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Golgota picnic

de
Rodrigo Garcia




Il y a belle lurette qu'en France on accepte la contradiction et l'opposition dans les discours. Notamment en politique. C'est même devenu une sorte de sport national. Mais parallèlement la violence induite par un texte nous apparaît comme une résurgence de la barbarie. Les religieux, exacerbés systématiques ou irrités occasionnels, qui animent la polémique tout en menaçant et provoquent des conflits devant des théâtres libres devraient réfléchir sur ces faits devenus évidents pour les gens de bonne volonté. Et les Églises dont certaines créèrent ou accompagnèrent jadis les scènes jouées sur les parvis de leurs temples devraient évidemment juguler leurs extrémistes et laisser le théâtre contemporain à la disposition de tous.

Y compris pour ceux qui ne partagent pas leurs convictions religieuses !

Jean-Michel Ribes, qui provoqua opportunément et fort heureusement le passage à Paris du spectacle Golgota picnic de Rodrigo Garcia, a résumé l'essentiel de ce message en demandant aux croyants de toutes obédiences de ne pas nous empêcher de penser. D'autant que nous les athées… on ne les empêche pas de croire ! Y compris si certains d'entre eux peuvent se retrouver parfois proches des précédents en évoquant Camus lorsqu'il expliquait : J'ai le sens du sacré mais je ne crois pas en dieu.

En fait, Golgota picnic résume certains problèmes du moment qui vont de l'évidente différence existant entre "croire" et "savoir" que certains confondent jusqu'au besoin d'une autre vie où les amas de richesses au profit d'une minorité égoïste et peut-être immature apparaîtront un jour comme de véritables dérapages de notre modernité.

À ce constat qui se veut saine réaction aux dogmes de névrosés nombriliques ou de conservateurs attardés, Rodrigo Garcia oppose, avec une indéniable puissance et une grande efficacité, les mots de la réflexion et les situations les plus provocantes possibles. Ce faisant, il illustre la pensée de Jules Lequier qui annonçait déjà la couleur en précisant : "Lorsque l'on croit de la foi la plus ferme que l'on possède la vérité, on doit savoir qu'on le croit, non pas croire qu'on le sait."

Puis, faisant suite à des scènes volontairement "provoc, ad hoc" pour bien marquer leurs rejets des conformismes et notre réalité d'êtres humains à la fois talentueux et limités, le chef d'orchestre Marino Formenti, va apporter le contraste d'une transcendance. Aussi nu que les cinq autres comédiens, il nous interprète les accompagnements de Joseph Haydn au piano concernant les sept dernières paroles du Christ sur la croix. Grand moment où l'art est simplement celui d'hommes doués et heureusement inspirés.

Le signataire de cette rubrique n'a jamais écrit concernant un spectacle "courez-y". Mais pour la première fois depuis dix ans il vous le conseille sans aucune restriction. Et si vous ne pouvez pas le voir car, pour des raisons de programmation internationale sa présence au Théâtre du Rond-Point est irrémédiablement limitée au 17 décembre, achetez-en le texte car avant d'être un bonheur de scène c'est un projet suprêmement intelligent et humaniste méritant sa présence chez vous.

Quand je suis rentré dans la nuit, alors que la police avait abandonné les abords du Théâtre du Rond-Point, j'évoquais une pensée de Jacques Julliard écrivant jadis dans un article intitulé Allah est grand : "Quiconque parle au nom de dieu, du prolétariat ou de l'histoire est un despote en acte et un assassin en puissance". Puissent les extrémistes de toutes les croyances y réfléchir. Ad gloriam majorem homini.

Claude Chanaud 
(10/12/11)    



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Montreurs d'ours














Théâtre
du Rond-Point


2 bis, avenue
Franklin D. Roosevelt
75008 Paris

Location :
01 44 95 98 21


Texte, mise en scène
et scénographie
Rodrigo García

Piano
Marino Formenti

Musique de
Joseph Haydn

Avec
Gonzalo Cunill
Núria Lloansi
Juan Loriente
Juan Navarro
Jean-Benoît Ugeux

Traduction
Christilla Vasserot

Assistant
à la mise en scène
John Romão

Lumière
Carlos Marquerie

Son
Marc Romagosa

Vidéo
Ramón Diago

Bande-son des vidéos
Daniel Romero

Costumes
Belén Montoliú

Régie technique
Roberto Cafaggini