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Audition

de
Jean-Claude Carrière




Au carrefour improbable de nos spontanéités restées adolescentes, de nos traits de caractères affirmés et de nos vulnérables ego, il se crée des cheminements mystérieux qui mènent certains d’entre nous à faire carrière au Gaz de France, à entrer dans les douanes ou à se consacrer à la recherche fondamentale tandis que d’autres ne rêvent que de se retrouver sur les planches d’un théâtre. Ce haut lieu d’expression maintient sans aucun doute les candidats entre le rêve et la réalité.

L’arbitrage entre les deux tendances coexiste effectivement en chacun de nous, cependant il prend une dimension très particulière chez des gens qui doivent assumer par-dessus le marché les diverses personnalités de leurs emplois sur la scène. Et l’addition de ces multiples sensibilités provoque des questionnements et des comportements méritant une analyse spécifique et un éclairage bien particulier.

Jean-Claude Carrière, qui connaît fort bien le monde d’Arlequin, a écrit sur le sujet une pièce appelée Audition. En résulte un spectacle pas comme les autres où des comédiens en recherche d’un emploi participent d’un de ces examens de passage nécessaires afin d’accéder peut-être à un rôle, pour ensuite avoir leur nom sur l’affiche et recueillir en finale une part des applaudissements.

Avant de rejoindre l’universel des destinées humaines, le problème y est analysé avec malice lors d’une lecture dans les coulisses d’un théâtre où les protagonistes vont très vite se heurter à leurs limites, étrange dualité entre les grands rôles et celui (ou celle) qui les incarne un moment : « Il a habité des textes extraordinaires mais il parle comme un plouc. »

De là à broder sur des perspectives où le rêve multiplie ses prestations tandis que les inquiétudes renforcent les doutes, il n’y a qu’un pas à franchir pour aborder les incohérences et les difficultés de leur parcours. « Je suis comme de la viande hachée » dit le plus vieux des comédiens participant à cette lecture. Et chacun de vibrer crescendo dans la partition commune des appréhensions récurrentes, des espérances fragiles et de l’inévitable trac accompagnateur.

Jean-Pierre Marielle, émouvant vieux cabot cachant ses fêlures avec panache, traverse magistralement cet univers taillé à ses mesures mais, dans le même temps, il laisse à ses plus jeunes et très talentueux partenaires tout leur espace d’expression. Son malicieux compère, Roger Dumas, paradoxalement bon diable et deus ex machina, partage cette approche qui est élégante tout en sachant rester modeste ; c’est celle des grands.

Audition est un bonheur de scène original et tendre.

Claude Chanaud 
(12/03/10)    



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Montreurs d'ours







Théâtre Edouard VII

10 place Edouard VII
75009 Paris

Réservation :
01 47 42 59 92


Mise en scène :
Bernard Murat


Avec :
Jean-Pierre Marielle
Audrey Dana
Manu Payet
Roger Dumas
Hubert Saint Macary
et
Kym Thiriot





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