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Photo © Christophe Raynaud de Lage




L'anniversaire


de
Harold PINTER





À l'affiche du Théâtre du Vieux-Colombier, L'anniversaire, de Harold Pinter offre aux spectateurs une partition scénique qui est loin d'être ordinaire.
La pension de famille de Meg et Peter sur deux niveaux semble paisible. Au rez-de-chaussée, Peter (interprété par Nicolas Lormeau) lit tranquillement son journal, tout en mangeant les corn-flakes que sa femme Meg (interprétée par Cécile Brune), lui a préparés. Meg, un peu craintive, s'informe sur les nouvelles : N'y aurait-il pas par hasard "de jolis passages ?"
En simultané, à l'étage, on aperçoit Stanley (interprété par Jérémy Lopez), le pensionnaire énigmatique avec lequel Meg noue une étrange relation.
Et puis voilà Lulu (interprétée par Marion Malenfant), une jeune voisine sexy.
En apparence, le calme règne ; humble, banal.

Peter confie à Meg "Deux hommes sont venus me voir sur la plage, hier soir." Loueur de chaises, il a rencontré McCann (interprété par Nâzim Boudjenah) et Golberg (interprété par Eric Génovèse) à la recherche d'une chambre. Il ajoute "ils veulent savoir si on peut les loger ici, deux ou trois nuits."
Qui sont-ils ? D'où viennent-ils ? Que veulent-ils ? Peter n'en sait rien. Il semblerait qu'ils connaissent – ou qu'ils aient connu – Stanley.

Une fois dans la pension, ils organisent l'anniversaire de celui-ci en compagnie de Meg. Meg qui, à cette occasion, offre à son pensionnaire un absurde tambour d'enfant sensé compenser la perte de son piano.
Mais Stanley ne veut pas qu'on lui souhaite son anniversaire. Et puis, il n'est pas du tout certain de la date.

Il n'empêche ! McCann apporte des bouteilles de scotch ; la fièvre monte. Et, point d'orgue de l'évènement les six jouent à colin-maillard. Un colin-maillard déjanté où l'on boit le scotch au goulot jusqu'à ce que l'électricité de la pension de famille disjoncte… dès lors, la comédie de Harold Pinter prend l'allure d'une farce terrifiante.

En s'entourant de comédiens qui, chacun dans sa partie, endossent magnifiquement les rôles qui leur sont dévolus, Claude Mouriéras signe l'orchestration d'un spectacle parfaitement maîtrisé. Les dialogues des personnages sont souvent délirants. A une question posée, l'interpellé reste silencieux. Ou sa réponse fuse et tombe à plat. Les dérapages langagiers abondent. Les sourires paraissent des menaces. A mesure que se déroule la pièce, s'immisce un univers à la fois comique et effrayant. Et l'on manque d'indices pour donner un sens à des personnages qui semblent délirer. Golberg ne s'exprime qu'en hurlant. Les mots deviennent des armes.

Comme le disait si bien Harold Pinter, "il n'y a jamais en art dramatique, une et une seule vérité à découvrir. Il y en a beaucoup. Ces vérités se défient l'une à l'autre, se reflètent, s'ignorent, se narguent, sont aveugles l'une de l'autre." Et si l'on suit sa pensée. C'est le triomphe de "l'inexpliqué et de l'inexplicable", thème récurent de la pièce.

L'anniversaire est une comédie proche de l'absurde. Mais l'absurde paraît presque rassurant parce que l'on en connaît les filières. Là, non, à travers des dialogues banals, on ne débouche que sur d'impitoyables affrontements. On ne sait d'où ils viennent. Ni pourquoi.

Alors, il faut aller à la rencontre du grand dramaturge anglais. Jouée depuis plus de 50 ans dans le monde entier, et pour la première fois à la Comédie Française, sa pièce est tout à fait dans l'esprit de Jacques Copeau fondateur du Théâtre du Vieux-Colombier.
Et si d'aucuns la qualifient comme la "Comédie de la menace", elle est l'une des pièces actuelles les plus réflexives sur le plan de l'humain. Elle propose à notre intelligence le challenge d'une belle réflexion.
Alors, osez le pas !

Patrick Ottaviani 
(27/09/13)    



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Une loge
pour le strapontin















Théâtre du
Vieux-Colombier


21, rue du Vieux-Colombier
75006 Paris


Traduction
Éric Kahane

Mise en scène
Claude Mouriéras

avec
Cécile Brune
Éric Génovèse
Nicolas Lormeau
Nâzim Boudjenah
Jérémy Lopez
Marion Malenfant

Scénographie
et lumières
Yves Bernard

Costumes
Coralie Sanvoisin

Son
Roman Dymny