photo © Marc Enguerand

Les Etourdis

de Jérôme Deschamps
et Macha Makaïeff



Jérôme Deschamps et Macha Makeïeff n'ont pas oublié leur rendez-vous annuel au Théâtre National de Chaillot. Comme ils le firent en 2004, ils lâchent encore leurs Deschiens dans un de ces lieux sans âme où l'on ne fait que passer. Ce genre d'endroit est idéal pour l'écoute des plus modestes, des petits chefs qui vocifèrent et la contemplation des comportements primaires. C'est celui des Etourdis.

A l'intérieur de ce décor banalisé, neuf comédiens soigneusement rendus quelconques par leurs costumes vont jouer là des paumés ignorant pour quelle raison leur parcours quotidien demeure sans perspective, infiniment plus robot que cadre supérieur. Et, c'est bien cette geste à oeillères que leur public attend car ils ont une clientèle d'initiés. Ces spectateurs qui ne s'abonnent pas au théâtre de Chaillot pour voir du Claudel regardent donc évoluer les Deschiens avec bonheur car ces derniers se moquent de leur univers de merde et de leurs destins taquins.

En résumé, neuf Etourdis et Lubie, leur chien, s'agitent tous azimuts sur la scène Jean Vilar. Ils s'occupent de petits travaux dont ils ne connaissent visiblement pas les buts, vivent des erreurs d'aiguillage, provoquent des catastrophes qui leur sont coutumières et traversent des embrouillamini kafkaïens. De temps en temps, la technologie apparaît dans leur univers comme une promesse de libération mais elle ne remplace ni un Dieu, toujours absent, ni un chef paranoïaque qui téléphone à New York. Alors, les pauvres errent tristement entre leurs tâches répétitives et des échappées musicales qui sont autant de décompressions ou de nécessaires évasions. Et plus ils demeurent -masque grave et sérieux- dans une totale impuissance à maîtriser leur environnement quotidien plus ils nous provoquent les zygomatiques.

En fait l'humour propre à cette troupe s'additionne à un héritage prestigieux, celui des Branquignols associé à ceux de Jacques Tati, de Funès et Buster Keaton et on assiste pour cette raison à un déferlement de rires complices qui dépassent la vis comica pour accéder à une critique sévère de notre monde contemporain. On pense évidemment au Charlie Chaplin des Temps modernes.

En effet, nos technologies progressent sans cesse de manière spectaculaire et on attendait en contrepartie une progressive libération des hommes pour qu'ils puissent se consacrer à des tâches plus valorisantes or, de nos jours la perspective d'une partie des salariés se situe entre des jobs aux rites répétitifs et un chômage récurrent.

Certains passages des Etourdis auront peut être leur place dans une anthologie du gag tel celui où le désopilant Patrice Thibaud passe du maniement de sa machine à écrire à l'excitation d'un jockey sur un cheval au galop -tout ça sans quitter sa chaise- et celui où, à la façon d'une apparition céleste, la chanteuse Nicole Monestier apparaît dans un brouillard et provoque l'agenouillement.
Ainsi, derrière des visages restés volontairement imperturbables, ces pantins dérisoires s'agitent dans un spectacle qui se veut "non sens" par modestie. Comme les neuf et Lubie méritent l'ovation, nous jubilons avec eux.

Claude Chanaud 



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Montreurs d'ours






au Théâtre National
de Chaillot


1, place du Trocadéro
75016 Paris

Location :
01 53 65 30 00


Jusqu'au 31 décembre



photo © Marc Enguerand


Vous pouvez aussi visiter
le site du théâtre :

www.theatre-chaillot.fr



photo © Marc Enguerand