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Hélène ALDEGUER

Après le printemps

Une jeunesse tunisienne



En janvier 2013, Saif revient rendre visite à sa famille qui vit au Kef, une ville située au Nord-ouest de la Tunisie. Il va chercher son frère Walid, parti manifester au centre-ville. Deux ans après la révolution, le chômage est aussi élevé que la déception des gens est grande. Il réussit à ramener son frère à la maison, alors que la situation devient de plus en plus tendue et qu’on tire des gaz lacrymogènes sur la foule. La BD suit au plus près la chronologie des événements qui traversent la Tunisie, alors plongée dans une période d’incertitude, depuis que le parti islamiste Ennahdha est arrivé au pouvoir fin octobre 2011, quelques mois après la chute de Ben Ali.

De retour à Tunis, Saif retrouve Chayma à l’université, puis Aziz, qui vient de terminer sa première journée de travail dans un centre d’appels. Il a besoin de gagner l’argent qu’il lui faut pour que Meriem puisse le présenter à ses parents. Tout est vu à travers le prisme de jeunes qui avaient mis leurs espoirs dans ce qu’on a appelé le printemps arabe. Mais que l’on soit à la campagne, comme Walid et ses parents, ou dans la capitale, comme Saif, Aziz, Chayma et Meriem, le quotidien laisse un goût amer. Un climat d’insécurité s’installe avec l’assassinat de Chokri Belaïd en février 2013 et le rejet du parti Ennahdha est massif dans tout le pays. L’atmosphère est de plus en plus étouffante, avec les chaînes satellitaires wahabites qu’écoutent les partisans d’Ennahdha en mettant le volume au maximum, comme pour mieux répandre ce qu’ils considèrent la bonne parole. Tant pis pour les voisins qui ne partagent pas leurs idées...

Et est-ce le pire, lorsqu’on ne peut pas trouver de travail et assurer un minimum de revenus ? Restent les réseaux de trafiquants, comme celui où Bilal, le jeune frère de Saif s’est impliqué. D’autres cherchent à partir pour la Libye. Les jeunes sont de plus en plus nombreux à penser qu’il n’y a pas d’avenir pour eux dans leur pays. Fin juillet, c’est Mohamed Brahmi qui est assassiné. D’autres manifestations éclatent, suivies par le sit-in du Bardo. Une patrouille d’élite de l’armée tunisienne est assassinée par des jihadistes sur le Mont Chambi, ce qui porte la défiance envers le gouvernement Ennahdha à son comble. Les Tunisiens tiennent Ennahdha pour responsable de ce qui s’est passé, parce que ce gouvernement a fait preuve de laxisme envers les extrémistes. Il n’a pas la même indulgence pour les couples d’amoureux. La police arrête Aziz et Meriem qui s’embrassaient dans une voiture, menaçant de les poursuivre pour attentat à la pudeur.

La BD enchaîne les événements, de manière rythmée et intense, toujours à travers le regard de ces jeunes, auxquels on s’identifie sans difficulté. Les dialogues sont dépouillés et percutants. Chaque mot atteint sa cible. Les dessins sont aussi très puissants, qu’il s’agisse des visages ou de la représentation des éléments, comme les gaz lacrymogènes auxquels les manifestants tentent d’échapper, ou encore la mer où le corps d’un migrant vient d’être repêché. Hélène Aldeguer a saisi avec une grande justesse les inquiétudes de toute une partie de la population, autant que l’état de la société tunisienne pendant cette année qui commence dans la BD en janvier 2013. Un témoignage aussi fort qu’intéressant.

Cécile Oumhani 
(03/12/18)    



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Bandes dessinées















Futuropolis
(Août 2018)
144 pages - 21 €











Hélène Aldeguer


Visiter son blog :
helenealdeguer.com


La librairie Mollat
a réalisé
une vidéo
où Hélène Aldeguer
présente sa BD.