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Jalal TEHRANI


Les unicellulaires


La pièce se déroule sur trois espaces différents : la prison, un laboratoire de police et l’espace extérieur non défini de deux errants.
Le premier est habité par un duo de détenus (Larry et le Vieux)  qui pendant vingt ans planifient des cambriolages invariablement voués à l’échec qui les ramènent à leur cellule.
Le deuxième met en jeu deux agents de la police, "le Commandant", plus âgé, et "le Bienheureux", penchés pendant vingt-quatre heures sur leur microscope sur les traces laissées par un accusé, analysant, discourant,  en prenant leur temps, n’attendant de leur travail aucune reconnaissance autre que leur salaire.
Le troisième est habité par "le Guide" et "le Bien-portant", un philosophe et un sans-logis qui trouvent par hasard la besace d’un écrivain dans lequel se trouve une bombe programmée pour exploser dans quatre-vingt jours et une adresse. Ils se lancent alors à la recherche du propriétaire, devisant sur l’âne de Buridan, sur la nécessité de la "révision" qui n’est pas la "répétition", sur les déviations, la terre et le machinisme !
Au centre, une grande table symbolisant le laboratoire du Commandant et du Bienheureux mais occasionnellement utilisée par les deux autres tandems, une bombe pouvant se transformer à l’occasion en ballon ou en petit tabouret et au fil des scènes l’évocation de la vitesse, d’une chaussure, d’une cloison nasale, de l’enfer, d’une soucoupe, de la terre et de l’eau sortis comme par hasard de la besace d’un magicien.

S’il y a bien ici trois lieux, trois temporalités, trois espaces et trois duos, l’auteur ne nous propose pas ici trois saynètes indépendantes livrées successivement. Unicellulaires, Le tour du monde en quatre-vingts jours et La soupière amorcées respectivement dans les scènes 1, 2 et 3, se juxtaposent et se tissent ou se bousculent ensuite avec vivacité en de courtes scènes créant dans l’esprit du lecteur un ensemble hybride, énigmatique, burlesque, absurde et impressionniste.  Une seule des trente et une scènes, la treizième qui tient en trois lignes à peine, déroge à la règle du binôme avec la seule présence du "Vieux".

On devine ici derrière l’absurdité ambiante une dénonciation de l’état policier en Iran et l’auteur en jouant magistralement des non-dits, tout en positionnant le langage comme clé de la pensée, brouille à loisir les pistes avec autant de subtilité que d’audace. Les répliques fusent, chaque mot et chaque geste peuvent être un piège et entre divagation poétique et fable poétique on y perd parfois, non sans plaisir, son latin.

Ce texte beckettien décalé et énigmatique écrit pour semer des questions à la volée et non pour apporter des réponses mérite le détours. C’est une pièce rythmée, atypique et savoureuse dont la représentation devrait constituer un vrai challenge pour un metteur en scène et un moment rare pour les spectateurs. 

Dominique Baillon-Lalande 
(19/11/18)      



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Théâtre








L'Espace d'un instant

(Octobre 2018)
96 pages - 15 €


Traduit du persan par
Liliane Anjo








Jalal Tehrani,
né en 1968 à Téhéran, a étudié l'art dramatique à l'Université de Téhéran et fondé le centre culturel Maktab Tehran.