Dans le théâtre des années 2000, on revisite VOLTAIRE comme on retourne aux sources de l'esprit critique et à l'élaboration des Droits de l'Homme. L'incessante mise en examen de nos certitudes éphémères, des dogmes périmés, des politiques en carton-pâte et des récurrentes prétentions religieuses confirme son autorité en ces matières. Donc sa modernité. Y compris si, pour être joués sur les scènes contemporaines, certains de ses textes ont eu besoin d'une adaptation.

L'INGENU, pièce datant de septembre 1767, a été très heureusement adaptée par Jean Cosmos. Il a su garder le sel de cette aventure qu'accompagne la lucidité de son auteur. Et la mise en scène d’Arnaud Denis sert ce texte avec une louable légèreté.

Dans ce dernier, un jeune Huron découvre le monde français du XVIIIème siècle en passant par une Bretagne très convenue, laquelle était résolument attachée à ses curés et à leurs palabres ainsi qu'à l'autorité du Roi. Juste pour faciliter un travail de mémoire, je vous rappelle que cet Ingénu – sans blocage ni perversité – va se heurter aux deux pouvoirs du moment : le Politique et le Religieux. Et que sa belle histoire d'amour provoquant les deux va tomber inéluctablement dans les rets de ces très anciens complices.

L'édifice cruel monté par ces cyniques apparaît progressivement à nos yeux et provoque souvent le rire car la coopération des deux hypocrisies se révèle et s'étale sous le couvert des bons usages et des bons principes. Ainsi, les spectateurs identifient les méchants et se moquent de leurs vilaines manœuvres.

Mais notre cœur participe également devant un malheur annoncé. Et faute de savoir dire à ce gentil Huron : ATTENTION… DANGER ! comme les enfants le font à Guignol, notre compassion va tout simplement accompagner cet Ingénu dans son aventure. Jusqu'au moment où la comédie devient une tragi-comédie..

Dans un décor volontairement léger et simple d'utilisation, une équipe de comédiens enjoués anime cette pièce de manière tout à fait crédible et très enlevée. A noter la prestation nuancée de Jacques Ciron dans le rôle de l'opportuniste Révérend KERKABON et celle – très enthousiaste dans l'ingénuité – d'Arnaud Denis

Précision pour les budgets à la limite du déséquilibre : Le Vingtième THEÂTRE pratique des prix raisonnables. De plus, il fait un sympathique effort à l'égard des seniors, des étudiants et des groupes à partit de dix personnes.

Claude Chanaud 
(14/01/08)