rhône, provoque une chute importante de la salinité et accroît le dépôt des limons provenant de l’érosion des torrents alpins.

Sabine Boulad et Steven Weinberg © photo X. droits réservés

  • Berre - Étonnant Étang, par Sabine Boulad et Steven Weinberg, NautilÉditions, 160 pages, 2008.
    À commander directement chez les auteurs, soit par chèque, soit par virement. En envoyant la somme de 30,00 € (24,50 € + 5,50 € de participation aux frais d’emballage et de port) vous recevrez le livre chez vous par la poste ! Adresse : Côte-Bleue Aquatique Projets (CAP) / 23 Avenue du Grand Fossé / 13960 Sausset-les-Pins. Compte bancaire : IBAN - FR30 3000 2028 8000 0007 1743 V31 / BIC - CRLYFRPP. N’oubliez pas de joindre votre nom et adresse et la mention: « BERRE » !


Varia : la chèvre du Rove et le Far West

Chez Patrick Scellier (Amiens, 1973), au Plan-d’Aups, la saga du Far West a présidé à la nomination des chèvres du Rove de son troupeau.
« Le plateau des Béguines est le toit de la Sainte-Baume. Béguines est le point culminant de notre royaume à 1148m d’altitude. Béguines est la chèvre 4. Elle est notre héroïne. Quatre est aussi le chiffre porte-bonheur du petit chevrier totalement par hasard. Béguines fut la première chevrette à escalader trois bottes de paille pour toiser ses partenaires. Elle possède une démarche altière et un regard humain. Par conséquent, Béguines est la princesse de notre troupeau. […]
« Dakota est la chèvre 7. Plus exactement 007, une certaine James Bond girl. Une barbichette de quelques poils lui confère une singularité inutile au regard de sa robe, un peu albinos, truffe et pis rosâtres, sabots et cornes blanchâtres, suffisants pour se distinguer d’autrui. On dit de Dakota qu’elle est un ours polaire... c’est-à-dire qu’elle est dehors quelle que soit la saison. Son poil très dense en est probablement l’explication.
« Commanchero est la chèvre 12. C’est une chèvre de toute beauté qui contraste avec son caractère de cochon. Commanchero ne possède pas d’amies. Sa robe est zébrée chocolat noir et blanc. Elle est mince et très haute sur pattes, ce qui lui donne de l’assurance et de l’autorité !
« Montana est la chèvre 13. Montana est évidemment porte-bonheur. Elle est aussi une biche avec un visage fin très singulier. Sa robe serait plus faon, un peu Bambi avec ses quatre taches blanches sur les flancs. Certaines chèvres se bagarrent la conduite quand Montana affectionne fermer le troupeau, loin du tumulte et des heurts. Montana est une chèvre pacifiste et bonne copine. Je suis toujours inquiet de voir une chèvre en dernière position mais si c’est Montana, je suis rassuré. Elle joue son rôle à merveille. Puisque tout chevrier possède une meneuse, n’y aurait-il pas une « clôtureuse ».
« Arizona est la chèvre 18. Arizona a la robe la plus crème du troupeau. Arizona a surtout des cornes de taureau, dessinées vers l’avant et très recourbées, prête à charger. D’ailleurs Arizona a les attributs de son caractère, à force d’autorité, ses cornes sont sculptées en dents d’égoïne.
« Utah est la chèvre 19. Utah possède la robe rouge la plus sombre du troupeau, presque cendrée, magnifique. Utah est une grosse mémère pleine d’affection malgré son physique bourru.
« Texas est la chèvre 23. Texas est une chèvre mouchetée blanche et chocolat au lait. Texas est une chèvre solitaire avec ses congénères. Paradoxalement, Texas est pleine de tendresse avec l’homme.
« Colorado est la chèvre 28. Colorado est une chèvre haute en couleur, marron et blanche. Colorado est très affectueuse, amitieuse et sympathique autant qu’elle est belle, voire un peu trop de tout cela la qualifie de pot de colle.
« Oregon est la chèvre 29. Oregon n’est pas une chèvre finistérienne mais son caractère est aussi changeant que le temps breton. Alternance de jours bien et de jours moins bien, de joies et de peines peut-être. Oregon possède une grosse tache blanche entre les cornes, lieu de prédilection des tiques... de là à supposer un lien de cause à effet avec son sacré caractère ! »
Extraits de « Ma terre Sainte-Baume promise - Mémoires de pastre », chapitre 5 « Troupeau pastoral », par Patrick Scellier, 192 pages, 2020. Ouvrage disponible chez l’auteur :
lou Cabrier, L’Adret, 83640 Plan d’Aups Sainte-Baume

www.facebook.com/loucabrierSainteBaume/


Carnet : souvenirs
Un ami me parle de Georges Lauris, alias Georges Durand (1923-2014), poète et dominicain, philosophe et dramaturge. Échangeant des souvenirs, nous convenons que frère Ceslas - nommé ainsi au sein de la communauté dominicaine - était un homme de la parole qui s’inscrivait à la fois dans la grande tradition socratique et dans celle des prédicateurs, qu’il n’appréciait d’ailleurs pas beaucoup… À la question de son exégète et universitaire, Isabelle Luciotti : « Où vous situez-vous ? », le poète languedocien répondait : « Au XIIe et au XXe siècles. Entre François Villon et René Char ».

Érosion, Émotion
Je relis quelques classiques dont la plupart m’ont formé. Certains pourtant déclenchent aujourd’hui la lassitude, non le dégout, mais la disparition d’émotions que je croyais y retrouver. Une œuvre, littéraire ou musicale, ou plutôt l’émotion qu’elle fait naître, s’use, soit parce qu’on s’en lasse, la répétition atteignant plus ou moins rapidement un seuil critique d’érosion, soit parce qu’on a découvert de nouvelles émotions, plus intenses, plus saisissantes, en apprenant à apprécier d’autres œuvres.
(Lundi 11 mai 2020)

Prophéties
« Il est évident que nous vivons dans des normes conventionnelles, assure Jean Cocteau (1889-1963), comme le calendrier ou la montre. Et il est probable que nous nous trompons et que, peut-être, vous vous trompez encore. Il est possible que ce que vous appelez le progrès soit le développement d’une erreur. » Il y a chez le poète de « L’Ange Heurtebise » (1926) un prophète qui fait penser à ces personnes que l’on interrogeait jadis à l’hôpital de la Salpêtrière, à ces patients qui pendant le sommeil hypnotique disent des choses étonnantes.
(Mardi 19 mai 2020)



Billet d’humeur

Prendre une Valda dans le buffet !

En 1904, un pharmacien lillois, installé à Paris depuis 1899, concocte une pastille contre les maux de gorge, sources d’infections pulmonaires. Les ravages de la tuberculose le préoccupent grandement d’autant que sa première femme y a succombé à l’âge de 22 ans. En fait, il a incorporé cinq antiseptiques efficaces et naturels, le menthol tiré de la menthe poivrée, l'eucalyptol de l'eucalyptus, le thymol du thym, le gaïacol du bois de Gaïac et enfin le terpinol du pin des Landes, à une pâte riche en gomme arabique et enrobée de sucre cristallisé qui en assure le dégagement progressif permettant une inhalation lente. La réussite de la pastille Valda est telle qu’à la petite fabrique des débuts rue Villehardouin (1910), succède une véritable usine, les établissements Pastival, boulevard Bourdon (1920). Henri-Edmond Canonne (forme picarde du français « chanoine ») gère alors au n° 49 de la rue de Réaumur (Paris, 3e arr.), en face des magasins Félix-Potin, une imposante pharmacie où il propose, outre les médicaments de l’enseigne, toutes sortes de produits dont de l’eau minérale provenant de 175 sources différentes : il y vendra bientôt des appareils photographiques et des boussoles ! Animé d’un sens inné de la publicité, l’apothicaire a suscité la création dès 1910 par le dessinateur Georges Grellet d’un médecin d’opérette, le docteur Valda (contraction des mots latins valentino qui signifie « santé » et dare « donner »). Nanti d’une longue chevelure, d’une redingote noire, d’un chapeau haut de forme et d’un parapluie rouge, le personnage, bonhomme et replet, vante les bienfaits du bonbon mentholé par tous les méridiens de la planète. Au terme des Années folles, le toubib est rejoint par l’effigie de l’actrice Simone Roussel, alias Michèle Morgan dont la carrière vient de commencer. Antoine de Saint-Exupéry lui-même se mêle à la propagande en réalisant un jeu d’affiches. L’argot des truands n’est pas en reste qui adoube, en raison de la forme oblongue de la pastille, l’expression meurtrière « Prendre une Valda dans le buffet » (ou dans la théière). La fortune sourit aux audacieux : H.-E. Canonne (1867-1961) est un amateur d’art éclairé qui abrite ses collections dans les salles du château d’Hennemont qu’il a fait construire en 1907 à Saint-Germain-en-Laye par l’architecte Henri Duchampt. Classée monument historique, la demeure abrite le lycée international de Saint-Germain-en-Laye. Aujourd’hui encore, il se vend un million de boîtes par an, mais c’est un groupe pharmaceutique britannique qui détient la marque.



Lecture critique

Passé et avenir d’un bassin minier remarquable

Au-delà de son temps d’exploitation, de 1734 à Anzin (où s’ouvre la première unité de production de houille) à 1990 à Oignies (quand le dernier puits du bassin houiller est condamné), l’extraction du charbon de terre dans les deux départements du Nord et du Pas-de-Calais a fatalement laissé des traces durables dans les paysages et dans les mémoires. Aussi afin d’identifier les témoignages sociaux, économiques et culturels que l’activité a laissés à la postérité était-il judicieux de solliciter les spécialistes des sciences humaines (anthropologie, économie, histoire, géographie, sciences politiques et sociologie). Géographes, géologue, historiens, sociologues des universités (Lille et Paris) et du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) n’ont pas été les seuls à raconter les deux siècles et demi de l’exploitation charbonnière. Des anciens mineurs et syndicalistes ou leurs conjoints ont témoigné de l’épopée des gueules noires tandis que des photographes, professionnels et amateurs, ont livré des clichés réalisés sur les sites d’exploitation et dans les cités ouvrières entre 1988 et 2001, sans compter les documents d’archives relatifs à des événements sociaux intervenus en 1906 (après la catastrophe de Courrières), 1958 (manifestations contre le général De Gaulle) et 1963 (élections et grèves syndicales). Trois années de patientes recherches ont été nécessaires pour réaliser l’ouvrage « La Remonte - Le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, entre passé et avenir » dans le cadre d’un programme de l’Institut fédératif de recherche sur les économies et les sociétés industrielles du CNRS (Anthropologie du bassin minier).

Une histoire qui commence au XVIIe siècle…
« Nul n’imaginait en 1720, observe le sociologue et universitaire Jean-Claude Rabier, lors de la découverte d’un gisement de charbon maigre à Fresnes-sur-Escaut, que la mosaïque des villages ruraux qui formaient alors l’essentiel du paysage entre Wallonie et Boulonnais allait se constituer en un territoire unifié par une activité industrielle dominante : la mine. La recherche du charbon de terre est alors commandée par les besoins en chauffage de la forge et de la verrerie afin de remplacer le bois des forêts, déjà bien exploité. » L’extraction du charbon de terre avait commencé dès le XVIIe siècle dans le Boulonnais, mais c’est avec la découverte d’Anzin en 1734 que l’histoire du bassin minier débute réellement. La production de houille atteindra 55 millions de tonnes en 1930 : elle s’élevait à 800 000 tonnes en 1811 ! « Après la première guerre, ajoute J.-C. Rabier qui a dirigé ledit programme de recherche et l’ouvrage qui en a résulté, la reconstruction et le remplacement des mineurs morts au front entraînent un appel à une main-d’œuvre étrangère : Polonais, Belges et Italiens s’installèrent alors dans le bassin. Dans certaines agglomérations les étrangers représentent plus de la moitié de la population. Mais cette première migration est surtout polonaise : en 1928, ils représentent 78 % des 111 010 étrangers recensés, 87 % en 1945. Regroupés dans des cités [appelées corons], ils constituèrent longtemps des groupes sociaux homogènes avec leurs traditions religieuses, leurs fêtes et leurs loisirs propres et gardèrent des liens étroits avec leur pays d’origine. »

Le bassin minier, bastion de la gauche
Professeur des universités, Frédéric Sawicki insiste sur la suprématie de la gauche sur le bassin minier, en dépit de la rivalité entre les deux frères ennemis, communistes et socialistes : « Cette compétition, explique-t-il, a conduit les dirigeants et les militants des deux partis à créer et entretenir d’influents réseaux, notamment dans le monde du travail par le biais syndical, mais aussi sur le terrain associatif en lien avec le contrôle des municipalités. En conséquence, les identités partisanes socialiste et communiste, derrière un commun rejet des "capitalistes" et des partis bourgeois, sont ici très ancrées et les affiliations s’y transmettent souvent d’une génération à l’autre… bien après la fermeture des mines. »
« La longue agonie de la mine a commencé à la fin des années 1940, observe la sociologue Chantal Lamarre, avec la politique de modernisation et de concentration qui amena les Houillères, qui prennent la succession des compagnies [à la nationalisation de l’industrie minière en 1946], à la suppression des puits peu rentables au profit des plus importants. À l’ouest du bassin, l’extraction cessa dès les années 1970, avant de s’éteindre totalement en 1990 à Oignies. Les Houillères, qui ont régné sans partage sur le territoire et sa population, ont fait des communes leurs héritières. » Dès les années trente, nombre d’élus, socialistes pour la majorité, ont encouragé l’éclosion d’activités associatives jusqu’alors contrôlées par le patronat et par l’Église, avec le soutien des amicales laïques et du syndicat national des instituteurs. « L’engrenage politico-municipal de gauche souvent installé dans les grands bassins industriels, argumente le sociologue Olivier Kourchid (CNRS-Université Paris I Panthéon-Sorbonne), n’est pas étranger aux dynamiques de conservation et de valorisation [des mines désaffectées]. »

La mémoire préservée
Dans les années 1970, l’œuvre de réhabilitation des sites charbonniers du Nord-Pas-de-Calais - un bassin minier qui englobe 180 communes dont sept grandes villes d’importance équivalente - mobilise quasiment tous les élus et toutes les énergies. Parmi les réussites les plus marquantes, la création du Centre historique minier de Lewarde dans la fosse Delloye. « Visiter cette fosse musée, remarquent Hubert Cukrowicz (sociologue au CNRS) et André Dubuc (directeur du Centre historique minier de Lewarde), comme visiter le puits 9 de Oignies ou les musées d’Auchel, de Bruay, d’Escaudin, de Harnes, de Nœux-les-Mines, est une occasion de se plonger dans un monde de réalités matérielles ou de représentations (les bâtiments, les machines, les systèmes techniques, la peine des hommes, leurs manières de vivre, de s’organiser et de lutter). Cette immersion déclenche et renforce le travail de la mémoire vive. » Autre succès et non des moindres, en février 1994, le site minier de Oignies est classé à l’Inventaire des monuments historiques.

  • La Remonte - Le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, entre passé et avenir, sous la direction de Jean-Claude Rabier, Presses universitaires du Septentrion, 276 pages, 2002.


Portrait

Le costume à l’épreuve des sciences humaines

L’étude du costume procède-t-elle de l’histoire de l’art, des mentalités, des techniques ou des arts décoratifs ? Ou concerne-t-elle ces quatre champs disciplinaires à la fois ? En fait, les praticiens des sciences humaines ne semblent pas encore avoir totalement circonscrit cet objet d’études et de recherches qu’explique d’ailleurs la rareté des ouvrages de référence. Les choses évoluent cependant. Ainsi l’Institut national d’histoire de l’art (INHA) qui associe chercheurs et conservateurs des musées et des bibliothèques de France et de l’étranger « vise à pallier cette lacune et à lancer de nouvelles pistes de réflexion sur le vêtement dans sa relation avec l’étude historique de l’art » : en effet, le prestigieux cénacle a inauguré à la fin 2011 un programme sur l’histoire de la mode et du vêtement. « Les historiens de l’art, soutient Isabelle Paresys, maître de conférences en histoire moderne à l’université de Lille III, ont longtemps considéré cet objet périssable qu’est le vêtement - traduit sous l’appellation de costume par la discipline - comme un instrument auxiliaire à la datation des œuvres d’art. Il est bien difficile de lui associer le nom d’un créateur avant la toute fin du XVIIIe siècle, ou de le rattacher à la notion d’"œuvre". Tout au plus lui accorde-t-on le statut d’"art décoratif", eu égard à sa fonction ornementale. » (in « Revue de l’art », n° 174-2011).

Dix millénaires et cinq archétypes
Les diverses fonctions du costume ont suivi l’évolution des civilisations depuis l’habillement des chasseurs et ramasseurs de l’âge préhistorique ; elles sont apparues à travers un jeu de forces contraires, les unes d’action d’avant-garde, les autres de réaction ou simplement de stabilité. Mais l’histoire du costume occidental se limite au costume civil, qui ne concerne qu’une petite partie de la population : l’aristocratie et la bourgeoisie urbaine. C’est pourtant autour du costume civil français qu’est organisée l’« Histoire du costume en Occident des origines à nos jours » ; c’est par rapport à lui que sont groupés et examinés tous les costumes des autres pays. Aussi les costumes populaires et folkloriques, militaires et religieux attendent-ils des synthèses aussi complètes que celle-ci.
« Le mot costume lui-même, dans le sens que nous lui donnons aujourd’hui, n’est employé que depuis le milieu du XVIIIe siècle », lit-on dans le même volume, ouvrage collectif dirigé par François Boucher. « Introduit sous Louis XIII seulement, il conservait la prononciation italienne "costoumé" et signifiait usage ou manière d’être. Ainsi ce mot, qui n’a droit de cité que depuis deux cents ans, est aujourd’hui paradoxalement appliqué à une histoire antérieure à lui de plusieurs millénaires. » À l’origine de l’Union française de l’histoire du costume (UFAC), F. Boucher a reçu le concours d’Yvonne Deslandres, conservatrice de l’UFAC, et Florence Müller, historienne de la mode et ex-directrice de l’UFAC, tandis que Sydney H. Aufrère, directeur de recherches au CNRS (université de Montpellier), René Davray-Piékolec, conservateur en chef du patrimoine (musée Carnavalet), Pascale Gorguet Ballesteros et Françoise Tétart-Vittu, respectivement conservateur et attachée de conservation au musée de la Mode et du Costume (ville de Paris) ont pris une part active à une troisième réédition.
« À travers près de dix millénaires d’histoire, nous enseigne le même ouvrage, les multiples créations du costume, dégagées de toutes combinaisons complémentaires, se réduisent à cinq archétypes : le "costume drapé", dit aussi flottant, obtenu par l’enroulement d’une peau ou d’une étoffe autour du corps, allant du shendjit égyptien et de l’himation grec au paréo tahitien ; le "costume enfilé", fait d’une pièce (peau ou lé de tissu), percé d’un trou pour le passage de la tête et reposant sur les épaules, auquel se rattachent la paenula romaine, la huque du Moyen Âge et le poncho d’Amérique ; le "costume cousu et fermé", composé de plusieurs lés d’étoffe légère, façonné autour du corps et à manches, dont dérivent le chiton grec, la tunique ionienne, la gandourah, la blouse et la chemise ; le "costume cousu et ouvert", fait de lés d’étoffe assemblés dans le sens de la longueur, superposé à d’autres vêtements et croisé par devant, que représentent le caftan asiatique, la touloupe russe et la redingote européenne ; enfin le "costume fourreau", ajusté au corps et à ses membres, surtout aux jambes, qui a donné le pantalon de cheval des nomades, le vêtement fourreau des Eskimos, mais qui a toujours été complémentaire du caftan. »

Les paradoxes des modes
Avec la Renaissance et les Temps modernes s’effectue insensiblement le passage de la notion de costume à celle de mode. « Par la rapidité et l’habileté de ses artisans, mais aussi par la maîtrise des circuits de diffusion, poupées de mode dès la Renaissance, figurines et presse de mode aux XVIIIe et XIXe siècles, le goût français s’impose dans toutes les capitales, en s’opposant à celui de ses deux grandes rivales de toujours, l’Angleterre et l’Italie, la première cultivant le côté pratique, la seconde rivalisant dans le raffinement, le goût et la parure. » (in « Le Costume français »).
Moralisation exacerbée ou misogynie traditionnelle de l’Église, il est symptomatique de constater que l’idée de mode continue de s’attacher exclusivement à la femme dans l’inconscient collectif. Il est tout aussi étonnant que « l’adoption au XIXe siècle de l’habit noir, triste uniforme du bourgeois triomphant qui renvoie couleurs et chamarrures aux militaires et aux femmes, ignore le dandysme ». « Le Costume français » s’interroge sur le paradoxe de l’uniformisation qui envahit le prêt à porter dans la deuxième moitié du XXe siècle aux termes d’une démocratisation sans précédent : « Après 1968, le jean, le tee-shirt, les cheveux longs portés indistinctement par tous les jeunes gens d’une même classe d’âge, traduisent l’émergence du courant unisexe qui se diffuse dans la société tout entière. » Mais en l’occurrence, les détournements de fonction des vêtements ne datent pas d’aujourd’hui : « À la fin du XVIIIe siècle, les garçons portent des costumes "à la matelote" copiés sur ceux des marins de la flotte royale, composés d’un pantalon à pont et non d’une culotte à la française. Les femmes empruntent aux hommes une grande partie de leur vestiaire, d’abord pour chasser ou voyager, ensuite pour la vie quotidienne : costume-tailleur, cravate, chapeau, pantalon… L’inverse est rarement vrai. »
Autre constatation des contributeurs du livre « Le Costume français », la haute couture ne joue plus le rôle de locomotive qu’on lui a reconnu pendant plus de cent cinquante ans. « Plutôt que de lancer les tendances, elle les suit pour les réinterpréter en version luxe. Quant au public, il considère de plus en plus la mode comme un événement de type expérimental, sans rapport avec la vie quotidienne. » L’observation se double d’un avertissement, un quart de siècle seulement après la crise économique et le marasme du textile à la fin du XXe siècle : la mode française et bien d’autres avec elle doivent s’interroger sur leurs pratiques industrielles dont elles ne parviennent pas à rester maîtresses (délocalisation des entreprises) et sur leurs relations commerciales si problématiques (la dévalorisation des soldes), et peut-être entamer une réflexion sur leur clientèle face à un marché tenté à la fois par le retour à la nature et le progrès technologique, par le sophistiqué et le naturel, par l’unisexe et la provocation érotique, par la haute couture artisanale et le prêt-à-porter industriel.

  • Histoire du costume en Occident des origines à nos jours, par François Boucher, éditions Flammarion, 480 pages, 2017 [1996, 2008] ;
  • Le Costume français, par Jacques Ruppert, Madeleine Delpierre, Renée Davray-Piékolek et Pascale Gorguet-Ballesteros, éd. Flammarion, 160 pages, 2015 ;
  • Revue de l’art, Costume de cour au XVIe siècle, éditions Ophrys/CNRS, n° 174/2011-4, 112 pages.



Varia : la chouette, un oiseau de mauvais augure ?

« Symbole de la sagesse pour les Grecs, la chouette était associée à la déesse Athéna et figurait à ce titre sur les monnaies frappées à Athènes. Mais, au cours des siècles, ses habitudes nocturnes l’ont déconsidérée. L’effroi qu’elle inspire transforme progressivement le nom d’orfraie ("qui brise les os") en effraie. L’oiseau de mauvais augure est désormais perçu comme l’allié du diable et des sorcières. Cela lui vaut d’être persécutée. Pour conjurer le mauvais sort, on n’hésite pas à la clouer sur la porte des granges, tandis que les écrivains et les artistes en font l’un des attributs du romantisme noir. Au cours du XXe siècle, la raréfaction de la chouette incite à la réhabiliter. Comptant désormais parmi les espèces protégées, elle endosse un nouvel habit de victime du développement urbain. »

Extrait de « Chouette ! », par Martin Jarrie, illustrateur français né en 1953, article issu de la revue « Billebaude », n° 11, éditions Glénat/Fondation François Sommer pour la chasse et la nature, automne 2017, 96 pages.



Carnet : le gâteau au moka
Au sortir d’une pâtisserie, je tente de me souvenir d’une lointaine sensation gustative : l’agrément subtil procuré par le gâteau au moka de ma mère. J’ai bien essayé de verbaliser cette sensation, en griffonnant à la hâte des mots, des termes de comparaison, avec les millésimes viniques entre autres, mais je suis mécontent du résultat. Ma prose reste un moule trop raide à contenir l’essence de cette moelleuse génoise à la crème de café. J’essaierai une autre fois.

La révélation de l’esquisse
L’esquisse est, chez Guy Toubon (Marseille, 1931), le contraire de l’à-peu-près. Je m’en rends compte à chaque fois qu’il feuillette à mon attention les derniers de ses carnets à dessin dans son atelier de Sausset-les-Pins. Tracées à la manière noire ou à l’encre de Chine ou bien rehaussées d’aquarelle, les ébauches des carnets  composent le terrain de l’invention même, le champ des métamorphoses et le défi des grands formats qui suivront. Les dessins préparatoires révèlent une intelligence de l’œuvre complètement différente de mes toutes premières analyses.
(Samedi 23 mai 2020)

Les masses et Lénine
Évoquant le révolutionnaire communiste et homme d’État russe Lénine (1870-1924), l’écrivain Maxime Gorki (1868-1936) rapportait : « La vie dans sa complexité est inconnue de Lénine, il ne connaît pas les masses mais il découvre dans les livres comment faire se dresser les masses sur leurs pattes arrière. ».

Mauvaise foi
Lorsque l’on accusa Henri Troyat (1911-2007) de contrefaçon au sujet de sa biographie de Juliette Drouet (1806-1883), actrice et compagne de Victor Hugo, j’avoue avoir hurlé avec les plaignants. Dans la mise en pièces de « Juliette Drouet : la prisonnière sur parole » (Flammarion, 1997), j’avais même exhaussé le caractère négatif de chacune de ses qualités, ce qui est la plus parfaite façon d’être injuste et déloyal envers l’accusé. En fait, je me blâmais moi-même d’avoir tant loué ses œuvres, « Tant que la terre durera », « Les Semailles et les moissons », « Les Eygletière », « La Lumière des justes ». Je me le reproche encore aujourd’hui.
(Dimanche 31 mai 2020)

La Vache qui rit
Au détour d’une gondole alimentaire, dans le supermarché, j’aperçois la boîte ronde marquée de la publicité dessinée par l’illustrateur vendéen Benjamin Rabier (1864-1939) pour la société de fabrication de fromage fondu (crème de gruyère) que Léon Bel (1878-1957) fonda dans le Jura (Lons-le-Saunier) en 1921. À l’origine, la vache hilare décorait les véhicules de l’unité de ravitaillement où avaient été mobilisés Bel et Rabier pendant la Première Guerre mondiale. En fait, le dessin originel fut surnommé la « Wachkyrie », allusion aux Valkyries, rendues célèbres par le compositeur Richard Wagner et emblèmes des transports de troupes allemandes.
(Lundi 1er juin 2020)

Le gendarme des paroles
Sans doute par la peur de n’être jamais crus, les créoles de Guyane ont appelé le magnétophone « le gendarme des paroles », outil de mémoire et instrument de sa quête, autrement dit boîte à histoires véridiques.

Prédateurs des luthiers !
« L’âme des contrebasses est en épicéa, nous enseigne l’écrivain et critique littéraire Francis Marmande. Les grands prédateurs des luthiers, ce sont les fabricants de boîtes de camembert, en épicéa itou. »

Dé-confinement
La ville de Martigues reste soumise au dé-confinement. La ville est étrangement calme comme un malade qui fait durer le temps de la convalescence.
(Mardi 2 juin 2020)



Billet d’humeur

Les secrets du vivant

La biologie moléculaire manifeste aujourd’hui son extrême importance au sein de la recherche médicale. La technologie de l’ADN (acide désoxyribonucléique) a révolutionné les techniques de diagnostic en laboratoire des anomalies génétiques et ouvert de nouvelles perspectives de détection des aberrations chromosomiques indécelables au microscope. Il n’est pas inutile de rappeler la découverte fondamentale, en 1953, de la structure de l’ADN par le biologiste britannique Sir Francis Crick (1916-2004) et le généticien américain James Watson (né en 1928). Les travaux des deux savants, communiqués le 25 avril 1953 dans la revue britannique Nature, avaient été récompensés en 1962 par un prix Nobel de physiologie ou médecine, distinction partagée avec le physicien britannique d’origine néo-zélandaise Maurice Wilkins (1916-2004). La description de la structure de cette étrange molécule en double hélice qu’est l’ADN, a révélé une clef d’accès à des secrets inconnus jusque-là. De l’homme au champignon en passant par les fleurs des prairies, la vie sur Terre n’existe que grâce à cet ADN qui permet de copier et de transmettre l’information génétique. Auparavant, depuis les expériences pionnières d’hybridation de petits pois par Johann Mendel (en religion Gregor), dès 1856 au terme desquelles le moine et botaniste autrichien détailla les mécanismes de l’hérédité, les chercheurs tentaient de faire le lien entre les règles de la génétique observées dans la nature, la transmission des caractères héréditaires - comme la forme et la couleur des petits pois - et les procédés moléculaires capables de transmettre l’information génétique au cœur de chaque cellule vivante. On ne connaît pas avec précision le nombre de gènes du corps humain, mais il doit être de l’ordre de 100 000 ; chaque cellule renferme deux exemplaires de chaque gène, l’un hérité du père et l’autre de la mère.



Lecture critique

Le 24 décembre 1942, Fernand Bonnier exécutait l’amiral Darlan

Les lacunes, les approximations, les ambiguïtés, les interrogations ne manquent pas lorsqu’on évoque les coulisses de l’exécution de l’amiral François Darlan à Alger le jeudi 24 décembre 1942 par Fernand Bonnier de la Chapelle. Spécialiste de la Seconde Guerre mondiale et biographe de Philippe Pétain, Bénédicte Vergez-Chaignon (née en 1965) éclaircit sensiblement la perspective historique dans son ouvrage « Une juvénile fureur - Bonnier de la Chapelle, l’assassin de l’amiral Darlan », un livre d’histoire né d’années de recherches entreprises aux sources les plus diverses.
 
Les Bonnier se sont inventé un nom à particule
Fernand Bonnier de la Chapelle est né à Alger le 1er novembre 1922. On parle italien à la maison, raconte Bénédicte Vergez-Chaignon, car la maman Gianna Scorcia qu’on appelle Jeanne est italienne et le papa, Eugène (1898-1950) est né à Rome. Également prénommé Eugène, le chef de la tribu (1819-1888) s’est faussement gratifié, une fois établi en Italie, d’un ornement patronymique : de La Chapelle. Les Bonnier se sont établis dans les années 1870 à Florence puis à Rome, après avoir quitté la Bretagne en 1840, vécu à La Réunion pendant vingt-cinq ans et être passés par l’île Maurice, avant de s’installer à Paris. Frère d’Eugène, Fernand Bonnier de la Chapelle (1891-1964) veillera sur son neveu en raison de la carence paternelle précoce de son frère. L’oncle a épousé Catherine Hetzel, la fille unique de Jules Hetzel, lui-même fils de Pierre-Jules Hetzel, l’éditeur de Jules Verne. Et Alexandra, la nièce de Catherine, est mariée à Pierre Drieu la Rochelle. Après des débuts à l’école des Roches, Fernand poursuit ses humanités à l’école dominicaine Lacordaire puis au collège Stanislas de Paris où il passe la première partie du baccalauréat en octobre 1938, avant même d’avoir 16 ans. La deuxième partie de son diplôme obtenu, il se fait incorporer aux Chantiers de la jeunesse mais la hiérarchie n’apprécie pas la mentalité et le comportement du chef d’atelier qu’il est devenu en 1942 en Haute Kabylie. La même année, le colonel Alphonse-Sylvestre van Hecke, commissaire des Chantiers pour l’Afrique, entérine la cassation de son contrat.

Avec les conjurés de la rue Lafayette
L’activité militante de Fernand Bonnier est intense à Alger où le jeune républicain qui rêve de devenir ambassadeur a gardé une chambre dans une pension de famille de la rue Michelet. Rue Lafayette où vit sa nouvelle petite amie, Monique Royer, fille d’un directeur de banque et descendante d’une famille de colons, il fait la connaissance de Henri d’Astier de La Vigerie (1897-1952) et de sa famille ainsi que de son factotum, l’abbé Pierre-Marie Cordier. Le capitaine Paul Homo (1892-1968), un as de l’aviation durant la guerre 1914-1918, les a présentés durant la première quinzaine de novembre. Les rencontres se succèdent où il est question de la situation politique si préoccupante de la France. Les conversations auxquelles prend part le comte de Paris, Henri d’Orléans (1933-2019) reviennent sur l’attitude de François Darlan à la tête des autorités civiles et militaires, alors que l’Empire africain reprend la guerre aux côtés des Alliés. Henri d’Astier lui confie le projet de deux jeunes militaires et résistants, Roger Rosfelder (1923-2016) et Mario Faivre (1922-2010), d’exécuter l’amiral pétainiste. Le 8 novembre 1942, lors de l’attaque anglo-saxonne, la présence fortuite à Alger de l’amiral Darlan, venu trois jours auparavant au chevet de son fils Alain, soigné pour une poliomyélite à l’hôpital militaire François Clément Maillot, conduit R. Rosfelder à imaginer l’exécution du dauphin désigné du maréchal Pétain. Vice-président du Conseil des ministres, François Darlan a choisi de coopérer avec l’Allemagne après avoir été reçu par Hitler à Berchtesgaden en mai 1941. Le projet Faivre-Rosfelder est approuvé et c’est Fernand Bonnier de La Chapelle qui sera l’exécuteur.

Réhabilitation avec médaille militaire
Le jeudi 24 décembre 1942, peu après 15 heures, Fernand Bonnier de la Chapelle abat l’amiral Darlan de deux balles tirées à bout portant au moyen d’un Ruby 1915-Eibar, pistolet automatique espagnol de calibre 7,65 mm. La victime mourra de ses blessures quasiment à son arrivée à l’hôpital Maillot. Maîtrisé par les marins de l’état-major, l’agresseur est arrêté et remis entre les mains de la police judiciaire. Jugé le lendemain par un tribunal militaire, il est condamné à mort. Il sera fusillé le 26 décembre vers 7 heures 30 au polygone d’Hussein Dey par un peloton de tirailleurs sénégalais sur l’ordre du général néo-vichyste Henri Giraud (1879-1949) qui cumule désormais les pouvoirs civil et militaire en Afrique (française). Résident général de la France au Maroc que les circonstances ont placé à la tête du conseil d’Empire, le général Charles Noguès (1876-1971) a refusé de le gracier en dépit de l’insistante pression de son père Eugène, de son oncle Fernand, de Henri d’Astier, du comte de Paris et de leurs amis.
L’instruction bâclée et le jugement hâtif peuvent expliquer le refus catégorique des chefs militaires et civils de subir un procès long et révélateur sur les complicités embarrassantes qu’il pouvait révéler, au moment où l’urgence imposait la mobilisation des troupes d’Afrique du Nord aux côtés des Alliés dans la rude campagne de Tunisie qui s’annonçait contre les forces de l’Axe Rome-Berlin (alliance formée le 23 octobre 1936 par l’Allemagne hitlérienne et l’Italie fasciste). Les obsèques de Fernand Bonnier de la Chapelle ont lieu le 28 décembre 1942 au cimetière de Saint-Eugène à Alger : il sera inhumé de nouveau au cimetière de Sèvres en juin 1950. Le 21 décembre 1945, la chambre de révision de la cour d’appel d’Alger annule la condamnation prononcée par la cour martiale le 25 décembre 1942, reconnaissant que « Darlan agissait contre les intérêts nationaux ». Par un décret du 19 août 1953, Fernand Bonnier de la Chapelle est décoré à titre posthume de la médaille militaire, de la croix de guerre avec palme et de la médaille de la Résistance.
Dans le deuxième tome des « Mémoires de guerre », le général de Gaulle qui a œuvré à la réhabilitation du condamné consacre une page à l’exécution de François Darlan et il brosse un portrait assez favorable de son meurtrier : « Ce tout jeune homme, cet enfant, bouleversé par le spectacle d’événements odieux, pensait que son acte serait un service rendu à la patrie déchirée, en débarrassant d’un obstacle, à ses yeux scandaleux, le chemin de la réconciliation française. […] Pourtant, comment méconnaître la nature des intentions qui soulevèrent cette juvénile fureur ? C’est pourquoi, la façon étrange et brutale dont l’enquête fut menée à Alger en quelques heures, le procès hâtif et tronqué devant un tribunal militaire réuni sur-le-champ et siégeant de nuit, à huis clos, l’exécution immédiate et secrète de Fernand Bonnier de la Chapelle, les ordres donnés au censeur pour qu’on ne sût même pas son nom, donnèrent à croire qu’on voulait à tout prix cacher l’origine de sa décision et furent une sorte de défi aux circonstances qui, sans justifier le drame, l’expliquaient et, dans une certaine mesure, l’excusaient. »

Bénédicte Vergez-Chaignon © Photo Bruno Klein, droits réservés

  • Une juvénile fureur - Bonnier de la Chapelle, l’assassin de l’amiral Darlan, par Bénédicte Vergez-Chaignon, éditions Perrin, 464 pages, 2019.


Portrait

La postérité littéraire des sœurs Brontë

Femme de lettres britannique, Elizabeth Gaskell née Cleghorn (1810-1865) a concouru à forger la légende des cinq filles d’un pasteur du Yorkshire, les sœurs Brontë, imposant en 1857 dans la première biographie de l’une d’elles l’image de trois écrivaines autant accablées par le destin que par la géographie et le climat lugubres d’une vallée industrielle de ce comté au nord-est de l’Angleterre. Leur mère, Maria Branwell (1783-1821) succombe à la tuberculose peu de temps après que son mari, le vicaire Patrick Brontë (1777-1861), ait obtenu la cure perpétuelle d’Haworth, à trois cent cinquante kilomètres de Londres. Si les deux filles aînées, Maria et Elizabeth, meurent à Cowan Bridge dans un pensionnat sordide d’obédience anglicane, Charlotte (1816-1857) et Emily (1818-1848) sont envoyées à Bruxelles pour apprendre le français ; Anne (1820-1849) et leur frère Branwell (1817-1848) restent épisodiquement au presbytère familial de Haworth sous la coupe de leur père, austère et froid. Fils de Hugh Brunty, conteur émérite, le pasteur Brontë dispose cependant de réelles aptitudes pour l’enseignement (il instruit lui-même ses enfants), la littérature (auteur d’essais et de poésies) et les œuvres sociales (édification d’une école du dimanche dans son village). Nul doute qu’il ait transmis à ses enfants le goût pour les légendes de la tradition celte, argumente l’écrivain et biographe Jean-Pierre Ohl (1959, Onesse-Laharie) dans la biographie qu’il publie à l’enseigne des éditions Gallimard, « Les Brontë ».

Les ateliers clandestins de l’adolescence
Filles et garçon, les enfants écrivent dès l’adolescence à la faveur d’ateliers communs et clandestins où ils inventent les royaumes d’Angria et de Gondal, sur la trame des récits inspirés de la Bible et des fables d’Ésope, des « Mille et Une Nuits » et des romans historiques de Walter Scott. Ils consignent ces histoires dans des cahiers de toute petite taille (de 10 cm sur 7) où ils imposent une police de caractère minuscule avec une narration sans paragraphes.
Au Noël de 1846, la découverte d’un recueil de poésies d’Emily incite Charlotte à persuader ses deux sœurs de publier leurs poèmes et proses sous des pseudonymes androgynes, Acton (Anne), Currer (Charlotte) et Ellis (Emily) Bell. « Le patronyme Bell a pu leur être inspiré, avance J.-P. Ohl, par celui du nouveau vicaire de leur père Patrick, l’Irlandais Arthur Bell Nicholls, qui a pris ses fonctions quelques mois plus tôt, ou peut-être même par l’arrivée de nouvelles cloches (bells) à l’église de Haworth. » Les éditeurs londoniens Aylott & Jones publieront le recueil des trois sœurs, à compte d’auteur…

Premiers romans
La même année (1846), les trois sœurs livrent leurs premiers romans : « Agnès Grey » d’Acton Bell (Anne) et « Les Hauts du Hurlevent » d’Ellis Bell (Emily) ; mais aucun éditeur ne veut de l’ouvrage de Currer Bell alias Charlotte, « Le Professeur ». Un mois et demi plus tard, celle-ci s’attèle à un nouveau roman, « Jane Eyre » qui sera publié en 1847 et qui connaît l’année suivante une troisième édition ! Nombre d’exégètes au nombre desquels l’écrivaine et sociologue féministe Harriet Lartineau mettent alors en évidence les gaucheries, les invraisemblances, les poncifs des trois ouvrages. Il n’importe : les trois livres rencontrent un succès durable qui ne se dément pas aujourd’hui. Branwell Brontë ne connaîtra pas la même réussite que ses sœurs : il sombre dans l’alcoolisme et la déchéance, finalement vaincu par la tuberculose, en dépit de réels talents de littérateur (romans et poésies) et de peintre (portraitiste).

Jean-Pierre Ohl © Photo X. droits réservés

  • Les Brontë, par Jean-Pierre Ohl, éditions Gallimard, Folio biographies n° 150, 320 pages, 2019 ;
  • Lettres choisies de la famille Brontë (1821-1855), préface de Laura El Makki, traduction et édition de Constance Lacroix, éd. Gallimard, Folio classique n° 6795, 704 pages, 2020.


Varia : Hêtre ou ne plus hêtre… au réchauffement résistera ?

« Des fûts lisses et musculeux, de larges voûtes vertes qui bruissent dans le vent, un sous-bois dégagé où il fait bon marcher sur un tapis de feuilles souples… La hêtraie est une cathédrale. Et chacun de ses vivants piliers dégage une prodigieuse vitalité. Pourtant, malgré les apparences, le foyard [désigne le hêtre en Suisse] est un grand sensible.
« Pour commencer, la plantule qui germe en avril est fragile, sensible aux gelées tardives comme aux printemps et aux étés secs. Exposée en plein soleil, à coup sûr elle mourra. Car, contrairement au chêne, au pin ou au mélèze, le jeune hêtre se plaît à l’ombre d’autres arbres. Son écorce fine craint les coups de soleil. Et puis, même adulte, c’est un éternel assoiffé. En une seule journée ensoleillée, un hectare de hêtraie consomme par évaporation 40 000 litres d’eau. C’est le double d’une chênaie ! Les tuyaux qui montent la sève brute le long de son tronc sont de faible épaisseur. Voilà pourquoi, en plus d’une eau abondante au niveau du sol et des racines, le hêtre a besoin d’air humide pour hydrater directement ses feuilles perchées à 20 ou 30 mètres de haut.
« Le fayard [désigne le hêtre dans le Massif central, le Lyonnais et la Savoie] craint le chaud comme le froid, la canicule tout comme l’hiver vigoureux. C’est l’arbre des justes milieux. […]
« Il y a des années avec et des années sans. Et dans la forêt, cela change tout ! Comme beaucoup d’autres arbres, le hêtre fructifie de manière irrégulière. Le rythme des faînées [de faîne, fruit du hêtre] varie selon les régions. Il serait influencé en partie en tout cas par les conditions climatiques. On sait par exemple qu’un hêtre stressé par un été chaud et sec produit beaucoup plus de fruits l’année suivante. Ou qu’après une forte faînée, un arbre fabrique moins de bois pendant deux ans, le temps de refaire ses réserves. […]
« Le hêtre [Fagus sylvatica Linné, 1753] revient de loin. Lors de la dernière glaciation, le froid et la sécheresse l’ont chassé d’une grande partie du continent à l’exception de quelques refuges méridionaux. Il n’a survécu qu’en Espagne, en Italie et surtout dans la péninsule balkanique, mais aussi en petits massifs isolés sur des versants humides et abrités de Slovénie et du sud des Alpes. Des études génétiques ont montré que c’est de ces reliques montagnardes que descendent la plupart de nos foyards [on appelle aussi le hêtre fayard dans le Massif central et en Savoie].
« Aujourd’hui, un nouveau bouleversement est annoncé avec en Europe centrale une sensible diminution des précipitations estivales. Or la quantité d’eau disponible en juin et en juillet est précisément le facteur clé qui limite l’expansion du hêtre. Pour cet arbre, c’est une véritable bombe à retardement, d’autant plus que le changement climatique évolue depuis quelques décennies à une vitesse dix fois plus rapide que tout ce que les archives de la Terre ont enregistré jusqu’ici.
« Comme le montrent des études de l’Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage, en montagne le hêtre pourrait théoriquement compenser en montant en altitude, mais que va-t-il se passer en plaine ? En France, les simulations de l’Office national des forêts sont très alarmantes. Elles prédisent une forte progression du chêne vert, du pin maritime ou du châtaignier… au détriment du hêtre qui disparaît en un siècle des trois quarts du pays. D’ailleurs, ce déclin sévère s’observerait déjà dans certains massifs méditerranéens.
« L’accroissement du CO2 atmosphérique dope la croissance des arbres, mais il provoque surtout malheureusement un bouleversement extrêmement rapide dont on peine à réaliser les conséquences… »
Extraits de « Cinq leçons de savoir hêtre », par Julien Perrot, dans un dossier de J. Perrot et Jacques Rime, « Hêtre mon arbre », des textes issus de la revue « Salamandre » n° 224, octobre 2014, 66 pages.

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