Ah, Ninon de Lenclos, surnommée "Notre Dame des Amours !"
Au moment où le rideau se lève, tintinnabulent des airs de clavecin
sur la petite scène du Théâtre des Mathurins agrémentée
en boudoir XVIIème siècle. Le décor est minimaliste: un mur-bibliothèque
en fond de scène, des paravents masquant l'entrée d'une alcôve,
quelques chandeliers.
Encapuchonnée de dentelles, Ninon est allongée sur un fauteuil de
repos. A son chevet, l'abbé Gédouin (interprété par
Sacha Petronijevic) à qui elle confesse sa longue existence.
Comme elle est loin déjà l'époque où Françoise
d'Aubigné et elle, grandes amies, se disputaient bec et ongles le
fougueux et craquant Louis de Villarceaux, interprété par Sylvain
Clama. Si leur éphémère rivalité réduisit
en miettes leur amitié, elle n'en fut que davantage formatrice quant
à l'approche des hommes.
Cyrielle Clair, irradiante de sensualité, se métabolise en Ninon
de Lenclos et nous conte l'art avec lequel, "Notre dame des Amours"
conviait les hommes jusqu'à son alcôve. L'art avec lequel elle
savait les faire languir ou les repousser d'une pichenette sobre et élégante.
Quelle connaissance du désir masculin !
Avant tout femme de plaisir, Ninon de Lenclos, assurera ses ambitions en laissant
libres les élans de son corps.
Quant à la mort ! Elle s'en amuse presque. S'il existe un au-delà,
confie-t-elle à l'abbé Gédouin, elle y aura sa place car
"l'Enfer s'il peut brûler les corps, ne peut brûler les âmes."
Sensuellement plus discrète, Françoise d'Aubigné, magnifiquement
interprétée par Pauline Macia, se rapprochera au fil des décades
du pouvoir suprême. Gouvernante des bâtards de Louis XIV, elle séduira
le monarque à sa manière. Par un audacieux mariage secret avec
"le plus grand roi du monde", elle deviendra madame de Maintenon.
Dans cette dramaturgie, il y aussi l'illustration d'une époque.
La scénographie malicieuse de Cyrielle Clair et les alexandrins d'Hippolyte
Wouters, mâtinés d'airs de clavecin, nous convient à "l'âge
d'or" du libertinage. Les ingrédients inconditionnels y sont réunis
: amour de soi, du pouvoir, de l'argent, du plaisir, de la vie.
Ninon et Françoise, cultivées et brillantes, ont développé
au cours de leur existence l'art de plaire.
Corollairement à cela, Hippolyte Wouters porte avec minutie un regard
sur l'émergence de la femme moderne, son envie de liberté et d'indépendance.
On est sous le charme.
Intimiste, la petite salle du théâtre des Mathurins se prête
à merveille à la suggestion des élans du cur.
Décors et costumes sont parfaits.
Les comédiens à l'unisson.
A quelques pas de la scène, on est presque invités.
Courez-y !
Patrick Ottaviani
(15/06/13)