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et autres saloperies Lily, la narratrice de ce roman, pourrait être la sur de la Zazie de Queneau, celle qui voulait prendre le métro un jour de grève, ou même Zazie un peu plus grande, à treize ans, toujours aussi vive et impertinente, qui n'a pas sa langue dans sa poche et vit au milieu d'adultes à peine plus mûrs qu'elle. Ce roman est un coup de cur étonnant et magnifique. Au départ,
un livre parmi tant d'autres. Un de plus. Le nom de l'auteur n'est pas connu
(normal puisqu'il s'agit d'un premier roman) et la couverture ne donnait pas
dans la dentelle avec le mot "saloperies" en sous titre et cette phrase
en gros caractères : C'est un roman à l'envers, plein de ratages,
de fautes, de maladresses, de trucs qui se passent malgré nous. Avec
des kilos de brandade de morue. La morue écrite pue un peu moins que
la vraie. C'est l'avantage de la littérature sur la cuisine. Un extrait du prologue où elle évoque ces "nigauds de l'oubli" qui donnent leur titre au roman permet de comprendre la raison d'être du livre. Lily est assise dans l'autocar, elle quitte son village et elle cogite Une partie des gens qui habitent la Terre a pour tâche l'oubli. Ils
effacent efficacement, dégagent les souvenirs de notre galeuse humanité.
[
] Alors, faute d'être un oublieux professionnel ou un chat, Lily raconte
Son récit est découpé en vingt-quatre chapitres qui portent tous un titre commençant par "de" comme le faisaient parfois Rabelais (Du deuil que mena Gargantua de la mort de sa femme Badebec.) ou Voltaire (D'un souper que Candide et Martin firent avec six étrangers, et qui ils étaient.). Ici, cela donne "D'un déménagement qui fut pris pour un meurtre et de mes grands travaux pour devenir femme." ou "De mes fantaisies félines et du jour où Franz m'a dit qu'il avait rendez-vous avec son enterrement." Une mise en appétit que le contenu du chapitre ne déçoit jamais. Lily parle de son village, de son chat (le vieux Voltaire encore un clin d'oeil au conteur philosophe qui meurt dès le premier chapitre), du salon de coiffure de Ronnie, son père, (salon qui périclite et conduit la famille vers la ruine), de sa mère partie quand Lily était très jeune et remplacée maintenant par Jeanne Elle évoque son sentiment d'être trop grosse et les conseils que lui prodigue son amie Linda (Linda s'entraînait régulièrement, elle ondulait comme une péniche le long de la ligne blanche qui marquait les marges de la route. [ ] Quelle chance, d'avoir des fesses comme les siennes. Quelle chance d'avoir une ligne droite à suivre.) Elle raconte aussi ses communications téléphoniques avec Médina, une voyante patentée dont elle voudrait apprendre tout ce qui va lui arriver Et tant d'autres choses encore sur son quotidien dans son petit village La Toussaint, par exemple : Quatre heures de l'après-midi. Tout le monde se réveillait de la léthargie après-pitance et sortait. En bagnole, jeep, moto, mobylette, scooter, brouette. Ceux qui ne possédaient rien de tout ça prenaient le vélo, le tricycle, n'importe quoi, même une roue sous le bras, l'important était d'avoir un moyen de locomotion, pour ne pas être moins que les autres. Mais aussi, et surtout, elle parle de Franz, cet homme étrange que son
père a rencontré par hasard et ramené chez eux parce qu'il
se cache de la police. Franz qui l'écoute et la comprend. Franz qui bouleverse
sa vie et l'envahit
Un roman magnifique, plein d'humour et d'émotion, porté par l'écriture étonnante de cette jeune Italienne qui a choisi d'écrire en français, un français superbe dans sa syntaxe comme dans son vocabulaire. Une découverte surprenante, un grand bonheur de lecture ! Serge Cabrol (30/08/13) |
Sommaire Lectures Le Castor Astral (Mai 2013) 272 pages - 17 €
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