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Les interrompus
Vincent Ecrepont a recueilli les paroles de parents qui ont vécu la mort
d'un de leurs enfants pour les transposer avec une délicate distance artistique
au théâtre. Les personnages sont au nombre de cinq ; des enfants disparus entre l'âge
d'un jour et de 17 ans, nommés ici de façon imagée : Grand-Ouvert,
Peut-Être, À-Peine, Petit-Tout et Tout-Autant. Bébé
mort-né, nourrisson fauché par la mort subite, adolescente suicidée,
enfants victimes d'accidents domestiques ou de circulation, tous font le chemin
de leur courte vie à l'envers, "s'amusent à rêver
la vie qu'ils auraient pu avoir", racontent leur mort et commentent
la douleur des leurs. Des paroles libératrices prononcées par
ces êtres interrompus dans leur avenir, si présents dans l'esprit
et le corps de leurs proches, pour la famille qui leur a survécu. Ceux
qui ont "tous comme destinée partagée le fait d'avoir,
ipso facto, été soustraits à cette réalité
qu'est la vie" pensent à haute voix, tentent de s'exprimer "comme
des grands" pour échanger entre eux leurs courtes expériences
ou leurs réflexions dans des dialogues débridés, des monologues
chargés d'émotions ou des conversations contradictoires. Mais,
c'est aux vivants, aux leurs, à nous qu'ils s'adressent le plus souvent,
avec des propos quelquefois empreints de candeur (À-Peine : "On
peut faire tout ce qu'on veut avec les rêves, même ce qu'on croit
impossible."), de maladresse (Peut-Être : "Suis morte,
voilà, c'est bon. On passe à autre chose, on ne va pas y passer
la nuit !"), de tendresse (Grand-Ouvert : "Si tu ne vis qu'à
moitié, je ne mourrai qu'à moitié. Compris, papa ? Alors
arrête les prolongations et laisse-moi mourir tranquille. Temps mort,
s'il te plait." L'humour et l'insolence y trouvent aussi leur place
: " Ici repose un ange Toujours se reposer, moi j'aime
pas la sieste ; Trop tristes ces cochonneries en plastique qui planent au-dessus
de votre tête et qui vous donnent plus envie de vomir que de vous endormir"
(Petit-Tout), "Mon tout garde encore le goût des cinq cent quatre-vingt
centimètres cubes de bien-être car, est-il besoin de le rappeler,
le bien-être n'a jamais été la prérogative des bien-nés
!" (Tout-Autant). Si l'ensemble est extrêmement sensible et nourri d'un matériau
humain riche et en forte correspondance avec la société contemporaine,
le rythme enlevé et le travail d'écriture instaurent une distance
permanente avec le réel et le reportage, avec l'intime et la souffrance,
pour opérer un glissement progressif du récit de la mort à
la vie, de la gravité à la légèreté, du singulier
à l'universel, du repli vers le passé à un avenir possible
au-delà des cicatrices aussi douloureuses soient-elles. Dominique Baillon-Lalande |
Accueil Théâtre L'Harmattan Collection Théâtres 62 pages - 10 €
La pièce, avec mise en scène de l'auteur, a été créée par la compagnie théâtrale À vrai dire en février 2011 et se trouve actuellement présentée dans le programme Off du Festival d'Avignon. |
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