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Hannelore CAYRE

Les doigts coupés


Après plusieurs romans se déroulant de nos jours, Hannelore Cayre nous fait remonter le temps pour suivre les aventures d’une femme préhistorique, Oli, vivant il y a 35000 ans en Dordogne. Oli n’a pas sa langue dans sa poche et un caractère bien trempé qui l’amènent à affronter les diktats des hommes, à ses risques et périls. Pour rendre l’intrigue plus compréhensible, Oli s’exprime avec les mot d’aujourd’hui et le résultat est un roman féministe plein d’humour et d’émotion.

Dès les premières pages, nous assistons à la découverte par hasard, grâce à un chantier, d’une grotte encore inexplorée. Adrienne Célarié, universitaire et paléontologue, a réussi à être prévenue la première et c’est la chance de sa vie.

En alternance, nous suivons d’une part une conférence de la paléontologue présentant ses recherches et donnant une interprétation de ses découvertes, et d’autre part la vie d’Oli racontant elle-même son quotidien et ses aventures.

Oli vit dans un clan de deux familles au bord d’une rivière en Dordogne. Sa mère, ses sœurs et ses tantes, acceptent leur sort avec résignation mais Oli ne le supporte pas et se révolte contre le pouvoir des hommes qui se réservent les armes et la chasse pendant que les femme s’occupent des enfants et de la cuisine. Quant à la sexualité ce sont les hommes qui décident quand et avec qui tandis que les femmes enchaînent les grossesses sans comprendre comment et pourquoi des bébés poussent dans leur ventre presque chaque année.

Oli conteste cet ordre des choses, se refuse aux hommes et se cache pour fabriquer des armes très performantes et se lancer elle aussi à la chasse aux grands mammifères.
Cette remise en question des traditions lui vaut moult avertissements et menaces dont elle ne tient aucun compte. Mais un jour, la sentence finit par tomber quand elle revient à la grotte, toute fière, avec la cuisse d’un gros cervidé qu’elle a réussi à tuer seule tandis que les autres chasseurs sont rentrés bredouilles.
Le chef du clan, Oncle-aîné, est furieux.
« – En tuant cette bête, tu as déclenché un chaos abominable. Mais comme tu vas me montrer comment tu as fait... avec quelle magie tu y es arrivée toute seule... on pourra contrer ce mauvais sort qui nous frappe depuis que nous sommes partis chercher du gibier, et tout rentrera dans l'ordre. »
Elle refuse de livrer le secret de l’arme qu’elle a fabriquée.
« – Je l'ai tué normalement. Avec ma lance. Il était vieux. Il n'a pas bronché. »
Oncle-aîné « se saisit de sa main droite et d'un coup sec, dans un rugissement de rage, il lui trancha le pouce avec son couteau.
– Ce qui est vu une fois, l'est à jamais ! vociféra-t-il à l'adresse de toutes les femmes de la tribu. Finie la chasse ! J'aurais dû faire ça il y a longtemps... Et je ne veux plus en voir une tailler la moindre pointe ! »

La sanction est cruelle mais pas suffisamment dissuasive pour Oli dont la révolte au contraire est décuplée. Elle va dans une grotte sacrée où des femmes mutilées ont déjà, au fil des saisons, réalisé sur les parois des pochoirs de leurs mains aux doigt coupés. D’habitude, le pouce et l’index étaient épargnés pour leur permettre de continuer à travailler.
Oli exécuta « le pochoir de sa main droite sans pouce, la seule de toute la place. Elle le fit bien au centre et en noir pour qu’on ne voie que lui. »

Dans sa conférence, Adrienne Célarié, développe son interprétation de cette découverte (qui donne son titre au roman) et ses déductions sont très proches des intentions d’Oli.
La vengeance d’Oli sera terrible…

Ensuite, Oli quitte son clan pour découvrir le monde qui l’entoure et rencontrer d’autres clans, d’autres coutumes. Elle observe et analyse tout ce qu’elle voit et entend. Elle comprendra ainsi, au fil de ses échanges avec diverses tribus, le lien entre l’acte sexuel des hommes et la naissance des bébés.

En fin d’ouvrage, dans quelques pages de Notes, Hannelore Cayre précise son projet et rend hommage aux spécialistes et aux ouvrages qui l’ont aidée dans son travail.
Le roman est vraiment passionnant, la construction originale et le ton alterné d’Oli et Adrienne ajoute une dose d’humour bienvenue. Hannelore Cayre réussit encore une belle performance et continue à nous surprendre et nous fasciner. C’est une autrice qu’on a décidément beaucoup de plaisir à suivre de livre en livre.

Serge Cabrol 
(29/04/24)    



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Noir & polar






Hannelore CAYRE, Les doigts coupés
Métailié Noir

(Mars 2024)
192 pages - 18 €








Hannelore Cayre,
est avocate pénaliste.
Les doigts coupés
est son septième roman.









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