Martine DRAI
Le cœur n’est pas moderne
(comédie-tango)



Et si le tango changeait notre vie ? Et si danser changeait notre vie ? Et si lire changeait notre vie ? Les phrases de Martine Drai nous font danser au rythme du tango. Voici un texte très original, onirique et déjanté comme peuvent l’être les écrits sud-américains. Trente-huit dialogues à mettre en scène. Ce texte dégage déjà sa force à la lecture, le voir jouer doit être un plaisir supplémentaire. Il raconte ce que pensent des hommes et des femmes qui ont rencontré le tango. Chacun évoque comment cela a commencé, comme dans une rencontre amoureuse, et comment le tango intervient dans leur parcours ou a changé le cours de leur vie car le tango a un langage propre, une Charte, des règles qui peuvent nous guider bien au-delà de la piste de danse : « La Charte des principes pour bien se conduire sur une piste de tango… vous nous avez bousculés tout à l’heure, quatre fois sur le temps d’une seule danse. Sans même un mot d’excuse… Les types comme vous, en langage de tangueros, on les appelle les ventilateurs… […] Je veux que vous preniez conscience qu’une piste de tango c’est pas un terrain de foot. »

« Pierrot - Il aurait dû s'intéresser à l'existence de la Charte... Les limites, tout est là, il faut intégrer l'idée de ça... Vous dansez le tango depuis combien de temps, Mademoiselle ?

La jeune fille - Six mois. je ne danse vraiment pas bien, ne m'invitez pas s'il vous plait je suis fatiguée de faire des efforts aujourd'hui...

Pierrot - C'est bien, c'est très bien, ça prouve que vous avez naturellement conscience de vos limites... Figurez-vous que moi, c'est le tango qui m'a permis d'en prendre conscience... Avant le tango, moi, je ne savais rien de moi... J'allais dans tous les sens, où le vent me poussait... Mon métier me le permettait, je dois dire... Cuisinier français, avec ça on voyage dans le monde entier, si on veut... J'ai pas fait le monde entier mais j'en ai vu de beaux morceaux... Je suis allé comme ça jusqu'à l'âge de quarante-deux ans, et là j'ai commencé à fatiguer... Je me suis posé à Paris – c'était ma ville, j'y suis revenu – j'ai trouvé une bonne place, un restaurant haut de gamme non loin du Sacré-Cœur, et c'est à cause d'une cliente qui en parlait que je suis venu au tango... Et c'est avec cet apprentissage que je me suis structuré, Mademoiselle, j'ai compris mes limites, j'ai commencé à mieux savoir où j'étais dans le monde... Parce qu'au tango, voyez-vous, il y a des codes, il y a des lois, c'est clair... Vous me direz ailleurs aussi il y a des codes il y a des lois – là je vous dis d'accord. D'accord. Mais chacun son fonctionnement intime, moi je dis, et pour l'un ce qui lui donnera le sens de ses limites ce sera le jeu d'échecs, pour un autre ce sera le trecking dans le désert... ou encore la pêche à la ligne... D'accord. Mais pour moi ç'a été le tango. Et ce qu'il y a eu de formidable, c'est que la conscience de mes limites m'a permis de changer de vie, de prendre des responsabilités, bref de grandir... Un an après mes débuts dans le tango j'ai commencé à réfléchir... Deux ans après j'ai monté mon affaire... 
»

Le tango, c’est un monde qui s’ouvre et engage les personnages dans leurs réflexions sur leur vie, leur comportement, leurs sentiments…
Un moment d’évasion, un tour de piste plaisant, profond et riche.

Brigitte Aubonnet 
(04/05/06)      



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Théâtre







Le Bruit des Autres, 2006
96 pages, 10 €





Après des études au Conservatoire National de Paris, Martine Drai travaille comme comédienne avec Antoine Vitez et beaucoup d'autres.
Parallèlement, elle réalise plusieurs mises en scène, dirige des ateliers d’écriture et de théâtre et participe au comité de lecture du Théâtre National de Chaillot de 1984 à 1988.
Depuis un premier roman paru au Seuil en 1979, elle n'a cessé d'écrire. Six de ses livres ont paru au
Bruit des autres.

Martine Drai est décédée le 5 mai 2010



Pour consulter
le site de l'éditeur :

www.lebruit
desautres.com