Le diable
au corps

Dialogues libertins


d'après
Andréa de Nerciat


L'érotisme gai

La morale étroite qui s'est imposée au XIXème siècle a voulu canaliser et maîtriser la sexualité par la convergence d'une pudeur féminine très contrôlée, de la retenue dans le vocabulaire et de la fidélité dans le mariage. Convergence issue de la volonté des Eglises, des Etats et d'un ordre bourgeois naissant, cette manière castratrice de vivre les tentations amoureuses a tenté de nous faire oublier qu'avant sa prétention à tout régenter sous la couette, notre Occident en avait vu d'autres.

Il avait notamment vécu un moyen âge dénué d'hypocrisie concernant les approches charnelles. Et surtout un dix-huitième siècle ayant hissé le libertinage et le plaisir au niveau d'un des beaux-arts. Dans les théâtres parisiens du moment, on jouait Beaumarchais et Voltaire alors que quelques écrivains libérés découvraient avec bonheur l'érotisme gai d'Andréa de Nerciat.

Grâce à cette plume nouvelle et gaillarde, ils faisaient connaissance de la comtesse de Motte-en-feu, une rousse audacieuse dans les rapports intimes, du marquis de Fessange, un bel éphèbe, du polisson Bricon au priapisme conquérant, de l'inévitable Prélat que le péché émoustille et de madame Durut, la maîtresse femme d'une accueillante et confortable maison. Séduits, ces gens de plume s'intéressèrent à leur auteur puis ils favorisèrent sa notoriété laquelle fut néanmoins tardive.

Aujourd'hui, les savoureuses scènes de Nerciat et leurs personnages amusent sans choquer et, mis en forme pour la scène, ils enchantent les spectateur actuels. Bien sûr, ils n'ont pas prétention à être joués dans les patronages ni à la distribution des prix d'établissements dits "bien pensants" mais ils n'ont pas –non plus- vocation à être cachés dans un quelconque Enfer littéraire ou théâtral. Bien au contraire.

Le Théâtre ESSAÏON a tout à fait raison de nous rappeler ces textes et de monter ces "Dialogues Libertins" que Baudelaire, Charles Monselet, Apollinaire et d'autres ont aidés de leur parrainage. Et de les promouvoir de manière efficace pour une jubilation partagée.

La mise en scène astucieuse de Jean-Louis Thamin fait que les comédiens distillent fort bien ces dialogues légers et miment en plaisantant des phantasmes sexuels que, sans aucun doute, "Tartuffe ne saurait voir". Sur la scène, un fauteuil opportun et complice permet d'éviter un dérapage en pornographie, risque toujours possible quand on présente le choc des corps à la façon simplette d'un moteur à deux temps. Compliments donc au décorateur Steen Halbro.

Egalement à Samuel Bonnafil, Liliane Nataf, Cécile Sanz de Alba et Antoine Segard qui expriment les plaisirs d'amour devant les spectateurs de l'Essaïon avec un bonheur d'expression dénué de vulgarité. Avec eux la recherche du plaisir n'est point "péché" mais, de plus, elle pousse au rire libérateur. Qu'elle soit donc bénie "ad gloriam majorem Dei" pourrait ajouter l'homme d'église participant de l'hospitalité de madame Durut ! Et qu'elle vous procure une réjouissante soirée, conclut le signataire des Montreurs d'Ours.

Claude Chanaud 
(16/10/07)    



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Montreurs d'ours






Théâtre Essaïon

6, rue Pierre au Lard
75004 Paris

Location :
01 42 78 46 42

www.essaion-theatre.com



Mise en scène :
Jean-Louis Thamin


Avec :
Samuel Bonnafil
Liliane Nataf
Cécile Sanz de Alba
Antoine Segard







Editions 10/18
590 pages - 9,30 €