Mastication

de
Patrick Kermann




Claquebue-sur-Raguse

Un village qui pratique le "non-dit" depuis des générations… celui des familles rurales qui gardent jalousement leurs petits secrets… celui des voisins qui s'observent et, encore plus… celui des vilenies ou des relations extraconjugales, ce petit pays-là sait tout sur tout. Il en fait son miel ou ses rancœurs. Dans la vie de tous les jours, l'hypocrisie maintient ce "non-dit" au niveau d'un relationnel supportable. Mais, quand on est mort, on peut se libérer sans arrière-pensée ni prudence.

Partant de ce constat, le regretté dramaturge Patrick Kermann a imaginé des gens commentant leur vie passée en utilisant le regard distancié des morts. La scène est évidemment le cimetière du village où, sous le prétexte d'accueillir un nouvel arrivant, ses occupants parlent sans crainte. Savoureuse idée. Cela provoque un lavage de linge sale en famille. Si j'ose dire. Le procédé est réjouissant. La pièce est tonique. Et le dérisoire des prétentions humaines apparaît en filigrane des révélations nécessaires, des étonnements successifs et des rires libérateurs.

J'ai trouvé tout à fait cocasse - et de circonstance - que pour mettre en relief les humaines faiblesses de ces gens du village, cette pièce à l'humour décapant soit jouée au Ciné 13 Théâtre, c'est-à-dire en haut de l'avenue Junot, face à la statue de Marcel Aymé qui, à la manière du Passe Muraille, sort du mur d'en face.

Ce dernier n'aurait sans doute pas désavoué le procédé permettant une peinture des réalités par un œil dégagé des contraintes humaines. Rappelez-vous qu'il l'utilisa avec bonheur quand la Jument Verte racontait la vie de Claquebue, village aussi haut en couleur que celui de Moret-sur-Raguse où Kermann a situé MASTICATION.

Je souhaite que cet illustre parrainage accompagne l'équipe de la compagnie MEME LE DIMANCHE vers le succès. Karine Mauran, Elodie Monsenert, Cyril Aubin, Bertrand Liebert, Arnaud Dautzenberg, Philippe Moutte et Pierre-Marie Carlier méritent effectivement et sans contestation d'aller vers la centième et au-delà. En effet, ils incarnent avec brio quelques dizaines de personnages, jonglant efficacement avec des révélations aussi risibles que sordides sur notre bas monde et des hypothèses sur l'autre qui titillent l'homme dit "sapiens" depuis des temps immémoriaux.

Devant des cierges de circonstance et dans un étonnant jeu de lumière de Christophe Botiaux qui pourrait être celle de la fin d'un monde ou du début d'un autre, vous tirerez vos propres conclusions dans un domaine qui relève évidemment du privé. Mais, de plus, vous aurez passé une excellente soirée. Jubilatoire.

Claude Chanaud 



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Montreurs d'ours






CINE 13 THEATRE

1, avenue Junot
75018 PARIS
(Métro Abbesses
ou Lamarck Caulaincourt)

Location :
01 42 54 15 12



Mise en scène
Pierre-Marie Carlier


avec
Karine Mauran
Elodie Monsenert
Cyril Aubin
Bertrand Liebert
Arnaud Dautzenberg
Philippe Moutte
Pierre-Marie Carlier





Patrick Kermann
(1959-2000)

est l'auteur d'une dizaine de pièces et de deux livrets d'opéra. Ses textes, dont la plupart ont été mis en scène, sont publiés aux éditions Phénix, Lansman et L'Inventaire.